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Abderrahmane Seri : Pour un devoir de mémoire
Publié dans El Watan le 07 - 02 - 2009

Il y a de cela 50 ans, le 6 février 1959, paraissait dans l'édition n° 36 du journal El Moudjahid la photo de trois fiers officiers, alignés dans un garde-à-vous impeccable sous le portrait de l'Emir Abdelkader. C'était à l'occasion de la cérémonie de la remise de leur grade de lieutenant par le président Belkacem Krim, ministre des Forces armées du Gouvernement provisoire de la République Algérienne en guerre.
En légende de cette photo historique : « Les premiers officiers pilotes de l'Algérie combattante » et, en commentaire, on y évoquait pour la première fois l'existence d'une « armée de l'air » algérienne. Cet événement fondateur m'interpelle en tant qu'officier retraité des forces aériennes algériennes, cette armée a été créée en pleine guerre de libération par une poignée de jeunes héros qui allaient, de ce simple fait, convaincre l'adversaire de sa défaite inéluctable, puis, l'indépendance une fois acquise, pour permettre à notre pays de disposer des moyens hautement dissuasifs de sa défense. Leur histoire reste malheureusement encore entièrement à écrire pour que les générations futures – et même actuelles – sachent que des hommes valeureux et au patriotisme viscéral ont surmonté difficultés et adversités de toutes natures, abandonnant parfois des situations de relatif confort matériel, pour donner à notre glorieuse Armée de libération nationale les moyens de défier l'adversaire colonial sur le terrain même de sa puissance technologique.
Le privilège et l'honneur d'avoir été, de surcroît, le neveu d'un de ces trois pionniers de l'aviation militaire qui ont fait cette photo d'El Moudjahid, à savoir le défunt capitaine Abderrahmane Seri , me dictent et m'imposent ce devoir de mémoire envers cette génération de combattants — anonymes à force d'humilité — qui méritent bien la reconnaissance de la patrie.
Voici donc, en toute humilité, sachant qu'il ne reflétera jamais assez toute la richesse et la complexité de son parcours, recueilli dans les propres documents et écrits posthumes du défunt et dans la mémoire de ceux, encore vivants, qui l'ont côtoyé à l'époque des faits ou qui ont recueilli par la suite ses paroles, un témoignage aussi sincère et fidèle que possible sur ce précurseur que fût le regretté capitaine Abderrahmane Seri.
Son parcours militant aux moments des faits débute aux Ateliers industriels de l'air (AIA) de Maison-Blanche où, nanti de son diplôme de technicien d'études et de fabrications des services techniques de l'aéronautique, obtenu de haute volée à l'Ecole nationale supérieure de l'aéronautique (Sup.Aéro) de Paris, il allait y être recruté en 1954 en tant qu'agent technique responsable des bancs d'essais des moteurs d'aviation. Ce sera toujours à l'AIA que Abderrahmane Seri suivra par la suite, durant l'année 1955, un stage de pilotage, lequel sera sanctionné par un brevet de pilote d'avion de 1er degré (pilote d'essais) qui lui sera délivré par le Centre d'essais en vol (CEV) de Brétigny-Sur-Orge (France) le 13 février 1956.
Pour revenir à cette année charnière de 1954, un événement capital allait se produire qui allait orienter complètement sa vie et son parcours ultérieur d'homme et de patriote. Abderrahmane Seri avait un oncle maternel, Noureddine Belhaffafi, dit Abdelkader, ancien militant MTLD, membre de l'OS, qui tombera plus tard au champ d'honneur, mais dont, saisissant cette occasion pour un devoir de mémoires plurielles, nous devons relever ici le fait bien triste qu'aucune rue ni même ruelle dans sa ville natale d'Alger ne commémore le nom. Nous sommes au lendemain du 1er Novembre 1954 et cet oncle, fuyant la traque de la police coloniale des maquisards de la première heure qui venaient de faire le « coup de feu » du déclenchement de la guerre de Libération nationale, vient se réfugier au domicile des Seri, Rue Zaâtcha (bd Bru, actuel bd des Martyrs).
