La menace persiste et pour cause ! L'ire collective, que ce soit dans la commune de Dar Chioukh ou de Mliliha, à 50 km à équidistance de Djelfa, se fait de plus en plus vive et les protestataires étaient nombreux hier au début des deux mouvements qui, pour rappel, ont eu lieu bizarrement dans le même timing ! Mliliha (Djelfa) : De notre envoyé spécial Parti à l'information pour de plus amples détails sur les risques d'une escalade, El Watan s'est rendu à Mliliha, compte tenu d'un élément sociétal essentiel dans le déroulement des faits, à savoir que cette localité est monotribale. A l'inverse de Dar Chioukh, qui renferme pas moins de 7 grandes tribus. Il est vrai qu'en théorie, c'est apparemment l'inverse qui doit présenter plus d'intérêt pour notre couverture, dans la mesure où le conflit est plus probable dans une société multitribale. Or, en pratique, ce n'est pas souvent le cas, car une tribu a également des ramifications que sont les fractions (8), les branches et les tiges. D'où une plus grande disposition à l'inimitié quand on est surtout parents, cousins et arrière-cousins. En effet, sur le terrain, ce qui était largement visible s'est vérifié. Tout autour et dans l'enceinte de l'APC, il y avait une foule grouillante. L'équivalent de ce que peut contenir une cinquantaine de véhicules, en stationnement en longue file devant la brigade de gendarmerie. Une fois dans le bureau du maire, on nous répond qu'il s'agit de la population autochtone, la « vraie ». Dans ce cas, l'autre bord, celui qu'on accuse ouvertement d'avoir « fomenté » ces troubles, serait-il venu d'ailleurs ? Le maire nous rétorquera que oui. « Les sages de la tribu, ceux que vous voyez ici, qui se sont saisis de l'affaire sont là pour dénoncer cette propension à menacer de fermeture systématique la mairie à chaque fois qu'il y a manipulation par les élus du FNA. Tout ça parce que nous avons tenu un meeting de sensibilisation en faveur d'un vote massif pour Bouteflika, mardi dernier ! » Considérations politiques En somme, nous passons là de motifs sociaux – un ras-le-bol presque généralisé – à des considérations politiques ! Mais une autre interprétation des raisons à même d'expliquer la provocation de cette jacquerie nous attendait à l'extérieur. Au début, on ne les avait pas vus, des groupuscules étaient disséminés pour éviter le champ d'une caméra cachée, mais aussi parce que le maire, son adjoint et un délégué ont déposé des plaintes nominatives en s'appuyant sur des certificats médicaux d'incapacité physique de 15 à 30 jours. En plus d'avoir été sagement conseillée de ne pas recourir à la violence. Mais, elle était toujours là, seulement embusquée, jusqu'au moment de notre arrivée. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'on a été littéralement assaillis de toutes parts par cette foule déguenillée, affamée, chétive. Des personnes laissées pour compte. Des parents pauvres de la manne pétrolière ! Leurs récriminations, contenues dans une pétition et qui ne peuvent laisser insensible, s'articulent autour de plusieurs points : « L'absence répétée du P/APC et des délégués d'antenne qui résident à Djelfa, une mésentente des formations politiques au sein de l'APC qui leur fait payer un lourd tribut, une insuffisance du transport scolaire (un bus pour 120 écoliers), des décisions interlopes de recrutement des gardiens du gazoduc sud-nord, l'inexistence du gaz de ville, alors qu'il fait un froid polaire dans cette localité, l'attribution de certificats de résidence illicites… » Deux protestataires auraient été percutés par la voiture du maire au moment de prendre la poudre d'escampette, avant-hier, nous a-t-on appris. Et, sans nous en rendre compte, le nombre de ces protestataires augmentait doucement mais sûrement. Cependant, la situation risquait de dégénérer car l'on voyait défiler devant nous une vingtaine d'individus armés de gourdins. Pourquoi, alors que rien ne laisse présager la moindre violence ? Eh bien, c'est à ce moment-là que nous nous sommes aperçus que ceux-là, nos interlocuteurs du moment, sont bel et bien des autochtones et que ceux qu'on a rencontrés précédemment dans les locaux de la mairie n'étaient en fait que des « soudards » « importés » de Djelfa, n'ayant déguerpi qu'au prix de l'exhibition de gourdins ! Pour preuve, au sortir de la ville, ils ont tous pris place dans leurs voitures en direction du chef-lieu ! Moralité, ces protestataires qui sont restés fidèles à leur fief sont, non seulement, pauvres comme Job, mais continuent, selon eux, de subir les affres d'une piètre gestion de leur commune. D'ailleurs, dans leur pétition, ils appellent à une enquête approfondie sur l'utilisation des ressources communales, ainsi que sur le filet social et l'emploi de jeunes, non sans exiger le départ du maire. A Dar Chioukh, c'est exactement le même topo. A l'heure où nous mettons sous presse, le dialogue entrepris par le DRAG avec un panel de citoyens en colère ne donne aucun résultat. Là aussi, l'on demande le départ du chef de daïra et du maire ! Sur le chemin du retour, vers 14h30, nous avons croisé un important renfort de gendarmes et de policiers antiémeute en direction des deux localités. Aux dernières nouvelles, le chef de daïra, contacté par téléphone, vit depuis deux jours, avec sa famille, comme des reclus !