Chez les Touareg, la tameñġu, le fait de mettre la tăġūlmust, le voile de front et de bouche, se faisait au moment où l'adolescent devenait pubère, ce qui le mettait dans l'obligation de pratiquer le jeûne durant le Ramadhan. Mais ce n'était qu'à dix-huit ans qu'un garçon était considéré comme adulte. Cependant, pour cela, il avait encore un examen de passage à réussir, comme s'en souvenaient encore, il y a peu de temps, quelques personnes très âgées qui n'y avaient pas été soumises, trop jeunes encore, quand elle fut supprimée. Cette épreuve, qui n'a pas de nom, consistait pour le jeune homme à porter sur son dos le harnachement complet de son chameau (selle1, rênes, cravache, isetfā2, cordes, ăhaïf3, tamenast4, ainsi qu'une tasufra (petite outre de voyage) pleine d'eau, une couverture, une tichekwat5 avec de quoi faire du feu avec un enefed6, un couteau, un peu de nourriture simple comme de la tébek7, et bien sûr son épée (takba), sa lance (allar) et son bouclier (aer). Chargé de tous ces impedimenta, il devait retrouver son chameau de selle lâché la veille au milieu de nombreux autres chameaux également entravés. Il devait alors montrer qu'il était capable de déceler la trace de son chameau, de s'en saisir, de le harnacher et de revenir à son campement avant les premières lueurs du jour suivant. Si le jeune homme avait de la chance, il pouvait découvrir rapidement les traces de son chameau, les suivre, retrouver la bête et retourner au campement assis sur sa selle sans perdre de temps. Une personne, plus que centenaire maintenant, racontait qu'un candidat qui se croyait malin cacha ses bagages dès qu'il fut hors de vue du «jury» afin de rattraper sa monture rapidement. Sa supercherie découverte l'obligea à repasser l'épreuve ! Il faut savoir qu'un chameau entravé, dans une région qu'il ne connaît pas, peut faire vingt-cinq kilomètres en une nuit afin de retourner chez lui. «Mon propre chameau, ainsi que trois autres, échappèrent une nuit à la vigilance de leur gardien alors que nous nous rendions de l'Haggar au Niger. Ils furent effectivement retrouvés à vingt-cinq kilomètres au nord de notre bivouac» (Bernezat). Cette épreuve avait pour but de prouver que le jeune homme avait suffisamment de force physique et de connaissances pour rattraper un rezzou (éen) déjà en route et y participer. Un jeune Targui se préparait tout naturellement à cette épreuve dès sa plus tendre enfance, puisqu'il vivait au milieu des chameaux, heureux d'être hissé sur une selle, de faire se lever ces bêtes et de marcher fièrement devant elles en les conduisant par leur taant (rênes). Au cours de ses années d'adolescence, il découvrait comment s'occuper de ces grands camélidés : les attraper, les entraver, les conduire lentement au pâturage ou à l'eau, se méfier des coups de pieds, même des mieux dressés, ne pas les brutaliser, ne pas les effrayer, etc. Pour les chameaux de monte, il apprenait à placer correctement la selle afin de ne pas les blesser, à pratiquer les différentes allures, dont bien sûr la tabederat ou galop, spécialement difficile en tout-terrain, et aussi à monter sur son chameau sans le faire baraquer (Fig. 17,18). Il avait aussi appris à charger et décharger les chameaux de bât (Fig. 16) et, très important, à reconnaître peu à peu les traces, au moins celles des pieds antérieurs, des principaux chameaux de sa famille afin de pouvoir les retrouver lorsqu'ils étaient en liberté, parfois très loin des campements. Il n'est pas facile actuellement de savoir exactement quand a disparu cette coutume. On peut supposer qu'elle a dû se terminer au tout début des années 1930, peut-être même vers la fin des années 1920, les rezzous ayant pratiquement disparu à cette époque. Jean-Louis Bernezat, Marie-Jo et Mohamed Rouani, Abdallah Atanouf Ag Khabti Les conseils d'une mère à son fils Il est à noter que les razzieurs n'emportaient ni thé ni sucre, puisque ces denrées, tant appréciées aujourd'hui, ne se répandirent en Ăhaggar qu'en 1941 (Gast : 1968). Trois excellents conseils d'une mère à son fils qui va se joindre pour la première fois à un rezzou : «Tu emporteras une outre en peau de chèvre, beaucoup plus facile à humidifier et à remplir que celle en peau de bouc. Cela te permettra de la remplir rapidement au point d'eau et de partir au plus vite car tu pourrais être poursuivie par les razziés. Le soir, au bivouac, tu ne te mettras pas à côté du tas de bois, car on te demandera constamment d'alimenter le feu et tu ne pourras pas te reposer. Quand il y aura de la viande, tu prendras un morceau sans os, car la viande est plus nourrissante que l'os qui ne se mange pas et qui fait perdre du temps à le ronger !» Il est à noter que la puberté de la jeune fille donne lieu à une fête (Pandolfi : 1994). La tameñu consiste à coiffer la jeune fille d'un voile indigoté appelé ălecho quand il est neuf et ékerhei quand il a vieilli. Ce voile est retenu sous le menton par une aiguille (stenfus) qui est cassée au cours de la même cérémonie par un jeune homme, vierge comme la jeune fille. Le jeune homme, dont on ne divulgue pas le nom, est soigneusement choisi par la parenté féminine de la jeune fille, peut-être en vue de le marier ultérieurement avec elle ou simplement à cause des bonnes relations qu'entretiennent entre elles les deux familles. Il lui est impossible de ne pas accepter l'honneur qui lui est fait. L'aiguille cassée, il lui reste à faire un beau cadeau à la jeune fille comme doivent le faire tous les hommes ayant assisté à la scène. Cette coutume se poursuit actuellement en Ăhaggar chez les Touareg qui vivent encore en campement ou dans de petits villages. Elle semble avoir disparu chez les Touareg citadins.