Noureddine Belhaffafi allait alors être hébergé clandestinement chez sa sœur durant une courte période de 2 mois environ, avant d'être par la suite exfiltré en France sous la fausse identité de son frère Abderrahmane. Mais durant ce court séjour, il va sensibiliser et instruire son jeune neveu aux motifs et objectifs du déclenchement de la révolution algérienne auxquels celui-ci, sa conscience ainsi éveillée, allait aussitôt adhérer sans réserve. C'est donc tout naturellement que, au courant du mois de septembre 1955, Abderrahmane Seri allait saisir l'occasion d'une rencontre avec son cousin Abdelhamid Chikbouni, syndicaliste UGTA et militant nationaliste de la première heure, dont il était au courant des liens avec l'organisation militaire, pour lui remettre les plans complets des installations industrielles de l'AIA dans la perspective d'une opération de sabotage.
Abdelhamid Chikbouni transmettra ces plans à Rachid Kouache, alors artificier dans l'équipe de fabrication de bombes de l'organisation militaire à Alger, dans son garage rue Léon Roch à Bab El Oued. Lequel Rachid Kouache les remettra à son tour à sa hiérarchie qui, pour une raison ou une autre – estimant peut-être tout simplement inopportun ou irréalisable une telle opération – ne donnera cependant pas de suite à cette initiative de Abderrahmane Seri. Mais toujours est-il que, suite à cette remise de plans, Abderrahmane Seri allait être mis directement en rapport avec Rachid Kouache qui le fera, au cours de ce même mois de septembre 1955, formellement enrôler dans les rangs de l'ALN-FLN avec instructions de l'organisation de demeurer dans l'AIA en tant qu'agent infiltré.
En début d'année 1956, au cours d'une discussion qu'il allait tenir à nouveau avec Abdelhamid Chikbouni, il lui fera part d'un projet de détournement vers la Tunisie ou la Libye, pour le remettre en trophée de guerre à la direction de la révolution algérienne, d'un petit avion de liaison à l'occasion d'un vol d'entraînement qu'il devait effectuer pendant son stage de pilotage.
Son cousin l'en dissuadera cependant au motif qu'une telle opération ne pouvait se faire qu'avec l'aval de la direction de l'organisation militaire, aval sans lequel toute cette opération pourrait bien passer pour une mission d'infiltration d'espions montée par l'adversaire. Au courant du mois d'avril 1956, peu après son retour de France avec son brevet de pilote d'essais, une réunion des employés de l'AIA au cercle Cherif Saâdane va se tenir et qui aboutira à la création au sein de cet établissement d'une section syndicale affiliée à l'UGTA qui réunira 300 adhérents et dont Abderrahmane Seri, aux côtés de deux autres employés, Ahmed Kaïd et Mouloud Aïnouz, assurera collégialement la conduite en qualité de secrétaire.
Suite au déclenchement de la grève du 5 juillet 1956 à laquelle le syndicat des employés de l'AIA allait activement participer, Abderrahmane Seri sera « muté » en France, en même temps que son compagnon Mouloud Aïnouz, probablement dans un AIA de la métropole, dont il ne nous a malheureusement pas été possible de retrouver trace dans les documents que le défunt a laissés. Cette mutation fut, en fait, purement et simplement une forme d'expulsion du territoire algérien qui ne disait pas son nom.
Considérant ses activités syndicales en Algérie et son bagage technique qui en faisaient un individu potentiellement dangereux pour l'administration coloniale, Abderrahmane Seri allait faire, durant son séjour en France, l'objet d'une surveillance étroite de la police française. Surveillance à laquelle il allait cependant réussir rapidement à échapper le 29 octobre 1956 pour traverser la frontière suisse et, partant de là, courant novembre de la même année, rejoindre la ville du Caire (Egypte) où se trouvait alors la direction extérieure de la révolution algérienne. Au Caire, Abderrahmane Seri aura des contacts avec les grands acteurs et leaders de la révolution algérienne qu'étaient, pour ne citer que ceux-là, Krim Belkacem, Lamine Debaghine, Benyoucef Ben Khedda, Ferhat Abbas, colonel Ouamrane, Abdelhamid Mehri, etc. On ne peut évidemment conjecturer sur ses activités durant ce court séjour dans la capitale égyptienne.
