Le président tunisien, Béji Caïd Essebsi, a reçu au cours de ces derniers jours le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi. Ces deux derniers se sont également récemment rencontrés. Le remaniement ministériel attendu pour les semaines à venir se prépare dans les coulisses. Des rencontres ont été déjà enregistrées entre le président, Béji Caïd Essebsi, le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, et le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, les principaux acteurs de la vie politique. Le président de la République, Béji Caïd Essebsi, a reçu au cours de ces derniers jours le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, et le secrétaire général de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi. Ces deux derniers se sont également récemment rencontrés. Les communiqués officiels publiés parlent d'examen de la situation prévalant dans le pays. Mais il n'échappe à personne que le remaniement ministériel est au centre de tels entretiens. Toutefois, les grands acteurs sont encore en phase de cogitations. Imminence Le remaniement ministériel est imminent et inévitable, puisque le ministère de l'Education est concerné. Le département est chapeauté par le ministre de l'Enseignement supérieur, Slim Khalbous, en cumul avec l'Enseignement supérieur, après l'éviction de Neji Jalloul le 30 avril dernier. Il y aura donc impérativement une nomination imminente à la tête de ce département stratégique. Mais, nul ne peut affirmer l'étendue du remaniement, vu l'équilibre fragile de la majorité parlementaire en place et les exigences des uns et des autres, parmi les partis. «Les défaillances constatées dans l'exercice gouvernemental ne manquent pas et concernent plusieurs départements. Mais un remue-ménage n'est pas envisagé, parce qu'il faut réunir un consensus autour des nouveaux noms, ce qui n'est pas facile», estime Mustapha Ben Ahmed, le président du bloc national au Parlement. Ben Ahmed pense que le remaniement ministériel nécessite d'abord l'accord des trois principaux acteurs de la scène politique en ce moment, à savoir Béji Caïd Essebsi, Rached Ghannouchi et l'UGTT. Le président de la République continue à régner en maître absolu sur Nidaa Tounes, le parti dont il est le fondateur et le symbole, le parti qui a redistribué les cartes en 2014, en remportant les élections. Rached Ghannouchi a tout fait lors du dernier congrès d'Ennahdha pour préserver la domination du président du mouvement, élu par les congressistes, sur le parti. C'est lui qui propose les membres du bureau exécutif, ce qui lui permet de dominer le parti. Avec le 1er bloc parlementaire à l'ARP, l'aval d'Ennahdha est fondamental pour tout remaniement. Concernant l'UGTT, son rôle est capital pour stabiliser le terrain social. C'est Taboubi qui est parvenu à convaincre les jeunes du sit-in de Kamour à Tataouine, de rompre leur mouvement et accepter l'accord proposé par le gouvernement. Lequel sit-in avait déstabilisé le gouvernement. Enjeux et attentes Le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a déjà annoncé aux acteurs politiques, il y a deux semaines, un remaniement ministériel, l'annonçant comme résultat de l'évaluation en cours de l'année d'exercice du gouvernement d'Union nationale, formé sur la base de l'accord de Carthage, signé en juillet 2016. La scène politique et les réseaux sociaux ont déjà spéculé durant des mois au rythme des échos d'un tel remaniement. Chaque force politique regarde ce remaniement sous l'angle de ses intérêts partisans. Les islamistes d'Ennahdha, partie prenante de la coalition gouvernante, font des acrobaties entre le pouvoir et le contre-pouvoir. Au moment où la direction politique pèse de tout son poids sur les choix, les structures régionales font plutôt de l'opposition pour aspirer le mécontentement populaire et refléter le ton de la rue. Ennahdha veut garder ses portefeuilles et contrôler le prochain titulaire du ministère de l'Education, afin de ne pas se retrouver un Neji Jalloul bis, trop libéral pour eux. Nidaa Tounes, ou ce qu'il en reste, veut préserver le ministère de l'Education et être plus présent dans l'entourage du chef du gouvernement, Youssef Chahed, issu certes du parti fondé par le président Caïd Essebsi mais échappant au contrôle de la sphère de Hafedh Caïd Essebsi, l'actuel directeur exécutif du parti. Nidaa Tounes veut réaffirmer sa présence sur la scène politique. Mais, il semble qu'il manque de figures pouvant assurer cette fonction. Afek Tounes est l'unique autre parti disposant de députés dans l'actuelle coalition au pouvoir. Il n'a que huit députés mais, néanmoins, deux ministères (Santé et Collectivités locales). Afek Tounes n'est pas sûr de rester au pouvoir. Ses militants font pression pour quitter la coalition gouvernante, trop figée par cette alliance contre-nature «Nidaa Tounes/Ennahdha». Machrouaa Tounes de Mohsen Marzouk est signataire de l'accord de Carthage, mais n'est pas dans la coalition gouvernementale, parce que le parti se considère diamétralement opposé avec Ennahdha. Marzouk veut que son parti (22 députés) prenne le rôle joué par Nidaa Tounes en 2014. Aujourd'hui, Machrouaa Tounes soutient à fond Youssef Chahed dans son opération coup-de-poing de lutte contre la corruption. Machrouaa Tounes jouera le contrôle du pouvoir, en émettant le veto contre certains noms. Les autres partis ne font qu'observer dans une conjoncture internationale marquée par le recul de l'islam politique. Ennahdha est donc loin d'être à l'aise pour manœuvrer à sa guise. Le remaniement ne s'annonce pas facile, surtout que les partis au pouvoir (Nidaa Tounes et Ennahdha) considèrent que Youssef Chahed les a ignorés dans sa campagne contre la corruption.