Il s'agit là des premiers peintres qui ont accompagné l'armée française lors de la conquête de l'Algérie, et ils avaient surtout pour mission de reproduire les combats. Et pourtant, on les a appelés «les Orientalistes». Cette recherche a été établie par Marion Vidal Bué dans un ouvrage qu'il a titré l'Algérie des peintres 1830-1960, publié chez Paris Méditerranée. Ce livre, accompagné de tableaux en couleur, est un véritable chef-d'œuvre où se mêlent histoire et art. Ces peintres, qu'on a aussi appelés artistes reporters, ne se contentaient pas uniquement de peindre la guerre et les massacres des Algériens - où souvent des scènes horribles se produisaient sous leurs yeux - mais ils peignaient aussi des mosquées, des fontaines flanquées de palmiers et de paysages ainsi que des scènes de tous les jours. «On doit à Ferdinand Wachsmut, Benjamin Roubaud ou Félix Philip poteaux, tout autant qu'à Horace Vernet, Auguste Raffet ou Adrien Dauzats, des représentations précises et véridiques de soldats de l'époque de Louis-Philippe». On ne peut parler de ces peintres sans évoquer Delacroix et le fameux tableau «Femmes d'Alger» dans leur appartement qui, en réalité glorifiait le colonialisme, Chassériau ou Eugène Fromentin «pour imposer définitivement l'Algérie comme terre d'élection des peintres». La plupart de ces artistes voyageurs ont vécu leur «Sud douillettement», dans des hôtels confortables à Bou Saâda ou à Biskra. L'auteur cite ici Charles Landelle, l'un de ceux qui ont découvert Biskra, et Paul Leroy qui fréquenta lui aussi cette oasis. Il y avait également des Américains, comme F. A. Bridgman, James Theriat, A. T. Millar… Ce qui est important ici, c'est surtout l'apport de cette peinture à l'art impressionniste, notamment en matière de lumière et de liberté de touche. Le mouvement des néo-coloristes, en quête d'une manière de peindre plus légère et plus vive, prit ainsi force dans les horizons miroitants des palmeraies et des ksour algériens. Les peintres anglais se sont aussi intéressés à la lumière de l'Algérie où ils trouvèrent des sujets exotiques. L'exotisme orientaliste colporte et traîne derrière lui des relents coloniaux Les sujets britanniques accourent d'autant plus volontiers que s'ouvraient pour eux dans la deuxième moitié du XIXe siècle de somptueuses villas sur les côteaux d'Alger, en même temps que des hôtels agréables dans les oasis à la mode, ou les stations thermales comme Hammam Righa ou Hammam Meskhoutine (Hammam Chellala, actuellement). Des artistes belges de talent, comme Deckers, Anthonissin ou Alfred Bastien sont venus eux aussi pour goûter à la lumière du Sud, au mouvement de la fantasia et au rythme des caravanes. Evoquant les principaux artistes qui se sont fondus dans la société algérienne, Marion Vidal Bué écrit : «Certains s'engagèrent totalement, tels Dinet qui se convertit à l'islam, ou Verschaffelt. Ce Flamand, né à Gand en 1874 et décédé à Bou Saâda en 1955, a été non pas un peintre orientaliste, mais un homme profondément enraciné en Algérie. Il va produire une peinture de l'enracinement, de la passion et de l'approfondissement de cette réalité algérienne si malmenée par l'exotisme orientaliste avec tout ce qu'il colporte et traîne derrière lui de relents coloniaux et d'arrangements paternalistes qui édulcorent le réel et le badigeonnent de couleurs exacerbées, rutilantes et criardes. Edouard Verschaffelt vient en Algérie en 1919 pour fuir l'occupation allemande de la Belgique durant la Première Guerre mondiale. Il s'installe dans le pays avec son épouse et éprouve tout de suite une fascination pour Bou Saâda qu'il adopte d'emblée et où il perd très vite sa femme qui y décède. Il s'est converti à l'islam après la mort de son épouse flamande, il se mariera avec une Algérienne du cru de la tribu des Ouled Sidi Brahim, avec laquelle il aura deux enfants et vivra une passion extraordinaire qui apparaît dans les multiples tableaux qu'il lui consacre, sa vie durant. Ces deux peintres avaient élu Bou Saâda comme terre d'adoption et se sont consacrés à l'illustration de la vie algérienne. L'Ecole d'Alger Elle permet de découvrir les œuvres des premiers peintres dans le pays, officiers, voyageurs ou orientalistes qui, en réalité, pour la plupart d'entre eux faisaient office d'éclaireurs. On y retrouve «la grande trilogie africaine», Delacroix, Chassériau et Fromentin, et l'on apprend que Renoir, Marquet, Dufy, Friesz ou Maurice Denis ont peint la ville. L'auteur évoque l'émergence de l'«Ecole d'Alger» avec des artistes nés ou installés dans le pays, paysagistes ou peintres de mœurs, rappelle l'importance de la villa Abdeltif, la Médicis d'Alger, et nous conduit jusqu'aux artistes de «la génération du môle» ou aux tenants de l'abstraction