Mais nul doute, lui connaissant un intérêt obsessionnel tout au long de sa vie pour tout ce qui touchait à l'aéronautique en général et à l'aviation militaire en particulier, que son principal sujet de discussion de ce moment avec tous ces grands révolutionnaires a dû être lié à l'opportunité de lancer, en plein combat de libération, les actions devant mener à la création d'une future force aérienne nationale. Selon un de ses écrits conservés par sa famille, ce serait au mois de mars 1957 qu'aurait été décidé le projet de création d'une aviation militaire algérienne, mais cette date importante reste officiellement à confirmer par une recherche d'historiens dans les archives de la révolution.
Peu de temps après, il sera dirigé une première fois vers l'Ecole de l'air d'Alep en Syrie, où il commencera à s'initier au pilotage d'un avion militaire en service dans les forces aériennes syriennes, pour lesquels il accomplira d'ailleurs des missions de liaisons aériennes, pour partir ensuite en Irak en compagnie d'autres pilotes algériens ayant rejoint les rangs de l'ALN pour se perfectionner sur des appareils de combat ou de transport irakiens. En 1961, soit une année avant la proclamation de l'indépendance, Abderrahmane Seri rejoindra l'Ecole militaire supérieure des ingénieurs d'aviation de l'armée de l'air de Kiev (ex-URSS) pour y poursuivre ses études techniques. A ce titre, il aura également pour mission d'encadrer le premier groupe d'étudiants algériens envoyés par la direction de la révolution, appelés à former la première promotion d'ingénieurs aéronautiques de l'Algérie indépendante.
Il rentrera définitivement en Algérie en 1964 après avoir été le premier technicien de l'Algérie indépendante à avoir brillamment obtenu le diplôme d'ingénieur en aéronautique. Il occupera alors diverses fonctions militaires, notamment en tant que directeur de l'Ecole nationale des techniciens aéronautiques de Blida, à laquelle il apportera une contribution essentielle à la mise sur pied et à son programme de formation. Ecole qui réalisera son rêve de former des milliers de techniciens au service de l'Algérie indépendante.
En 1975, il sera mis en position spéciale « hors cadre » auprès du ministère de l'Intérieur en qualité de haut fonctionnaire, s'investissant totalement dans ses nouvelles fonctions en dépit du fait que l'on peut considérer déplorable, avec le recul, que cette mission a été bien loin de ses ambitions légitimes d'ingénieur de contribuer à la création d'une industrie aéronautique algérienne.
Pour me l'avoir lui-même confié de son vivant, il a eu le projet, ambitieux mais tout à fait réaliste à cette époque, de faire concevoir et fabriquer par une telle industrie des missiles balistiques, armes stratégiques par excellence qui auraient donné à notre pays, en même temps qu'une arme de dissuasion défensive imparable, un savoir-faire technologique multidisciplinaire qui l'aurait placé parmi les nations industrielles les plus avancées de l'époque.
Abderrahmane Seri disparaîtra, trop prématurément pour les siens, le 22 mars 2001 à l'âge de 69 ans, perte cruelle autant pour ses proches que pour sa famille militaire dont il fut, toute sa vie durant, un exemple de dévouement et d'engagement sans faille et qui portait au plus haut point l'Algérie et son aviation dans son cœur. J'ai cependant grand espoir que, à travers le récit commémoratif de son parcours à l'occasion de ce 50e anniversaire de la parution de l'article d'El Moudjahid, les proches, amis ou collègues encore vivants, ses autres compagnons et frères d'armes pendant la révolution trouvent à leur tour, dans cet humble témoignage, motif à contribuer, eux aussi, à ce devoir de mémoire pour que soit enfin reconstituée, dans toute sa grandeur et sa gloire, l'histoire de cette exaltante aventure que fut la création de l'aviation militaire algérienne.
L'auteur est Colonel à la retraite Alger, le 1er février 2009


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