Amine Zaoui, directeur de la Bibliothèque nationale, explique qu'en 2 ans le nombre d'adhérents est passé de 15 000 à 70 000. En 2003, la Bibliothèque a prêté 500 livres par jours en moyenne, d'octobre à juin. Les Algériens ont une insatiable envie de lecture et leurs attentes sont grandes. M. Zaoui parle de «gourmandise …» Le succès revient aux livres d'importation. Les libraires s'approvisionnent en France notamment. La librairie du Tiers-Monde, à Alger, vend environ 90% de livres en français. Ceux en arabe, en particulier les manuels scolaires et universitaires, sont en grande partie importés du Liban et d'Egypte. Depuis 1999, les livres religieux trouvent de moins en moins de preneurs : les romans, l'art culinaire ou les livres pour enfants attirent un public de plus en plus large. Les librairies profitent de cette soudaine soif de lecture. Car l'année 1990 n'a pas été faste. En 1998, la demande des Algériens, trop longtemps ignorée, éclate au grand jour. Mais l'offre a des difficultés à la suivre. Les dernières nouveautés littéraires, dont les lecteurs sont friands, peinent à arriver dans les rayons. Ali Bey, le gérant de la librairie du Tiers-Monde estime qu'il a subi une baisse des ventes depuis le début de l'année 2004. Selon lui, les importateurs, qui jouent les intermédiaires entre les maisons d'édition étrangères et les librairies algériennes, limitent sa capacité à proposer les nouveautés étrangères. Il ne peut commander les livres qu'il souhaite, car les quantités sont insuffisantes pour être rentables, affirment les importateurs. Les librairies devraient se rassembler en «centrale d'achat», suggère-t-on à Tiers-Monde, afin de pouvoir importer les derniers nés de la production littéraire étrangère. Et éviter de se voir refuser ce droit sous prétexte qu'un container est à moitié vide. Les livres sont chers par rapport au pouvoir d'achat des Algériens, le faible poids du dinar face à l'euro n'arrange rien. Afin de baisser les prix, les taxes à l'importation ont été revues à la baisse en 2003 et 2004. Néanmoins, les décrets d'application n'ont pas suivi la loi de finance. Saïd Boudour, gérant de librairie, déclare qu'il n'y a pas encore eu d'effet sur les livres français, qui représentent la majorité de ses ventes. Deux solutions pourraient permettre aux Algériens de lire à moindre coût. La coédition est la voie souhaitée par les libraires, que conseille également le directeur de la Bibliothèque nationale. «C'est la solution la plus concrète et la plus facile à court terme», affirme le gérant de la librairie du Tiers-Monde. Mais tout dépend du bon vouloir des maisons d'édition étrangères. Il faudrait en effet qu'elles acceptent de céder leurs droits à des éditeurs algériens. Et pour le moment, le marché semble trop juteux pour qu'elles envisagent un tel sacrifice. La politique de l'Etat semble elle aussi en cause. Les autorités algériennes ont, jusqu'à présent, délaissé le secteur du livre. Et l'éducation des générations futures risque d'en pâtir. Interrogés, les libraires sont unanimes : l'Etat doit intervenir pour soutenir la production algérienne, en exonérant, par exemple, le papier et l'encre. Amine Zaoui est formel : si l'Etat ne change pas sa politique, si il n'aide pas les éditeurs algériens, le pays va passer à côté d'un «moment historique». Le prêt de livre reste alors la meilleure alternative lorsqu'on ne peut se permettre de dépenser une fortune pour quelques bouquins. Or, le budget alloué à la Bibliothèque nationale est insuffisant. Les augmentations sont «symboliques», affirme Amine Zaoui. La Bibliothèque n'a pas les moyens de répondre aux attentes de ses lecteurs. Les livres sont chers et pourtant l'Algérie n'a jamais été aussi friande de lecture. A quand une gourmandise à petits prix ?