Février 1989, février 2009. Vingt ans sont déjà passés depuis la création de l'Union du Maghreb arabe (UMA), regroupant l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie. Quel bilan peut-on tirer de ces deux décennies d'existence de cette entité régionale ? Saïd Mokadem, secrétaire général du conseil consultatif de l'UMA, se montre plutôt optimiste quant aux avancées enregistrées dans la constitution de ce bloc régional. Invité à une conférence-débat organisée hier par le Centre des études stratégiques du journal Echaâb, M. Mokadem fait écho des nombreux projets lancés par les structures de l'Union. Selon lui, beaucoup d'efforts ont été faits notamment pour la création d'espaces d'échanges commerciaux communs. Il évoque également un projet en gestation concernant le lancement d'un satellite qui couvrira toute la zone du Maghreb. Se montrant réservé et prudent quant aux questions sensibles qui déchirent certains pays de l'Union, M. Mokadem insiste sur les valeurs unissant les peuples et les pays du Maghreb. Il parle ainsi de la langue, de la culture, de la composante démographique et des ressources naturelles dont regorgent ces pays. Pour le conférencier, les efforts n'ont jamais cessé pour concrétiser le rêve qui taraude l'esprit des millions de Maghrébins. « Depuis la création de l'UMA, au moins 23 accords et conventions ont été signés », relève-t-il. Mais seuls 7 accords ont été entérinés par les Etats membres. Et même ces accords approuvés n'ont jamais été traduits sur le terrain. Cela, pour M. Mokadem, est dû à des difficultés d'ordre technocratique. Si l'intégration régionale est, pour de nombreux experts, l'une des réponses aux difficultés que rencontre la région de l'Afrique du Nord (chômage, pauvreté, mauvaise gouvernance, violence sociale), il reste que les économies du Maghreb se tournent le dos. Les échanges économiques et commerciaux entre les pays membres ne dépassent pas les 3%. Certains intervenants lors de la conférence-débat ont souligné cet état de fait et mis l'accent sur la « méfiance mutuelle » des gouvernants des pays membres. Pour M. Djefal, enseignant à l'université d'Alger, une union ne peut pas se construire sur la base de sentiments, affirmant que tous les blocs régionaux ont été créés sur la base d'intérêts économiques communs. Selon lui, il n'y a pas de volonté politique des pays arabes d'aller vers un espace maghrébin commun. Preuve en est que chacun de ces pays a négocié son Accord d'association avec l'Union européenne en solo. Ce professeur et bien d'autres intervenants trouvent que les institutions de l'UMA sont stériles et dépassées par la réalité du terrain, complexe et difficile. D'autres participants à cette conférence-débat relèvent le problème du Sahara occidental qui est, à leurs yeux, le principal obstacle à la construction effective et réelle de l'UMA. Pour Sadek Bouguettaya, il n'y aurait pas d'UMA sans le règlement « juste et définitif » du conflit du Sahara occidental. Il estime qu'on ne peut pas constituer un bloc régional avec au milieu une terre colonisée. Selon une enquête réalisée en 2006 par le Centre d'études et de recherches internationales (CERI) de Paris, en collaboration avec l'Institut national des études stratégiques et globales (INESG) d'Alger, le blocage du projet de l'UMA est dû à un déficit démocratique. La majorité des personnes interviewées dans le cadre de cette enquête plaide pour la création d'un parlement maghrébin où des députés élus de façon démocratique chercheraient à répondre aux problèmes des citoyens de la région. En dépit de l'absence de résultats de l'UMA, le souhait d'une intégration régionale demeure profond. Pour la majorité, elle apparaît comme une réponse de bon sens à la mondialisation et une opportunité de désenclaver des économies et des sociétés marginalisées en raison de la faiblesse de leur développement. Le potentiel de croissance d'une région intégrée est reconnu. Les pays membres de l'UMA disposent d'une population majoritairement jeune, au niveau d'études appréciable. Ils regorgent de ressources naturelles (pétrole, gaz, fer, phosphate…) indispensables pour toute activité économique. Comme ils ont un important potentiel à développer, que ce soit dans le domaine de l'agriculture, de l'élevage, de la pêche ou du tourisme. Mais aux yeux de certains observateurs, la réussite de l'intégration économique nécessite une harmonisation des dispositifs législatifs des pays membres, le maillage des institutions bancaires et financières, l'octroi de régimes préférentiels pour l'investisseur maghrébin.