Ouargla est sous le choc. Un feuilleton macabre a rythmé la vie de ses habitants tout au long de ces derniers jours. Les deux femmes ayant subi à l'hôpital Mohamed Boudiaf des interventions tout à fait bénignes sont décédées après 9 jours de coma. Une complication opératoire due à une erreur de manipulation des gaz utilisés pour l'anesthésie est à l'origine de ce drame. Un drame qui suscite d'ores et déjà une vive polémique à travers tout le territoire national. Dans un communiqué, le ministère de la santé a annoncé la suspension à titre conservatoire du directeur de l'EPH de Ouargla en attendant les conclusions de l'enquête en cours. Par ailleurs, le directeur de la santé et de la population de la wilaya de Ouargla a été instruit par le ministère de tutelle à l'effet de déposer une plainte contre X en rapport avec les faits qui se sont produits à l'hôpital de Ouargla. Les familles des victimes n'entendent pas garder le silence et rester les bras croisés. A ce propos, M. Bouhenna n'y va pas par quatre chemins pour dénoncer la mort tragique de son épouse, Mme S. S. opérée le mercredi 25 janvier pour un problème au genou, et situe même les responsabilités à tous les niveaux. «On a tué ma femme. Son décès est un crime. Elle a inhalé du CO2. Voilà la vérité.» C'est avec ces mots que M. Bouhenna a tenu à témoigner la peine qui le ronge. Emu, bouleversé, le cœur brisé et l'âme meurtrie, notre interlocuteur accuse les autorités sanitaires d'avoir perpétré un «crime» au sens propre du terme. «J'ai emmené ma femme pour une simple opération à l'hôpital et la voilà maintenant gisant dans un cimetière ! Je suis très affligé. Plus rien n'a du sens désormais. Toute ma vie est fichue», souligne-t-il encore avant de nous annoncer qu'il a déposé, hier, une plainte au niveau du procureur de la République. «Je ne me tairais jamais. La mort de ma femme ne sera jamais vaine. Elle a souffert pendant 10 jours. Pourquoi n'a-t-on rien fait pour la sauver ? Elle a passé plus de 40 minutes dans le bloc opératoire. Comment se fait-il que personne n'a pu la secourir ?» s'interroge-t-il, lançant un cri de colère contre toutes les composantes du secteur sanitaire. «Les responsables de la mort de ma femme doivent payer. Je parle surtout du directeur de l'hôpital, du responsable du bloc opératoire et du ministère de la Santé dans son ensemble. La justice doit faire la lumière sur ce crime», relève encore notre interlocuteur que nous avons joint par téléphone. De son côté, le ministère de la Santé n'est resté muet face à ce drame inqualifiable. Par le biais de son attaché de presse, il a tenu à déplorer les décès et promis des sanctions sévères contre les responsables impliqués dans cette affaire. Mais, pour cela, signale-t-on, «il faut attendre les conclusions définitives de la commission d'enquête dépêchée sur place». Celle-ci, nous a-t-on appris, poursuit toujours ses investigations et prend au sérieux toutes les hypothèses pour découvrir la véritable cause de cet accident que personne n'est prêt à oublier. «Nous savons que les deux victimes ont inhalé du CO2. Mais nous cherchons toujours la cause de cette inhalation. Pour le moment, toutes les hypothèses sont plausibles. Et une fois la véritable cause identifiée, le ministère de la Santé assumera sa responsabilité. Si la défaillance est d'ordre interne à l'hôpital, des sanctions exemplaires seront prises», explique un haut responsable du département de Saïd Barkat. «On rentre à l'hôpital pour se soigner et non pour mourir», souligne-t-il. Le directeur de l'hôpital de Ouargla, M. Bouameur, contacté par nos soins, nie toute responsabilité dans ce drame et pointe du doigt le fournisseur de l'hôpital en gaz fluides, l'entreprise LindGaz, ex-ENGI. «On nous a livré récemment six bouteilles de protoxyde. Mais, deux d'entre elles contenait du CO2. C'est ce qui a causé ce terrible accident», précise-t-il. Notre interlocuteur a tenu à nous révéler les tenants et les aboutissants de cette affaire. «A LindGaz, ils ont reconnu que la bouteille devait contenir à l'origine du CO2. Mais ils persistent à nous faire croire qu'elle contenait du protoxyde d'azote. Des experts indépendants doivent intervenir pour statuer sur ce dossier. En tout cas, nous ne sommes en aucun cas responsables de ces décès tragiques que nous regrettons beaucoup», souligne le directeur de l'hôpital Mohamed Boudiaf. Une seule question reste en suspens : de pareils accidents risquent-ils de se reproduire dans nos CHU ? Décidément, le pire n'est plus à écarter… A. S.