Commerce: révision globale du cadre législatif et élargissement de l'investissement dans les grandes surfaces    Sonelgaz: signature d'un mémorandum d'entente avec Siemens Energy    Attaf s'entretient avec l'envoyé spécial du Président mauritanien    Cause sahraouie: Benjamin Stora appelle les autorités françaises à revenir à la légalité internationale    Coupe d'Algérie: l'ESM et l'ESS, premiers qualifiés aux quarts de finale    Oran: exportation de 27.000 tonnes de plaques d'acier vers la Turquie    L'UIPA s'indigne des "déclarations racistes" qui appellent au déplacement forcé des Palestiniens de la bande de Ghaza    APN: Journée d'études jeudi prochain sur les explosions nucléaires en Algérie    Mercato d'hiver 2024-2025: un marché peu animé    L'Union des Organisations africaines contre le cancer ouverte à toutes les organisations du continent    Guelma : 250 tonnes d'aides humanitaires collectées au profit des palestiniens à Ghaza    Le ministre de la Justice préside la cérémonie d'installation du nouveau procureur général près la cour d'Alger    Des pluies parfois sous forme d'averses affecteront plusieurs wilayas du Sud à partir de jeudi    Le ministre de la Santé se réunit avec les membres de la Commission nationale de prévention et de lutte contre le cancer    UE: la bande de Ghaza, "partie intégrante d'un futur Etat palestinien"    C'est 30 ans de mensonges et de massacres au Moyen-Orient !    Le Mexique commence le déploiement de 10 000 soldats à la frontière avec les Etats-Unis    Palestine occupée : Des ONG appellent l'UE à mettre fin au commerce avec les colonies sionistes    Réunion de coordination portant suivi et évaluation des programmes de développement de la wilaya    Mise en service fin février de la ligne ferroviaire    JS Kabylie : Le contrat de Lounas Adjout résilié    Retour de l'entraîneur Abdelhakem Benslimane    Ahmed Kharchi élu président    Jeux africains scolaires: le COA exprime sa satisfaction de l'état des infrastructures sportives à Sétif et Constantine    Réhabiliter la Cour des comptes comme organe suprême de contrôle des deniers publics    Natacha Rey demande l'asile politique pour Piotr Tolstoï en Russie en raison de persécutions judiciaires    Brahim Merad annonce un élargissement à toutes les régions du pays    La police de Tébessa frappe à El Oued    Une bande de malfaiteurs spécialisée dans le vol des maisons neutralisée    Les décharges sauvages se multiplient à une cadence frénétique    Le choix stratégique de l'Algérie    Jeunes créateurs et investisseurs à l'honneur    La Mosquée-Cathédrale de Cordoue franchit la barre des 2 millions de visiteurs en 2024    Exposition d'artistes aux besoins spécifiques    Journée d'étude à Alger sur "Les perspectives et défis des théâtres en Algérie"    Des créateurs à besoins spécifiques exposent leurs œuvres à Alger        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Empreinte
Publié dans El Watan le 10 - 03 - 2005

Certes, tous les orientalistes n'ont pas été dupes ni aveuglés par le soleil, mais Edouard Verschaffelt a pris à contre-pied l'orientalisme académique, colonial ou pleurnichard. Elève de l'Ecole des Beaux-Arts d'Anvers, il porte en lui, dès le départ, les traces ineffaçables de la peinture flamande ; et l'attirance viscérale par l'impressionnisme. Arrivé en Algérie avec son épouse, il est porteur de ces deux héritages fabuleux. C'est pourquoi il ne tombera pas dans le piège de l'orientalisme béat devant tant de soleil, de splendeur et de misères de l'Algérie de l'époque. D'autant plus, qu'à la différence des autres orientalistes attirés par l'Afrique du Nord, de façon douteuse et confuse, Edouard Verschaffelt vient en Algérie en 1919 pour fuir l'occupation allemande de la Belgique durant la Première Guerre mondiale. Il s'installe dans le pays avec son épouse et éprouve tout de suite une fascination pour Bou Saâda qu'il adopte d'emblée et où il perd très vite sa femme qui y décède. Bou Saâda était, à l'époque, le «fief» de