Dix après la reddition de l'AIS, le bras armé de l'ex-FIS, le GSPC vient de signer son attentat le plus meurtrier dans la région de Jijel. La nébuleuse terroriste veut ramener l'Algérie à la case départ, aux années où des territoires entiers étaient interdits aux populations, aux opérateurs économiques et aux touristes. Acculé, le GSPC se trompe de période. Depuis la fin de l'année 1997 et jusqu'à la nuit d'avant-hier, à l'exception de quelques attentats résiduels, pour reprendre une terminologie officielle, la région vivait dans un semblant de calme qui fut propice pour le lancement et la conduite de nombreux projets socioéconomiques dès le début de la décennie en cours. D'un Kaboul, pour reprendre le qualificatif donné à la région dans les années 1990, Jijel est passée à un vaste chantier de développement et à une destination touristique nationale par excellence. Elle est choisie pour la beauté féerique de ses sites et, aussi, pour la quasi-stabilité sécuritaire qui y règne. L'attentat d'avant-hier, en plus des victimes humaines qu'il a faites, 9 autres de trop, est une tentative de nuire à toute une région et à son économie. Les victimes ne sont autres que des agents chargés de protéger une installation sensible de l'une des plus importantes sociétés nationales, Sonelgaz. Cette dernière est, elle-même, limitrophe d'un autre mégaprojet, soit le tunnel où travaillent plusieurs cadres et employés de l'italien Astaldi, censé rendre fluide la circulation automobile entre Jijel et Béjaïa depuis la corniche. La présence de ressortissants étrangers, européens de plus, dans les alentours immédiats de l'attentat ne pouvait qu'offrir la plus large couverture médiatique aux terroristes. On peut découvrir, ici, une nostalgie de la décennie 1990 où l'image du pays, comme destination de capitaux et de constructeurs étrangers, était sans cesse ternie par les actes barbares. Quand on sait que c'est dans ces monts que l'ex-“émir” de l'AIS, Madani Mezrag, a négocié le dépôt des armes de ses troupes, on comprend toute la symbolique ce cette macabre action du démembrement régional d'Al-Qaïda. À l'intention de mettre le pays à genoux, s'ajoute celle d'ôter aux ex-chefs de l'AIS qui se sont engagés dans la voie de la réconciliation, dont leur “émir” national lui-même natif de la région, le poids de leur choix sur l'échiquier sécuritaire. Mourad KEZZAR