Des représentants du mouvement citoyen rencontreront, demain à Alger, Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, selon un délégué des archs contacté hier soir. Une démarche qui vient, rappelons-le, suite au conclave de l'interwilayas qui s'est tenu samedi dernier à Tizi Ouzou. Lequel conclave avait abouti à l'acceptation par les archs de l'offre de renouer le dialogue lancée quelques jours auparavant par le chef du gouvernement. Cette nouvelle rencontre entre les deux parties devra reprendre le dialogue là où il s'était arrêté en mars 2004. A cette époque-là, chaque partie campait sur ses positions. Demain, il s'agira de rouvrir un dossier en souffrance en essayant de lui apporter les solutions qui s'imposent. A chaque partie de prendre ses responsabilités. Qu'y a-t-il de positif dans l'appel du chef du gouvernement à la reprise du dialogue pour que vous acceptiez de reprendre aussi facilement ? D'abord, il répond à une position du mouvement, que nous avons adoptée lors de l'avant-dernière interwilayas : avoir des explications sur la non-application du protocole d'accord de janvier 2004 et la question du référendum. Cette invitation contient ces éléments-là. D'abord, il s'engage à appliquer les incidences. Donc, pour nous, il n'est plus question de parler de ces incidences, mais d'attendre leur application intégrale et aussi de les actualiser. L'actualisation fait partie de notre feuille de route. Il y a aujourd'hui des détenus au niveau des Aurès et au sud du pays. Il y a des journalistes en prison tels que Benchicou. Ces questions font partie de nos préoccupations. Il y a aussi la question des excuses de l'ENTV par rapport au non-paiement des factures d'électricité, la prise en charge du contentieux 2004. La non-application de la sixième incidence concernant les indus élus et la défiscalisation sont toujours d'actualité. Quant à la deuxième partie concernant la plate-forme d'El Kseur, il parle d'un protocole d'accord global. Pour nous, la question du référendum est levée, parce que la plate-forme parle de l'officialisation de tamazight sans référendum. Ne pensez-vous pas que la question du jugement des assassins est prioritaire par rapport aux autres revendications, notamment la question identitaire ? La plate-forme, c'est tout un projet. On ne peut dissocier une question d'une autre. La différence entre la question du jugement des assassins et la revendication identitaire est que le jugement des assassins, c'est une conséquence de la crise. Ces assassinats sont intervenus au printemps noir. Donc, c'est récent par rapport à la question identitaire. C'est un déni identitaire, une revendication de plusieurs générations, une exigence démocratique qui doit être prise en charge sérieusement et officiellement par les pouvoirs publics pour qu'elle ait son statut dans notre pays. Pour nous, toutes ces questions devraient trouver des réponses. Le jugement des assassins est l'une des préoccupations fondamentales du mouvement et, aujourd'hui, quatre ans après le drame, aucun assassin n'a été jugé, et les familles n'ont pas fait leur deuil. C'est grave pour l'Etat algérien. Des observateurs notent que l'appel du chef du gouvernement serait lié au projet d'amnistie générale évoqué par le président de la République. Ne craignez-vous pas que ce projet englobe aussi ceux qui ont tué en Kabylie ? Nous sommes contre l'impunité. Le mouvement est clair là dessus. La plate-forme d'El Kseur exige le jugement des assassins. Certains voudraient rattacher le mouvement à l'amnistie. Nous n'avons rien à voir. Nous sommes des victimes, nous n'avons pas tué. Nous sommes un mouvement pacifique et démocratique. Nous ne connaissons ni les tenants ni les aboutissants de l'amnistie dont on parle. Jusqu'à présent, ce n'est qu'une idée vague. Cet appel intervient au moment où le mouvement commence à mettre à exécution la réflexion entamée en juin dernier. On s'est fixé comme objectif de reprendre la lutte pour faire aboutir nos revendications. Le Pouvoir a compris que le mouvement n'est pas près de céder sur quoi que ce soit. Le mouvement reste une force de protestation née pour prendre en charge des revendications. Aujourd'hui, s'il y a une volonté politique pour prendre en charge ces revendications, le mouvement est disponible pour être partie prenante dans la mise en œuvre de la plate-forme d'El Kseur. Nous allons suivre les choses de très près. Il y a des gens qui disent qu'il ne faut pas faire confiance au Pouvoir qui n'a pas respecté les engagements contenus dans le protocole d'accord de janvier 2004. Qu'en pensez-vous ? Le rapport de confiance n'a jamais existé. Le Pouvoir a tablé sur l'essoufflement du mouvement après le mois d'avril. Il a compris tardivement que le mouvement est ancré dans la société et, aujourd'hui, rien ne peut se faire sans le règlement de cette crise. Quant à la non-application de ces engagements, c'est grave, car avant tout c'est un engagement de l'Etat. Un engagement écrit de l'Etat qui n'est pas appliqué. C'est toute la crédibilité de l'Etat qui est mise en cause. Ce n'est plus une question de confiance. Pour nous, ce qui est primordial, c'est la plate-forme d'El Kseur, mais nous restons fermes quant à l'application des engagements signés.