Il est 15h 40. Dans le hall de l'état civil de la mairie de Tizi Ouzou, le brouhaha est rituel. Derrière les guichets, des agents épuisés remplissent promptement les dernières pièces d'état civil. En face d'eux, des citoyens dans l'anxiété, car fatigués par une longue attente. Une atmosphère très tendue plane sur les lieux. Un jeune est monté sur la paroi d'un guichet en tapant rageusement sur les carreaux en plastique. Certains sont là depuis plusieurs heures. De l'autre côté, dans les couloirs du service, les cris de mécontentement d'une femme fusent : « Je n'ai pas besoin de vous connaître pour me faire délivrer un document ! La mairie ne vous appartient pas. Vous êtes au service de tous les citoyens… », lance-t-elle à l'endroit des fonctionnaires. Interrogé, un citoyen, qui vient de récupérer son livret de famille et ses documents, dit, tout sourire : « ça va, j'ai chargé un ami pour m'établir quelques pièces. Nous sommes obligés d'user de nos connaissances pour faire vite, sinon, vous allez moisir devant les guichets. Vous ne pouvez pas faire autrement… en plus, c'est pratiquement tout le monde qui s'y met ! » En effet, le phénomène du passe-droit est l'un des inconvénients qui perturbe le bon fonctionnement du service. Mais, il n'est pas moins contraignant que la désorganisation du service par le manque de moyens matériels, humains et l'affluence quotidienne impressionnante. Le service de l'état civil de la commune de Tizi Ouzou établit des centaines d'extraits d'actes de naissance (n°12) chaque jour. La quantité des imprimés est souvent insuffisante. Les services de la wilaya dotent l'APC de 3000 exemplaires seulement, affirme-t-on. La pression quasi permanente sur ce document est due à plusieurs facteurs. Le responsable du service explique cette affluence du public par le fait qu'un bon nombre de naissances ont lieu dans les cliniques de la commune. De plus, la plupart des complications médicales et les urgences qui surviennent dans les autres communes sont transférées sur les cliniques et le CHU de Tizi Ouzou. On explique, par ailleurs, cet empressement par l'exigence, des établissements scolaires et les crèches, d'un extrait acte de naissance n° 12, pour le dossier d'inscription des enfants alors que le numéro 13 suffit amplement, indique-t-on. Assurément, si le n° 12 marque sa différence par les mentions marginales, il est inconcevable de demander à un gamin de 5 ou 6 ans d'en fournir pour son inscription à l'école. Est-ce pour justifier leur célibat ? Les questions sont sans réponses convaincantes. Ce qui perturbe le fonctionnement de ce service, c'est aussi le manque d'effectif et son mode de fonctionnement toujours archaïque. Selon le chef de service, ce mode « conventionnel » a disparu dans certaines communes pourtant à moindre affluence. L'informatisation du service de l'état civil est plus qu'indispensable. « Ce qui fait perdre du temps pour nos employés, c'est le déplacement de leur guichet à la salle des archives et le détour qu'ils doivent effectuer pour signer les papiers chez le délégué à la signature », dit le chef de service. Notons que les deux délégués à la signature sont tout le temps débordés, par le flux de dizaines de documents, à valider, des 20 guichets ouverts. Ne disposant pas d'un employé devant ramasser les documents des guichets, ce sont les agents eux-mêmes qui sont contraints de se déplacer, laissant leurs postes vides. Un vide qui ne fait qu'exacerber davantage les tensions dans le hall de la mairie.