La violence sociale se répand chaque jour un peu plus. Dans les quartiers des grands centres urbains, elle commence à s'installer dans l'ordinaire de la vie des citoyens, non sans conséquences. La peur, l'angoisse, l'anxiété et le sentiment d'insécurité pèsent de plus en plus sur le quotidien des gens. C'est devenu tout simplement invivable. Ce qui se passe depuis quelques jours à Bab El Oued, à Alger, deux groupes de jeunes se livrant chaque nuit à des batailles rangées à l'aide d'épées, de barres de fer et de couteaux, devrait sonner l'urgence de trouver une solution à la détérioration du climat social qui touche le fond. Pas un seul match de football, dans la capitale notamment, ne se termine sans affrontements entre bandes rivales. Mais ces violences ne semblent pas susciter l'inquiétude des autorités, tant le souci est qu'elles n'expriment pas des revendications politiques. Il est normal, doit-on comprendre du fond de la pensée du ministre de l'Intérieur, qui s'exprimait il y a deux jours sur les bagarres nocturnes de Triolet autour d'un terrain de foot, que des jeunes s'entredéchirent à coups de gourdins. Il fallait donc laisser faire pourvu que cela ne déborde pas sur le terrain politique. L'inquiétude des pouvoirs publics n'est apparemment pas de ramener le calme dans nos contrées, mais bien d'éviter que la violence ne soit vectrice d'une quelconque revendication sociale ou politique. La crainte est telle que des matchs opposant des clubs algérois sont reportés à une date ultérieure parce qu'on a peur des débordements qu'ils pourraient causer. Par ailleurs, la violence ne se trouve pas seulement dans les stades à Alger. Elle est partout, comme le reconnaissait récemment le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni, qui, pour minimiser les événements de Berriane, avait évoqué avec une banalité déconcertante la violence et les bagarres dans les quartiers de la capitale. La délinquance prend de l'ampleur, chaque quartier a ses caïds qui se recyclent en gardiens de parkings sauvages en attendant de commettre leur forfait en cambriolant une maison, en volant une voiture ou en agressant des citoyens qui refuseraient leur diktat. Ils dictent leur loi aux petites gens désarmées, résignées – à défaut de la protection dont l'Etat leur est redevable – à payer la rançon de la sécurité. Pourtant, la tâche incombe entièrement aux pouvoirs publics qui doivent assurer, comme l'exige la Constitution, la sécurité des citoyens et de leurs biens. Ce n'est pas à la population de prendre en charge les problèmes de chômage ! Et la tolérance vis-à-vis d'une certaine violence dans nos quartiers est telle que de jeunes délinquants s'y livrent en toute impunité. C'est à croire qu'elle est entretenue pour servir d'élément de régulation de la société. D'aucuns vont jusqu'à penser que la petite délinquance est quelque part un mal tolérable pour éviter le pire, faute de pouvoir offrir aux jeunes de meilleures perspectives. En fait, les pouvoirs publics empruntent le chemin le plus court vers la paix sociale en n'agissant pas avec la fermeté contre la délinquance, la violence, les métiers illicites... qui vont avec, tant la vente de cigarettes dans la rue, les parkings sauvages sont considérés par ceux même qui nous gouvernent comme l'expression d'un certain sens de la débrouille.