L'argumentaire invoqué par le président de l'audience est qu'il y a parmi les prévenus 5 qui n'ont pas été auditionnés par le juge d'instruction et que la juridiction n'a encore pas fait l'enquête préliminaire ni judiciaire – nécessaires – sur ces derniers. Pourquoi ? Selon lui, les 5 prévenus étaient en fuite et ne se sont présentés devant la justice que le 22 février. Se fondant sur des articles du code pénal, le juge a relevé la nécessité d'accomplir cette procédure, car il y va de l'intérêt de ces prévenus et du bon déroulement du procès. Il a promis cependant que le procès sera programmé dans les plus brefs délais. «L'affaire et le dossier sont les mêmes. 12 détenus ont été entendus par le juge, tandis que ceux qui se sont rendus à la justice tardivement, à savoir mardi dernier, ne l'ont pas été. Le procès ne peut donc pas avoir lieu aujourd'hui. L'instruction se fera rapidement et tous les mis en cause seront jugés durant cette session criminelle, dans un délai assez raisonnable», a promis le juge, justifiant le report par le souci de respecter et de préserver les libertés de l'ensemble des prévenus. Le collectif de la défense, composé de 19 avocats, n'a pas été convaincu. Battant en brèche les arguments du juge, le collectif a bien rejeté l'option du report et a demandé que le procès se déroule normalement. Se référant à l'article 276 du code de procédure pénale, Me Mustapha Bouchachi a demandé au juge d'écouter les 5 prévenus sur place et d'ouvrir ensuite le procès. Pour étayer ses propos, l'avocat citera des cas similaires qui se sont produits dans des tribunaux à Alger sans que les affaires soient reportées. Me Noureddine Benissad lui a emboîté le pas : «Puisqu'il s'agit du même dossier et les prévenus ont été poursuivis pour les mêmes chefs d'inculpation, autant les juger maintenant.» Considérant que les attendus prononcés par le magistrat ne sont pas convaincants, maître Benissad s'est dit que le juge reste souverain de la décision. Il s'est, en outre, étonné de la détention provisoire appliquée sur ses mandants malgré toutes les garanties données par leurs familles et leur statut au sein de la société (médecin, enseignant, étudiant et commerçant). Détention qui a duré déjà quatre mois pour les 12 détenus arrêtés entre la mi-octobre et le 1er novembre 2004. «La détention provisoire est une mesure exceptionnelle à laquelle on ne fait recours que dans des cas extrêmes.», a-t-il souligné, en ajoutant que l'application de cette mesure est en contradiction avec le discours politique officiel et avec les conventions internationales ratifiées par l'Algérie. Me Benissad a regretté que le principe de la jurisprudence n'ait pas été pris en considération. Au-delà des arguments de la justice, il est évident que la forte mobilisation des cadres et militants du FFS y est pour beaucoup. Le procès a en effet fait drainer une foule grandiose venue de partout manifester sa solidarité avec les détenus, dont le dossier, selon le collectif de la défense, est vide, et on leur a collé des chefs d'inculpation qui n'ont aucune base juridique. Il s'agit d'attroupement illicite, obstruction de la voie publique, utilisation d'armes blanches, destruction de biens publics et incendie volontaire. C'est face à cette hogra que les militants des droits de l'homme et du mouvement associatif se sont mobilisés sous la houlette de la direction du FFS, qui s'est déplacée dans la capitale du M'zab. C'est ainsi qu'on a fait montre d'un élan de solidarité extraordinaire. En plus de Ali Laskri, premier secrétaire national du parti de Hocine Aït Ahmed, Karim Tabou, secrétaire national à la communication, des centaines de militants et élus des APC et des APW sont venus. Au tribunal, la présence de Ahmed Djeddaï, Djoudi Mammeri et Mustapha Bouhadef, anciens premiers secrétaires nationaux, n'est pas passée inaperçue. Au rassemblement organisé face à l'entrée du tribunal ont pris part des centaines de Mozabites, mobilisés aux côtés des détenus, dont la plupart sont des jeunes. Cependant, des tentatives d'empêcher plusieurs élus du FFS de rejoindre la capitale du M'zab ont été constatées la veille du procès, samedi 26 février. Les gendarmes ayant dressé plusieurs barrages tout au long de la RN1 ont bloqué la route à toutes les voitures portant les immatriculations 6 (Béjaïa) et 15 (Tizi Ouzou). «Si les militants du FFS sont là, c'est grâce à leur détermination de venir manifester ici à Ghardaïa leur solidarité. Plusieurs voitures ont été bloquées à Laghouat et à Berriane», a indiqué Karim Tabou dans un point de presse tenu au siège de la fédération du parti à Ghardaïa. Cela est qualifié d'«extrême gravité et d'atteinte à la liberté de circulation» par la direction du FFS. «Nous ne manquerons pas de saisir la justice», a martelé Djoudi Mammeri, sénateur.