Les corps de S. S. et de Mme K. ont été inhumés respectivement vendredi soir et samedi après-midi à Ouargla et Ngouça, après avoir subi une autopsie ordonnée par le procureur de la République suite à la conclusion du médecin réanimateur. Ouargla. De notre bureau Le docteur Delma a, en effet, déclaré que la cause du décès des deux femmes opérées est « indéterminée », a-t-on appris de source hospitalière. Les rapports d'autopsie du médecin légiste de l'hôpital de Ouargla ainsi que les prélèvements ont été transmis au laboratoire de la police scientifique et technique de Châteauneuf, à Alger, pour analyses. L'autopsie a révélé « une coloration bleuâtre de la peau causée par la présence dans les capillaires sanguins d'hémoglobine, de gaz carbonique en quantité anormalement élevée ». En attendant les résultats de l'analyse des prélèvements, le procureur de la République près le tribunal de Ouargla a ordonné, hier, l'ouverture d'une instruction judiciaire. Lors de notre passage, la veille, à l'hôpital Mohamed Boudiaf, les éléments de la police judiciaire avaient terminé l'interrogatoire du directeur et récupéré l'obus de gaz incriminé. Plus tard dans la soirée, un fax de la tutelle informait le directeur de l'EPH de Ouargla de sa décision de le suspendre à titre conservatoire, en attendant les conclusions de l'enquête en cours. Le directeur de l'hôpital d'El Hadjira, à 100 km de Ouargla a été chargé de le remplacer. Il a pris ses fonctions hier, au moment où le directeur de la santé et de la population de la wilaya de Ouargla exécutait l'instruction de sa tutelle concernant le dépôt d'une plainte contre X en rapport avec les faits qui se sont produits à l'hôpital de Ouargla. La suspension de Brahim Bouameur, directeur de l'hôpital de Ouargla, est survenue dix jours après l'incident du bloc et deux jours après le décès officiel des deux patientes. D'aucuns pensent que cette décision du département de Barkat va à contre-courant des réalisations de ce gestionnaire depuis son installation à la tête de cet établissement vacillant, il a y trois ans. Alors que cet établissement croulait sous les dettes, manquait d'encadrement médical et que la salubrité y faisait défaut, M. Bouameur avait entrepris un plan de modernisation des équipements, procédé à l'implantation d'un centre régional anticancer, d'un centre anticécité, d'une annexe de l'institut Pasteur, d'un centre de référence de lutte contre la surdité profonde (le premier dans le Sud algérien). La suspension de M. Bouameur, artisan de ces réalisations, a choqué la population par sa rapidité car elle reste inexpliquée dans le contexte d'une enquête en cours. Cette sanction, même si elle devait avoir lieu, est jugée arbitraire car l'amalgame reste complet. Contacté dans l'après-midi de sa suspension à propos de l'affaire, M. Bouameur commence par nous informer que l'EPH de Ouargla a pleinement assumé ses responsabilités et qu'après l'incident du bloc opératoire, « toutes les démarches administratives d'usage ont été déclenchées ». Concernant le recours à des experts, pour améliorer l'état des deux patientes, notre interlocuteur estime que « s'agissant de malades non transférables, un tel recours relevait de la décision médicale que personne n'a prise, d'autant plus que les patientes présentaient une anoxie. Placées sous respirateur artificiel, on espérait un miracle », explique-t-il. M. Bouameur charge l'ENGI La première démarche a été d'établir un constat d'huissier attestant que le robinet de l'obus de gaz, objet de l'enquête, portait la mention « CO2 », clairement gravée, alors que la mention « Anhydride carbonique » figurait sur le corps de l'obus suivie du numéro de série « 112544 », déclare M. Bouameur, qui ajoute qu'une erreur de manipulation des obus au niveau de l'hôpital est impossible, la reconnaissance visuelle des bouteilles étant de mise. Le code de couleur est utilisé par les techniciens qui savent que « la couleur bleue est destinée au protoxyde de carbone, la blanche à l'oxygène et la grise au CO2 ». M. Bouameur est catégorique : « La faute ne peut venir que de la société pourvoyeuse en gaz que j'incrimine. L'obus nous a été livré en tant que protoxyde d'azote, alors que le robinet et la bouteille indiquent ‘'CO2''. » C'est donc ce constat que le directeur de l'hôpital a fait consigner par un huissier de justice, tout en demandant un contrôle de l'entreprise Linde Gaz ex-ENGI, fournisseur de l'établissement hospitalier dont le directeur en personne et deux cadres se sont déplacés le 31 janvier dernier, soit cinq jours après l'incident pour effectuer un contrôle des installations et des obus. Leur rapport mentionne la présence au niveau de la niche de stockage de trois obus de gaz, l'un d'acétylène, le second d'azote et le troisième de CO2. C'est ce dernier qui a fait l'objet d'un pesage et d'une vérification du contenu dans les locaux de l'ex-ENGI en présence du directeur de l'hôpital. La bouteille était pleine et contenait effectivement du CO2. Cette observation est déterminante, car elle exclut la possibilité d'une erreur de manipulation ou de placement de la bouteille par le technicien chargé de l'opération. La rumeur avait, en effet, couru que la cause de l'intoxication a fait suite à une erreur de branchement. Mais la conclusion la plus édifiante concerne justement la bouteille de protoxyde d'azote incriminée. Le rapport mentionne que ladite bouteille est utilisée pour le N2O, soit le protoxyde d'azote, depuis 2004, qu'elle en contenait, qu'elle en portait la couleur conventionnelle (bleue) et que la date du traitement avant remplissage était entre le 25 et le 29 octobre 2008. Mais le rapport ne donne aucune explication concernant la mention CO2 présente sur le robinet et le corps de la bouteille, ni la possibilité d'une erreur de manipulation au niveau de l'usine, qui aurait fait qu'une bouteille portant l'inscription gravée CO2 quoique bleue soit remplie de CO2 et non pas de N2O. La vie de S.S. et de K.F. n'a tenu qu'à cela. Affaire à suivre !