Dinet qui est l'orientaliste du coin et une sorte de notable de la ville d'autant plus qu'il s'est converti – sincèrement ou ostentatoirement ? – à l'Islam ; ce qui lui donne une aura extraordinaire auprès de la population autochtone. Edouard Verschaffelt rencontre tout de suite Dinet, mais le courant ne passe pas entre les deux hommes. Apparemment, le peintre belge n'apprécie pas le peintre français, ni du point de vue artistique ni du point de vue humain. Si Dinet s'est incrusté à Bou Saâda, qu'il s'est «converti» à l'Islam, qu'il partage sa vie avec un habitant de la ville, de race noire et qu'il perpétue la tradition répétitive de l'orientalisme scholastique ; Edouard Verschaffelt va vivre à Bou Saâda. C'est ainsi qu'après la mort de son épouse flamande, il va se marier avec une Algérienne du cru de la tribu des Ouled Sidi Brahim, avec laquelle il aura deux enfants et vivra une passion extraordinaire qui apparaît dans les multiples tableaux qu'il lui consacre sa vie durant. Verschaffelt va avoir, ainsi, des liens de sang avec cette Algérie qu'il va peindre de l'intérieur jusqu'à ce qu'il y meure et qu'il y soit enterré en 1955. On peut appliquer à ce peintre authentiquement bou saâdien cette réflexion d'Albert Camus sur certains peintres orientalistes, très rares, il est vrai ! «L'Algérie ne devait pas, apparemment, être leur patrie, et cependant, depuis que ces terres sont ouvertes à l'Occident, les peintres n'ont cessé d'y faire leur pèlerinage. Il en est qui n'ont jamais pu se détacher de cette nature et qui ont fini par y mourir au terme d'une lutte épuisante pour en forcer le secret.» Edouard Verschaffelt épousera Bou Saâda et Bou Saâda l'épousera parce qu'il va y fonder une famille et une peinture qui fera école, bien que l'homme laïque fervent et solitaire convaincu vivra retiré, se vouant à sa famille et à sa peinture. Loin des ors et des mondanités coloniales qui plaisaient tant à Dinet dont certains responsables politiques algériens ont grossi l'importance parce qu'il se serait converti à l'Islam.
Souvent les peintres orientalistes ont été des peintres coloniaux d'une façon consciente ou inconsciente et ont mis en branle l'encerclement des corps, des architectures, des lumières, de la nature et des scènes de la vie quotidienne fantasmés, en les bourrant de leurs propres signes, de leurs propres lubricités (ah, le thème des odalisques alanguies !) et de leurs propres préjugés souvent pitoyables, et dont le résultat final est l'éclatement de l'Autre, l'indigène, dans une confusion étourdissante mêlant misérabilisme, couleur locale, exotisme et voyeurisme. Tout cela, bien évidemment, démuni de toute métaphysique. Edouard Verschaffelt évitera ce piège parce qu'il s'engagera, s'enfoncera même dans cette Algérie à l'époque, mater dolorosa, de la colonisation française.
Sa peinture sera sublimée par cet ancrage et par l'héritage flamand et impressionniste qu'il ne reniera jamais et qu'on verra se déployer fastueusement dans ses grandes toiles : Légende d'Antar, Madone musulmane, Jeune mauresque au chevreau, La Caravane, Intérieur de Bou Saâda et Rue dans la Kasba d'Alger ; et plus intimement (dans le sens intimiste du terme) : plusieurs portraits superbes de femmes (surtout la sienne) et d'enfants de Bou Saâda. Pierre Fontaine écrira à son sujet, d'une façon très pertinente : «Il a su conserver la bonne mesure entre le trop léché d'un Dinet et l'abstraction picturale moderne.» En effet, Edouard Verschaffelt ne peint pas la lumière, mais il jette sur ses tableaux une sorte de poussière dorée et ainsi il évite ce semblant de réalisme qui a tellement imprégné la peinture orientaliste.
Dinet et d'autres peintres «officiels» (Dinet était très lié au ministère de l'Intérieur français) ont jeté de l'ombre sur ce peintre grandiose et vrai, qui voulait vivre à l'ombre de ses toiles dans lesquelles il mettait tout ce qu'il avait en lui de lumineux et d'authentiquement algérien.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.