Cet ancien enseignant de collège revient de loin. A partir des années 1990, alors que la Somalie est en plein chaos, otage des seigneurs de guerre, il enseigne à Mogadiscio. En 2003, l'un de ses élèves, âgé d'à peine 12 ans, se fait enlever. Charif Ahmed s'oppose aux seigneurs de guerre qui ont érigé le kidnapping en véritable manne financière. Il participe alors à la création de l'Union des tribunaux islamiques dont il devient président. Très vite, le pays disloqué tombe sous le contrôle de cette nouvelle organisation qui mène la vie dure aux seigneurs de guerre. Usant d'un subtil stratagème, les seigneurs de guerre et leur allié éthiopien ont convaincu les Américains – en guerre contre le terrorisme international – que la Somalie risquait de devenir l'Afghanistan talibanisé de la Corne de l'Afrique. Avec la bénédiction de l'Administration Bush, les troupes éthiopiennes chassent les tribunaux du pays fin 2006-début 2007 et permettent l'établissement d'un fragile gouvernement de transition. Cheikh Charif Cheikh Ahmed se retire à Asmara, capitale de l'Erythrée (ancien ennemi de l'Ethiopie) et cède sa présidence des tribunaux à un chef plus radical, Cheikh Hassan Dahir Aweys. Les tribunaux mènent la guérilla contre le nouveau pouvoir et les troupes éthiopiennes. Les combats et les attentats font rage en Somalie, poussant des milliers de personnes sur les routes de l'exil ou vers les camps de réfugiés. Entre temps, l'opposition menée par les tribunaux s'organise et crée l'Alliance pour la relibération de la Somalie (ASR) dont la branche la plus modérée dirigée par Cheikh Charif Cheikh Ahmed, signe des accords à Djibouti avec le gouvernement provisoire de Mogadiscio, en 2008. L'accord, qui a préparé le retrait des troupes éthiopiennes et a doublé la taille du Parlement à 550 élus, avec 200 nouveaux membres à nommer par l'opposition islamique et 75 membres de la société civile et de la diaspora, a été rejeté par les « durs » de l'aile d'Asmara, qui ont créé une autre ARS sous la houlette de Cheikh Hassan Dahir Aweys. Le retrait éthiopien a été effectif en janvier dernier. Les Shebab (milice islamiste radicale) ont cependant juré de poursuivre leur combat contre les soldats ougandais et burundais de la force de paix de l'Union africaine en Somalie (Amisom) déployée essentiellement à Mogadiscio depuis mars 2007 et les forces somaliennes qui lui sont alliées. L'Amisom, constituée de 3400 hommes – loin des 8000 soldats initialement prévus –, qui reste mal équipée et sous-financée, est désormais la seule force étrangère sur le terrain.Par ailleurs, en décembre 2008, le président Abdullahi Yusuf Ahmed démissionne, provoquant une élection présidentielle. Le président somalien est élu par le Parlement qui se réunit pour l'élection à Djibouti en raison des violences en Somalie. Charif Ahmed, 44 ans, arrive en tête au premier tour avec 219 voix sur 430, contre 60 pour Maslah Mohamed Siad Barre, fils de l'ancien président Mohamed Siad Barre, et 59 pour le Premier ministre sortant Nur Hassan Hussein. Au second tour, il est élu avec 293 voix contre 126 pour Maslah Mohamed Siad Barre, Nur Hassan Hussein s'étant retiré. Comble de l'ironie, son élection est saluée par Washington ! Depuis, les forces des tribunaux islamiques de Charif Ahmed ont pris le contrôle des principales positions du gouvernement de transition dans la capitale Mogadiscio, dans le cadre d'un nouveau plan pour rétablir la sécurité. De son côté, l'Union africaine a exhorté les Etats membres ainsi que d'autres amis de la Somalie qui ne se sont pas encore prononcés sur leur contribution avec des troupes dans le cadre de l'Amisom à le faire.