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« Rien n'a été fait pour faire avancer le dossier des victimes »
Boukherissa Kheiredine. Président de la fondation 8 Mai 1945
Publié dans El Watan le 12 - 02 - 2009

Vous venez d'organiser une journée d'étude sur les essais nucléaires de Reggane. Que fait votre fondation pour faire avancer le dossier des victimes ?
La fondation 8 Mai 1945 essaie de dépoussiérer et de faire sortir de l'oubli le dossier des victimes de ces essais nucléaires abominables qui ne peuvent être considérés que comme des crimes coloniaux, comme le sont les massacres du 8 Mai 1945. C'est la moindre des choses que l'on puisse faire à l'heure actuelle, au sein de la fondation, dépourvus que nous sommes de moyens nécessaires pour pouvoir faire avancer le dossier. Je peux vous dire que rien n'a été fait, à quelque niveau que ce soit, pour avancer dans ce dossier épineux, complexe et plein d'embûches. L'Etat français n'a même pas daigné reconnaître sa responsabilité comme il a refusé de reconnaître les massacres de 8 Mai 1945 comme des crimes coloniaux. Le peu d'avancées enregistrées dans ce dossier a été réalisé grâce aux cris d'alarme et à la pression exercée par les vétérans de l'armée française, eux-mêmes victimes.
Justement, un projet de loi sur les indemnisations au profit des victimes des essais nucléaires est en gestation au niveau de l'Assemblée nationale française. Ce texte de loi, préparé par le ministère français de la Défense, concerne-t-il les victimes algériennes ?
Ce projet de loi, déjà objet de vives contestations en France, ne concerne malheureusement pas les victimes civiles. De ce fait, les victimes algériennes, toutes civiles, sont exclues. Cependant, ne faudrait-il pas se demander si l'Etat algérien a fait quelque chose pour obtenir réparation de l'Etat français. Je me rappelle les déclarations, en 2007, de Bernard Bajolet, alors ambassadeur de France en poste à Alger, selon lesquelles l'Algérie n'a jamais formulé une demande dans ce sens. Disait-il vrai ? Je ne sais pas. Mais l'Etat algérien est-il en mesure de pousser la France à décontaminer la zone irradiée. Au sein de notre fondation, nous ne demandons pas seulement une indemnisation pour les victimes, mais nous exigeons plutôt une réparation pour l'Algérie entière et demandons l'ouverture de centres de soins spécialisés pour prendre en charge les victimes.
Avez-vous des données sur le nombre de victimes et la gravité de la contamination ?
Nous n'avons rien. Les experts qui travaillent sur ce dossier et avec lesquels nous sommes en contact trouvent des difficultés à pouvoir effectuer des études statistiques sur le nombre de victimes mortes ou encore en vie. On entend parler, notamment dans la presse, de 30 000 victimes, parfois 60 000. Mais personne ne peut authentifier ces chiffres. On note une absence totale de données sur ce dossier.
Avez-vous déposé plainte contre l'Etat français ?
Pour intenter un procès contre l'Etat français, il faut un dossier solide, des preuves tangibles, des éléments probants. Or, comme je l'avais déjà dit, nous ne disposons d'aucune preuve scientifique que nous pouvons faire valoir devant les juridictions françaises ou internationales, qui elles ne peuvent ouvrir un procès que sur la base de données matérielles.
S'agit-il donc d'une cause perdue ?
Non, je ne dirai pas cela. Tôt au tard, la France reconnaîtra ses crimes coloniaux. Il faut juste qu'on persévère et qu'on continue à faire un travail de fond et de terrain, en amassant toutes les données de nature à servir à constituer des dossiers infaillibles et complets, que ce soit sur les essais nucléaires de Reggane ou autres crimes de guerre commis par la France coloniale.


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