Les dissensions autour de l'avenir de Youssef Chahed à la tête du gouvernement tunisien sont finies. Il restera jusqu'aux élections de 2019. Un mini-remaniement ministériel est toutefois prévu dans les prochains jours. La fin de l'imbroglio politique en Tunisie est devenue possible grâce à un dégagement d'une majorité parlementaire favorable au maintien de Youssef Chahed à la tête du gouvernement. Les dissensions au sein de Nidaa Tounes, le parti fondé par le président Béji Caïd Essebsi, ont abouti à la division de son bloc parlementaire en deux groupes quasi similaires d'une quarantaine de députés chacun. Le groupe de Caïd Essebsi Jr est opposé à Youssef Chahed. Celui dirigé par le député Mustapha Ben Ahmed est organisé au sein du bloc nationaliste et soutient la stabilité gouvernementale. Ce dernier avec les députés d'Ennahdha et de Machrouaa Tounes réunissent 120 députés et peuvent assurer la majorité parlementaire nécessaire à Chahed pour gouverner. C'est la fin d'un épisode époustouflant de la transition en Tunisie. Du moment que la majorité requise à l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) est disponible, Youssef Chahed peut aller devant l'ARP avec son mini-remaniement, plutôt technique. Il s'agit, selon toute vraisemblance, des ministères du Tourisme, Finances, Commerce, Industrie, Justice, Santé et Equipement, ainsi que du secrétariat d'Etat à la diplomatie économique. La présidence du gouvernement a procédé à une évaluation de l'action de tous les départements par rapport aux objectifs tracés dès le départ. Remaniement technique Selon des sources proches du gouvernement, les secteurs du Tourisme, du Commerce et de l'Industrie auraient pu beaucoup mieux faire, surtout que la sécurité a été rétablie depuis 2016. Par ailleurs, les professionnels considèrent que l'administration n'a pas aidé à la reprise escomptée dans ces trois domaines. La ministre du Tourisme, Selma Loumi, est déjà pressentie à la tête du cabinet présidentiel après le départ de Slim Azzabi du palais de Carthage. La gestion de l'administration est également très critiquée dans les départements de la Santé et de l'Equipement. La prise en charge de la santé laisse à désirer, notamment dans les établissements publics de santé. De même pour l'infrastructure, les intempéries des derniers mois ont laissé apparaître les défaillances des routes et des ponts, même ceux qui viennent d'être approuvés. Pour ce qui est des départements des Finances, de la Justice et de la Diplomatie économique, les réformes escomptées n'ont pas avancé au rythme voulu et selon les programmes établis. Il s'agit donc de redresser la barre dans cette dernière année de l'actuelle législature. Youssef Chahed veut donner un coup d'accélérateur à la transition en Tunisie, en intégrant un nouveau souffle au sein de son équipe. Calendrier chargé Le remaniement ministériel est annoncé pour être finalisé durant les deux prochaines semaines, afin que les députés de l'ARP se concentrent, à partir de la 2e semaine de novembre, sur les discussions budgétaires de la loi de finances 2019. Ensuite, ils auront à répondre à des engagements constitutionnels, comme la composition de la Cour constitutionnelle, l'élection du président et du tiers renouvelable de l'ISIE, ainsi que la refonte de la loi électorale. Lesquels enjeux nécessitant chacun une majorité des deux tiers, pas évidente à obtenir dans un environnement aussi tendu de la scène politique en Tunisie. Il s'agit impérativement de rallier le bloc parlementaire de Nidaa Tounes à ceux d'Ennahdha et du bloc nationaliste, proche de Youssef Chahed, pour réunir les 147 voix nécessaires pour la Cour constitutionnelle, l'ISIE et la réforme de la loi électorale. En dehors de ces tiraillements politiques, le volet socioéconomique inquiète lui-aussi. A ce titre, deux choses sont à retenir. D'une part, la sortie cette semaine de la Tunisie sur le marché financier international pour réunir un milliard de dollars, nécessaire pour clôturer son Budget 2018. Une sortie d'autant plus périlleuse que les notations des agences internationales d'évaluation ne sont pas favorables à une sortie pareille. Le taux d'intérêt sera donc très dur à avaler par les finances publiques. D'autre part, l'inflation frappe le pays de plein fouet et la tension sociale est à son paroxysme avec une grève générale de la Fonction publique, annoncée pour le 22 novembre prochain. L'UGTT réclame des révisions salariales pour les 680 000 agents de l'administration tunisienne, qualifiée déjà de pléthorique par les instances financières internationales, puisque les salaires «bouffent» 14,2% du PIB. Le gouvernement est donc tiraillé entre la nécessité de répondre aux requêtes sociales et le devoir de compression de la vanne des salaires. Le gouvernement de Youssef Chahed est loin de se sentir à son aise.