Sous tous les cieux et sous toutes les latitudes, l'argent a toujours constitué le nerf vital de la course électorale. Les soutiens sous toutes leurs formes : financier, matériel, humain et relationnel sont déterminants dans une campagne électorale pluraliste ou même supposée comme telle. Une campagne électorale nécessite des moyens, des déplacements soutenus pour aller à la rencontre de l'électorat, des financements pour payer salles et affiches électorales, acheter des espaces publicitaires dans les médias. Pour organiser des collations, des « zerdas » comme il est de tradition dans les zones rurales où les réseaux tribaux ne lésinent pas sur les moyens pour organiser des repas festifs autour d'un couscous fumant agrémenté d'alléchants morceaux de viande ovine locale, qui valent plus que tous les discours électoraux en termes de pêche aux voix. Avoir des idées, un programme électoral, une fibre patriotique, jouir d'une probité morale irréprochable, avoir des qualités intellectuelles, un passé révolutionnaire qui fut jusqu'ici un référent de premier ordre dans tous les scrutins passés, ne suffit pas aujourd'hui pour s'engager et gagner une élection. Il faut parallèlement à cela une logistique et une machine électorale de plus en plus lourde en termes de mobilisation de moyens. Lorsque le jeu politique et électoral est ouvert comme c'est le cas dans les pays démocratiques, les soutiens aux candidats sont tous aussi ouverts . On ne se bouscule pas jusqu'à la prosternation devant une candidature parce qu'on est un chef d'entreprise, un homme d'affaires qui attend le renvoi de l'ascenseur. Parce que l'on est intégré dans des réseaux d'alliance et d'influence, partageant des intérêts communs. Lorsque le pouvoir de l'argent fait allégeance à un seul candidat, ignorant les autres candidats réduits à puiser quelques dinars dans leurs fonds de poche et auprès de rares donateurs pour louer une salle en vue de tenir un meeting, il y a maldonne dans les règles du jeu électoral qui s'en trouvent ainsi biaisées à la base. Tout autant que dans le commerce où la concurrence déloyale est réprimée dans les sociétés qui respectent les règles entrepreneuriales, en politique, dans les sociétés démocratiques, l'égalité des chances dans la course électorale devrait être un leitmotiv qui s'applique rigoureusement à tous les candidats. Si dans les pays qui ont une tradition des luttes politiques, les candidats partent avec des chances égales en termes de mobilisation des fonds – les écarts ne sont pas en tout cas aussi criards que chez nous –, en Algérie, il n' y a que pour le candidat du pouvoir ou adoubé par le pouvoir. Les « généreux » donateurs potentiels privilégient les placements garantis à haut rendement que les placements que l'on sait par avance à perte mobilisés autour d'éphémères candidats qui n'ont aucune chance de passer. La loi électorale en vigueur n'interdit pas cette discrimination dans les moyens mobilisés par les différents candidats. Mais en attendant que les règles d'une saine compétition politique s'installent dans le pays, il serait bon d'instaurer une certaine équité entre les candidats en termes de moyens pour ne pas ajouter au discrédit d'un scrutin qui est boudé par une bonne partie de la classe politique et qui pourrait l'être encore davantage le jour du scrutin par les citoyens rétifs à tout ce qui relève de la démesure. Manifestement, la campagne électorale, qui a déjà commencé avant terme, pèche sur ce plan, aussi, par un déficit flagrant de fair-play. La partie se déroule sans arbitre et sans règle de jeu consensuelle.