Toutefois, les détenus comparaîtront devant le tribunal le 16 ou le 17 mars prochain, selon certains avocats de la défense. Prévu hier, le procès des 17 détenus du mouvement de protestation, dans la wilaya de Ghardaïa, dont Kamel Eddine Fekhar, secrétaire national du Front des forces socialistes et militant de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme, a été finalement reporté, à la grande surprise des citoyens et militants qui se sont déplacés en masse au tribunal criminel de Ghardaïa pour soutenir les accusés. Dans une salle bondée où on arborait non sans bruit les deux doigts en signe de solidarité et de victoire, le président de la chambre a expliqué le recours à cette décision par le fait que les cinq autres personnes inculpées dans les événements qui ont secoué la région en octobre dernier et recherchées depuis, se sont rendues à la justice mardi 22 février et n'ont pas été, par conséquent, auditionnées par le juge d'instruction dans le cadre de l'enquête préliminaire et judiciaire. Contrairement aux douze autres inculpés qui ont été, eux, mis en détention préventive depuis octobre et novembre derniers. Une entrave, selon le magistrat, à la procédure judiciaire, et plus précisément à l'article 66 du code pénal qui astreint les mis en cause aux auditions du juge d'instruction avant le passage au jugement. Le président de la chambre a toutefois insisté et promis d'accélérer l'organisation du procès - durant l'actuelle session criminelle - et ce, après l'entame, incessamment, de l'enquête judiciaire qu'il a d'ailleurs décidé de prendre en charge personnellement, selon les précisions de Me Dadi Adou, membre du collectif de la défense. L'avocat avance également la date du procès pour le 16 ou le 17 mars prochain, compte tenu, dit-il, de la clôture de la session qui interviendra avant la fin du mois prochain. Optimiste, ce dernier a rassuré quant au report du procès qui jouera, d'après lui, en faveur des détenus. En procédant au report du procès, le magistrat a affirmé que son souci était d'éviter de scinder les 17 détenus en deux groupes, du moment, rappelle-t-il, qu'ils sont accusés pour les mêmes chefs d'inculpation, à savoir, entre autres, attroupement illégal, incitation à la révolte, obstruction de la voie publique... Il n'y a pas lieu donc d'en faire deux procès distincts. Le procureur de la République, lui, a appelé à l'application de la loi en vigueur car il ne saurait, selon lui, y avoir de jugement sans que le juge instructeur ait, au préalable, écouté les mis en cause. Bien que se gardant de commenter la décision «souveraine» de la justice, Me Benissaâd, l'un des 19 avocats de la défense, pense, lui, qu'il aurait été possible d'auditionner les cinq accusés depuis mardi dernier. Encore, indique notre interlocuteur, le magistrat avait même toute latitude de les écouter au cours du procès. «Ils se sont livrés mardi à la justice avec l'idée de faire aussitôt l'objet d'une enquête judiciaire», explique M.Benissaâd qui dénonce au passage le non-respect par la justice de l'usage de la détention préventive. Une attitude qui contredit, à ses yeux, les engagements et les conventions internationales sur les droits de l'homme que l'Algérie avait pourtant ratifiés. A l'issue de la séance, le premier secrétaire du FFS a dénoncé, dans une conférence de presse au siège du parti à Ghardaïa, la «hogra» dont ont été victimes les citoyens de la vallée du M'zab. «Leurs dossiers sont vides», clame-t-il. Ali Laskri, qui a rappelé auparavant la lettre de dénonciation que son parti avait adressée récemment à l'opinion nationale et internationale, a appelé à la mobilisation pacifique et à la solidarité fortement exprimée par les militants de Ghardaïa pour les jours qui viennent. Cependant, si la réaction du plus vieux parti de l'opposition fut mitigée par rapport à la décision du report, elle a été, vis-à-vis des corps de sécurité, ceux de la Gendarmerie nationale, plus acerbe. Car de nombreux militants venant principalement de la Kabylie, des élus, des journalistes ont été, dans la nuit de samedi à dimanche, bloqués des heures durant par les éléments de la Gendarmerie nationale à Beriane, mais aussi à l'entrée de la ville de Ghardaïa. Ces derniers ont reçu, selon M.Djoudi Mammeri, secrétaire national aux formations politiques, des instructions pour empêcher l'accès des personnes se trouvant dans des véhicules immatriculés 15 et 06, venus de Tizi Ouzou et de Béjaïa. Le dénouement de l'affaire n'aurait néanmoins pas été possible sans l'intervention de M.Mammeri en sa qualité de sénateur qui avait, a-t-il ajouté, menacé de saisir la justice pour ce faire. «L'acte est un appel à la division et une atteinte flagrante aux droits de l'homme qui s'inscrit en porte-à-faux du discours officiel qui dit garantir l'Etat de droit», a-t-il indiqué.