La décision gouvernementale du 30 novembre dernier de geler la validité et la délivrance de permis de construire ainsi que la délocalisation de la ville de Hassi Messaoud continuent de susciter réactions et interrogations. Tout ce qui se rapporte à Hassi Messaoud touche le grand public. Son nom évoque le cœur de l'Algérie pétrolière, la source principale des richesses du pays. Hassi Messaoud est la ville de tous les paradoxes avec ses installations pétrolières grandioses, ses propriétés luxueuses, ses bidonvilles et ses mendiants qui jouxtent les pipelines. Zone industrielle, Hassi Messaoud est aussi chef-lieu de commune et de daïra par la force des choses. Elle s'étend sur 884 ha dont 650 occupés par Sonatrach pour ses installations, filiales, bases de vie et logements. Depuis la découverte du premier puits d'eau par Messaoud le bédouin puis le premier gisement de pétrole peu avant l'indépendance, ce centre industriel saharien a fait du chemin. En 1977, Hassi Messaoud comptait 6500 habitants, 11 428 en 1987, 40 368 en 1998 et 59 300 selon les dernières statistiques. La ville dénombre plus d'une centaine de bases de vie, quelque 6000 logements répartis sur 14 quartiers et 4 bidonvilles notoires comptant 450 familles recensées officiellement par les services de la commune. Depuis plus de deux décennies, la ville est en proie à une urbanisation sauvage vu l'absence d'un plan directeur d'aménagement et d'urbanisme avant 1997 et ce, malgré l'existence d'un plan d'occupation du sol établi en concertation entre la municipalité et Sonatrach qui garde son droit de regard sur toute opération ou projet de développement à l'intérieur ou à l'extérieur du périmètre urbain de la ville. Hassi Messaoud est également la seule zone industrielle du pays livrée à elle-même, sans instance de gestion. Pas d'interlocuteur possible hormis l'APC et Sonatrach, pas de responsable. Preuve en est la situation chaotique d'aujourd'hui. C'est le site industriel le moins sécurisé, à en croire les différents rapports établis depuis la création de la commune en 1984. Mais ce n'est qu'en 2000 que, pour la première fois, un rapport officiel la cite textuellement comme « zone industrielle à risques majeurs pour la population grandissante et pour les deniers de l'Etat ». Il s'agit d'un rapport détaillé de la Protection civile recensant 17 points à risques majeurs situés dans le périmètre urbain de la ville et précisant à l'intention du wali de l'époque, le défunt Chaouche Hamid, la nécessité vitale de la délocalisation de certaines installations jugées à degré élevé de danger tel que le centre d'enfûtage de Naftal qui, en plein cœur de la ville, détient un important stock de GPL transformé quotidiennement à l'état gazeux et chargé dans des bouteilles pour les besoins de la région. La raffinerie dite Centre industriel Sud (CIS) située à 200 m du centre d'enfûtage et à 1000 m de la zone habitable est un risque pour les bases de vie, hôtels, stade, centre P et T et cités résidentielles voisines. C'est dans le sens des recommandations de ce rapport que le défunt wali avait pris, dès 2000, la courageuse décision de geler toute nouvelle affectation de terrain dans les zones non étudiées et non approuvées, stoppant ainsi l'hémorragie du foncier, ce qui suscita beaucoup de remous à l'époque. Et c'est ainsi qu'un plan d'assistance mutuelle a été mis en place au niveau de la zone industrielle de Hassi Messaoud afin de faciliter l'intervention des différents acteurs en cas d'incident. Pour rappel, Hassi Messaoud comporte quatre risques majeurs selon les spécialistes, à savoir l'incendie, l'explosion, la pollution et la contamination. Ainsi, au-delà des grandes décisions et après le diagnostic des experts, quelles mesures va-t-on prendre ? Que va-t-on transférer et où ? Quels moyens et quels délais s'accorde-t-on ?