Les dieux de la coupole sont bienheureux, le sacrifice avait un goût exceptionnel. Il avait pour nom l'alternance démocratique. Jeudi était, donc, un jour faste pour Bouteflika et ses partisans. Un jour où l'artifice et l'artificiel ont été convoqués pour créer l'illusion d'un libre jeu. Le décor cérémonial de la déclaration de candidature de Abdelaziz Bouteflika, échafaudé par, selon certaines sources, une boîte de communication espagnole ; belge, selon d'autres, était tellement flamboyant, le coût d'une telle opération serait certainement vertigineux, que cela sentait faux. Plus de 5000 personnes sont venues à la Coupole sur invitation. Des employés de l'administration, des étudiants et des membres du mouvement associatif, qui ont peuplé les tribunes de la Coupole, arboraient des pancartes en bleu et blanc portant des écriteaux en faveur du candidat Bouteflika. Tout ce beau monde a été acheminé par bus. La Solidarité nationale et Tahkout, qui sillonnaient les artères de la capitale pour sensibiliser les électeurs, ont été mis à contribution. Mais pour beaucoup de présents, jeudi fut une journée de travail comme une autre. Quant à la bonne société, il est, certainement, bon et intéressant de figurer aux premiers rangs de la kermesse. Et puis l'on ne refuse pas l'invitation d'un prétendant au trône, surtout lorsqu'on est sûr de la direction que va prendre le vent. Contrairement à l'élection présidentielle de 2004 où la météo avait fait preuve d'approximation, en donnant de fausses alertes. Cette fois-ci, tout ce que compte le pouvoir comme organisations, partis de l'Alliance présidentielle, leurs élus parlementaires et locaux, le mouvement associatif, les syndicats maisons, le patronat et des personnalités politiques se sont alignés comme un seul homme derrière le candidat « indépendant ». Les patrons ? La présence de Ali Haddad, PDG de l'ETRHB, de Réda Hamiani et de Naït Abdelaziz, ne pouvait pas passer inaperçue. Celle des généraux à la retraite, Djouadi, Lamari et Touati, aussi. Le monde sportif a été également invité au grand show. L'on remarque parmi les invités de Abdelaziz Bouteflika, l'ex-championne du monde Hassiba Boulmerka qui se rattrape ainsi de sa « bourde » de 2004 – elle avait soutenu la candidature de Ali Benflis –, accompagnée de Saïd Guerni, de l'ex-numéro dix des Verts, Lakhdar Belloumi, et son ancien coéquipier, l'arrière-gauche, Mustapha Kouici. Il était environ midi lorsqu'une voix, on aurait dit celle de Bouteflika, perce le brouhaha pour appeler l'assistance à prendre place. Ce fut celle d'un organisateur qui tentait une imitation en invitant les présents à observer l'ordre et le calme pour regarder un film documentaire sur le parcours du présent candidat projeté sur des écrans géants placés derrière la tribune. C'est Bouteflika lui-même qui parle de son parcours ! Les concepteurs du film biographique ont fait un montage inédit d'images du chef de l'Etat, le commentaire ou la voix off n'était que des séquences de ses discours. A peine le documentaire terminé, la voix du célèbre chanteur de rai, cheb Mami, tonne Bledi El Djazair, que le chef de l'Etat candidat à sa propre succession fait son apparition. Il traversera seul toute la salle dans une allée conçue à la couleur du jour, le bleu, sous les cris de ses supporters. Apparu dans une santé éclatante pour ses 73 ans, Bouteflika ira de part et d'autre de la tribune pour saluer ses invités avant d'entamer un discours de 45 minutes qui scellera une candidature qui a tenu l'opinion en haleine pendant des mois, sinon des années. Lorsqu'il en a fait acte, les présents ayant poussé une sorte de ouf de soulagement qu'ils lui ont demandé de le répéter. Les ovations ont été accompagnées d'effets spéciaux. La Coupole s'est transformée en l'espace d'un temps en un milieu ouvert. L'illusion nous a laissé voir un ciel printanier bleu traversé de nuages blancs. Sur les murs, les colombes prennent leur envol... pour un troisième mandat qui plonge le pays dans la régression… démocratique. Bouteflika reprendra, comme il était arrivé, l'allée bleue au bout de laquelle son frère Saïd avait fait une brève apparition avant le début du discours de candidature.