Boualem Kadri est professeur au département d'études urbaines et touristiques de l'Ecole des sciences de la gestion de l'Université du Québec à Montréal (ESG-UQAM). Il est l'auteur de plusieurs publications traitant des rapports entre le tourisme et la métropole, tant dans des pays du Nord que du Sud. Il revient, dans cet entretien, sur la 4e édition du Colloque international sur le tourisme dans le monde arabe organisé conjointement par la faculté des sciences de la terre, de géographie et de l'aménagement du territoire de l'USTHB et l'ESG-UQAM. Selon M. Kadri, la problématique du tourisme des nationaux en Algérie revêt une importance primordiale et devrait être prise en charge non seulement par les «administrateurs» au niveau des départements ministériels concernés, mais aussi par la communauté universitaire à travers ses analyses scientifiques et ses recherches. – Comment la collaboration de l'université de Montréal avec l'USTHB a-t-elle pris forme pour organiser ce colloque dédié à la problématique du tourisme ? La collaboration officielle entre l'UQAM et l'USTHB a démarré en 2011 avec des assises beaucoup plus individualisées qui remontent à 2002-2003 lorsque j'ai écrit des chapitres de livres dont le premier portait sur La Casbah d'Alger. En 2010, nous avons organisé un premier colloque sur le tourisme, puis en 2011 nous avons officialisé cela par la première convention entre l'UQAM et l'USTHB, avec des avenants portant sur les sciences de la terre, l'aménagement et la géographie. Ladite convention porte sur l'ensemble des disciplines qui sont disponibles à l'UQAM et l'USTHB, mais principalement sur les sciences de la terre et les études urbaines et touristiques. Nous travaillons, depuis, essentiellement sur ces deux derniers aspects. – Qu'est-ce qui a motivé les deux universités à opter pour la problématique touristique ? C'est lorsque j'ai travaillé sur la question de la métropolisation de la ville d'Alger au département d'études urbaines et touristiques de l'UQAM que j'ai eu l'idée de contacter mes collègues, en Algérie, pour leur dire qu'il faudrait que le développement touristique soit analysé et étudié à l'université pour pouvoir assurer une pérennité scientifique. Par la suite, nous avons collaboré pour le lancement, en 2015, du premier mastère en tourisme à l'USTHB de Bab Ezzouar sous l'appellation d'«Aménagement touristique et développement durable». L'université a, ensuite, entamé la mise en œuvre d'un doctorat en tourisme, une première en Algérie. – Pourquoi avoir choisi le thème du tourisme des nationaux pour cette 4e édition ? C'est pour analyser les pratiques des nationaux qui partent à l'étranger, dans les pays arabes, mais aussi les nationaux non résidents en Algérie qui reviennent au pays pour faire du tourisme. On connaît bien le développement du tourisme international, d'après les chiffres et les données disponibles, mais on connaît très mal le tourisme national. Ce colloque a d'ailleurs fait ressortir certaines pratiques, tout en identifiant par exemple les genres prisés par les nationaux comme le tourisme de montagne, ou le tourisme de type social qui existait en Algérie depuis de longues années (colonies de vacances, séjours proposés par les entreprises à leurs employés). Il y a aussi d'autres pratiques qui ne sont pas forcements visibles, mais qu'il faudrait absolument rendre visibles à travers l'université en lui donnant une forme scientifique. C'est la raison pour laquelle nous appelons à passer d'un discours plus administratif du développement touristique à un développement de la destination selon un projet. Cela demande que des acteurs locaux s'y intéressent et qu'une approche du projet se développe selon un certain management. Mais le plus important est de faire en sorte que le tourisme national ne soit plus considéré comme un élément compensateur lorsqu'il y a moins de touristes étrangers. – Qu'en est-il de l'aspect infrastructure ? Evidemment il faudrait développer une certaine accessibilité. Les routes et les autoroutes sont aujourd'hui assez développées, mais il faut aussi greffer à cela le développement du transport, l'accès aux services de santé, à l'hébergement et autres infrastructures de base. En fait, ce que nous avons constaté c'est que le développement touristique a fait jaillir des problématiques liées au quotidien des résidents, en ce sens que le tourisme national n'est autre qu'un tourisme du quotidien. Concernant l'hôtellerie, il ne faut pas penser seulement à l'hôtellerie haut de gamme, puisqu'il y a la possibilité de lancer des projets de création de gîtes destinés à l'hébergement des touristes nationaux. – Comment les pouvoirs publics devraient-ils exploiter les résultats de la recherche universitaire dans le domaine du tourisme ? Le tourisme ne peut se développer qu'en étant un élément fondamental de l'économie nationale et non pas comme une «roue de secours». C'est une fonction au sens propre du terme, et la construction du projet du territoire touristique et la destination doivent se faire en relation avec l'université, les institutions étatiques et les acteurs économiques et sociaux. Personnellement, j'ai toujours eu cet objectif de construire un pont entre les universitaires algériens résidant en Algérie et ceux qui sont dans les universités étrangères, et ce, pour apporter un plus à la formation des étudiants algériens dans le domaine du tourisme.