Inspiratrice d'œuvres ethnographiques ou simples tableaux «osés» qui frisent parfois les limites du socialement décent, la ville de Bou Saâda (M'sila) constitue un thème majeur de la peinture orientaliste en Algérie, au point de former une école d'art plastique, qui demeure toutefois peu connue et inexploitée sur les plans académique, technique et culturel. Pas moins de 150 plasticiens européens orientalistes sont passés à Bou Saâda et ont vécu de longues périodes dans la région, laissant chacun une empreinte plus ou moins marquante. Le Français Etienne Dinet, devenu Nasreddine Dinet, vécut, se maria et mourut dans cette cité oasis du Bonheur (Saâda). Le Belge, Edouard Verschaffelt, avait emboîté les pas à Dinet, immortalisant le patrimoine culturel et social de la région par des toiles éparpillées aujourd'hui à travers les musées d'Europe, dont le prestigieux Louvre de Paris (France). Jules Van Biesbroeck et l'Américaine Juanita Guccione (qui se maria avec son guide de la tribu des Oueld Naïl de Bou Saâda) furent de ces artistes qui, fuyant la vie occidentale fortement matérialiste, trouvèrent dans la petite société boussaâdie cet autre inconnu, si différent et fort saisissant, aux allures paradisiaques. Nasredine Dinet a peint pas moins de 100 toiles de presque tout le quotidien des gens de Bou Saâda. Les autres plasticiens européens se sont surtout intéressées au sensuel, surtout au corps de la femme, un thème plastique dans l'art occidental. C'est le cas de «Khadhra, la danseuse d'Ouled Naïl» de Jules Van Biesbroeck, «Mariage dans l'Oued» d'Edouard Verschaffelt, ou encore «Les baigneuses au bord de l'oued» d'Etienne Dinet. Hormis cette «incursion» incompatible avec les valeurs sociales et violant le sens de la Horma, ces artistes ont immortalisé la simplicité de la vie des habitants de cette oasis, leur hospitalité et leur mode de vie, le nomadisme. La caravane du hadj (pélérinage aux Lieux Saints de l'islam), les gens à la mosquée, la circoncision, la psalmodie collective du Saint Coran, la visite des saints, ont également été peints par ces artistes européens, devenant par moments des peintres-ethnographes par excellence d'une communauté attachée à ses traditions, au sens de l'honneur et à la religion, sans pour autant être parfaite. En dépit de la puissance colonialiste occidentale du début du XXe siècle, le vent qui avait soufflé alors de Bou Saâda sur la France, ou encore la Belgique, fut une source d'inspiration intarissable pour de nombreux artistes-plasticiens, au point que certains d'entre eux ont changé totalement leur mode de vie et parfois leur religion, à l'instar d'Etienne Dinet.