Mercredi dernier, El Watan titrait pour la première fois un article en chinois. C'était pour la célébration du nouvel an chinois. D'autres journaux en ont parlé aussi et, çà et là, on évoquait la « communauté chinoise » et non plus, comme récemment, les « travailleurs chinois ». Le lendemain, notre confrère Le Quotidien d'Oran publiait un placard ainsi libellé : « Importante société industrielle cherche un professeur de chinois pour assurer des cours au profit des cadres dirigeants ayant un contact permanent avec des opérateurs chinois. Envoyer lettre de motivation manuscrite et CV à… » On peut bien sûr considérer sous plusieurs angles cette offre, en se demandant par exemple pourquoi elle ne concerne que les cadres, car si ceux-ci sont « en contact », leurs subalternes devraient l'être aussi. Mais au delà de l'anecdote, il y a là un phénomène qui ne concerne pas seulement l'Algérie. La fulgurante avancée de l'économie de la Chine, la présence de plus en plus affirmée de cette puissance sur la scène internationale prennent désormais une dimension culturelle notable. Lors de l'ouverture des JO de Pékin, nous avions signalé ici la symbolique culturelle de son spectacle grandiose et son pied de nez à l'ethnocentrisme européen ou américain. Non, nous disaient les figures de ce show, le monde n'est pas qu'Occident et nous y avons apporté beaucoup. L'influence d'un pays est aussi celle de sa culture. L'histoire montre que celui qui crée, produit et vend, impose sa langue et ses visions. Quand la civilisation musulmane était à ses sommets, le reste du monde a retenu les mots qui accompagnaient ses découvertes. Aujourd'hui encore, ils gardent leur étymologie arabe. Au top mondial, le chinois mandarin est déjà la première langue : 1,2 milliard de locuteurs ! Effet démographique, à l'instar de l'hindoustani qui le talonne, mais, parmi ces sinophones, on compte 300 millions dont ce n'est pas la langue maternelle. L'ancien empire du Milieu occupe le centre de la « parlote » mondiale, sauf sur Internet où il n'est que… deuxième. Cette dynamique s'appuie maintenant sur une stratégie culturelle et linguistique. Depuis 2004, le réseau des instituts Confucius, s'est développé de manière extraordinaire : 249 instituts et 6000 classes dans 78 pays et 3000 bourses offertes aux professeurs et étudiants pour étudier la langue en Chine. Ajoutons 2000 activités culturelles. Un hadith prophétique recommandait : « Cherche la science, fut-ce en Chine ». Quand donc Alger aura-t-elle son Institut Confucius ? Cela enrichirait nos ouvertures et nous pourrions alors voir la Chine autrement qu'à travers les processions laborieuses et poussiéreuses de ses ouvriers expatriés. Pourtant, au fond, ce sont ces travailleurs qui permettent à leur culture d'avancer dans le monde.