Ignoré par le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, comme partie prenante dans la solution politique au conflit du Sahara-Occidental qu'il est venu plaider auprès d'Alger, le Front Polisario a estimé hier par la voix de Mohammed Baïssat Yeslem, ambassadeur de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), à Alger, que l'attitude de la France visant à restreindre le conflit sahraoui à un problème entre Alger et Rabat est une manœuvre politique « non sérieuse » et « irresponsable ». « Après 30 ans de conflit, dont la France n'ignore pas les protagonistes, au même titre que l'Espagne qui en est à l'origine, les autorités françaises tentent de créer la confusion en appelant à des négociations entre Alger et Rabat », dénonce l'ambassadeur sahraoui, en rappelant que la France a ratifié en 1990 la résolution 690 des Nations unies qui définit clairement les parties en conflit : le Maroc et le Front Polisario. Pour l'ambassadeur de la RASD, la France, et derrière elle toute l'Europe, « fait preuve de duplicité et d'hypocrisie, elle ne veut pas de l'intégration maghrébine et œuvre à maintenir la tension dans la région en sabotant le plan onusien et en encourageant le Maroc dans son attitude d'arrogance face aux décisions de la communauté internationale ». Mohamed Baïssat Yeslem rappelle qu'en matière de plans, la communauté internationale a déjà beaucoup donné, sans qu'aucun arrive à terme, en raison de l'entêtement marocain et du soutien de la France. « Ce ne sont pas les plans qui manquent, mais une réelle volonté politique de la France régler le problème », a soutenu M. Baïssat. Ce dernier a interpellé l'Espagne, à l'occasion de la visite hier à Alger de José Luis Rodriguez Zapatero, sur sa responsabilité historique dans le conflit sahraoui. Pour lui, le récent alignement de l'Espagne sur la position française concernant le Sahara-Occidental relève moins de la « concertation » entre les deux pays que d'un « pur diktat français ». Mohamed Sidati, représentant du Polisario auprès de l'Union européenne, a estimé, de son côté, dans une déclaration publique que « l'intention de l'Espagne d'inscrire sa démarche dans le cadre d'actions coordonnées avec la France est un motif supplémentaire de préoccupation, connaissant la position de soutien inconditionnel de la France aux thèses coloniales du Maroc sur le Sahara-Occidental ». Réagissant aux déclarations faites au journal El Mundo, dimanche dernier, par le ministre espagnol des Affaires étrangères, Angel Moratinos, qui a considéré que l'organisation d'un référendum d'autodétermination provoquerait « une crise politique généralisée en Afrique du Nord », Mohamed Sidati s'est dit « inquiet ». « Les propos du ministre espagnol sont regrettables, prêtent à confusion et préoccupent le peuple sahraoui qui lutte pour sa liberté et son droit inaliénable à l'autodétermination », a-t-il ajouté. « Le référendum est l'exercice suprême de la démocratie politique et ne peut être dégradé à une solution technique ni invoqué comme prélude à une quelconque crise », a encore estimé M. Sidati et de finir : « On peut apprécier que l'Espagne manifeste son intérêt et sa volonté de contribuer à une solution politique, mais celle-ci doit être basée sur l'autodétermination du peuple sahraoui. »