En 1990, ces ménages, fuyant la crise de logement, ont squatté une bâtisse déjà répertoriée durant les années 1980 comme étant vétuste et nécessitant l'évacuation immédiate de ces occupants. Ces derniers ont été relogés dans des logements plus décents. 5 années plus tard, ledit immeuble croulant de partout a cédé sous l'effet des intempéries et des séismes qui se sont succédé dans le temps. Se retrouvant du jour au lendemain dans la rue livrées à elles-mêmes et après avoir frappé à toutes les portes, en vain, elles ont construit aux alentours des baraques de fortune en attendant de voir le bout du tunnel. Ce qu'elles ignoraient alors, est que ce qui a été conçu pour être du provisoire, allait devenir du définitif. La preuve, des années après, elles se retrouvent au même point de départ. Le dénuement total A Lalahoum, la majorité des douirate se sont écroulées, transformant l'endroit en un véritable champ de ruines jonché d'immondices et de gravats. L'opération de nettoyage initiée par les services de la wilaya, et suivie sur les terrains de près par l'APC de La Casbah, a certe eu l'effet escompté. Néanmoins, à certains endroits, des dépôts d'ordures persistent, entretenus par le manque de civisme et l'inconscience de certains habitants. Pour accéder à ces taudis, on doit immanquablement emprunter des chemins tortueux obstrués, par la boue lors qu'il pleut. Vues de l'extérieur, ces maisonsconstruites en zinc ou en parpaing sur 2 rangées parallèles, n'augurent rien de bon. Leur état nous renseigne aisément sur le vécu quotidien de ces résidants. Aussitôt notre identité déclinée, nous sommes invités a y accéder. A peine le seuil franchi qu'une odeur de moisi repoussante et insupportable nous étouffe. Fissurées et délabrées en grande partie, elles semblent tenir par la grâce divine : les murs comportent de profondes lézardes. Les planchers altérés sont enfoncés par endroits ou carrément inexistants. Par jour d'averses, les plafonds défectueux se transforment en véritables passoires. Les pièces de 2 à 3 m2 au maximum abritent jusqu'à 8 personnes entassées comme du bétail. L'hygiène laisse à désirer. Pour avoir l'électricité, les habitants ont réalisé des branchements illicites. Les sanitaires ne sont disponibles que chez certains, les autres se débrouillent comme ils peuvent. Quant à l'approvisionnement en eau potable, il a été procédé à la déviation de conduites d'eau. Les moins nantis trimballent à longueur de journée des jerricans qu'ils remplissent chez les voisins. Le degré d'humidité à l'intérieur de ces gourbis est fort élevé et expose les enfants à l'instar des grands à toutes sortes de maladies : asthme, allergie respiratoire, rhumatismes aïgus. «Ma fille souffre de bronchite chronique, sa santé dépérit petit à petit. Cela fait 2 années, elle a failli être emportée par la méningite. Elle a passé 1 mois dans le coma à l'hôpital El Kettar», nous dit la mère d'une fillette de 5 ans rencontrée sur place. Plus loin, une autre dame nous interpelle pour qu'on rentre chez elle. Le plus délabré de tous. Composé de 2 pièces minuscules, l'une d'elle a cédé dans sa totalité, l'autre comporte une large fissure transversale qui laisse transparaître la lumière du jour. «Les nombreux responsables qui ont défilé ici soit après les inondations ou le séisme de mai 2003, n'ont pas cessé de nous faire des promesses, sans résultat. Aujourd'hui, notre situation méprisable ne semble pas les inquiéter outre mesure. Nos élus nous ont tout simplement abandonnés», nous dit-elle exaspérée. Un père de famille nous montre le procès-verbal établi à leur encontre par l'ancien P/APC, en vue de leur expulsion : «En 2000, cet élu local nous a poursuivis en justice pour avoir construit sur un terrain communal. Il n'a pas eu gain de cause. Le juge lui a dit que nous aussi sommes originaires de la commune et n'avons pas où aller. Nous avons néanmoins payé une amende de 2000 DA.» Révolté, il renchérit : «Lors des intempéries du 10 novembre 2001, nous avons échappé à la mort de justesse. Les pluies torrentielles qui se sont abattues ce jour-là ont dévalé sur leur passager les gravats et terre issus des maisons en ruine se trouvant au-dessus de nos têtes. La boue a alors envahi toutes nos demeures.» Un autre continue : «Nous avons alors été évacués vers l'école primaire Malek Benabi, où nous sommes restés 15 jours. Le temps que la gadoue sèche, les anciens responsables de la daïra nous ont sommés de plier bagage, nous assurant de nous octroyer des logements neufs dans les délais les plus courts. Rien que des leurres !» A côté d'une bâtisse, dont il ne subsiste qu'un semblant de mur, une autre famille nombreuse y a improvisé un refuge en construisant autour une petite baraque avec les moyens du bord : zinc, éternit, planches en bois, etc. A la sortie du bidonville, 5 personnes demeurent dans une maisonnette de ce genre. «Nous y avons emménagé en 1992. En ce temps-là, son propriétaire nous la cédée pour 200 000 DA. Lui a déménagé ailleurs. Toutes nos économies y sont passées, nous n'avons pas d'autre choix c'était ça ou la rue.» Toutes les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenues, venues de La Casbah, Soustara, Bab El Oued,…, selon leurs propos, nous ont signifié leur désespoir et leur ras-le-bol. Lasses de la malvie et de la maladie, elles se disent pas exigeantes : «Nous nous contenterons de chalets», lancent-elles comme ultime appel de détresse en direction des autorités compétentes. Leur crainte, d'être léguées aux calendes grecques. «Avec la construction du nouveau marché à côté, nous avons vivement souhaité qu'on se rappelle de notre existence et qu'on nous sorte de là. Plutôt que cela une muraille a été construit pour qu'on ne nous voit pas. Nous leur faisons honte», s'indigne une sexagénaire. Contacté à ce sujet, le premier magistrat de la commune nous a expliqué qu'«une opération de recensement a été depuis environ deux mois effectuée au niveau de ce bidonville.» La liste de ces habitants a été transmise à la daïra afin que les dossiers soient étudiés au cas par cas. «Les citoyens natifs de La Casbah seront pris en charge et relogés. Cela n'est qu'une question de temps», conclut-il.