Nedjar Hadj Daoud, directeur du journal régional El Waha, a été arrêté puis mis en prison dans la journée d'hier, a-t-on appris auprès de sa famille. Visiblement non informé, Nedjar Hadj Daoud, qui fait l'objet de plusieurs procès en diffamation, a été surpris dans son bureau par des policiers venus l'arrêter sur ordre de la cour de Ghardaïa. « J'ai parlé avec lui au téléphone vers 10h. Une heure après, je n'arrivais plus à le joindre. Inquiet, je me suis déplacé à son lieu de travail. J'ai trouvé son véhicule à la même place où il a l'habitude de le stationner. Son bureau était ouvert , mais il n'y avait personne à l'intérieur », raconte son frère, qui dit ne rien comprendre dans cette affaire d'arrestation. Selon une source judiciaire, qui a requis l'anonymat, Nedjar Hadj Daoud a été emprisonné à cause d'une affaire qui remonte à 2005. Un procès en diffamation intenté par une citoyenne, fonctionnaire à l'époque des faits à l'APC de Ghardaïa. Le tribunal de Ghardaïa l'a ainsi condamné le 14 novembre 2005 à six mois de prison ferme. Une peine de prison qui a été confirmée par la cour de Ghardaïa quelques mois après. Usant de son ultime recours, le directeur d'El Waha s'est pourvu en cassation. La Cour suprême a fini par se prononcer sur sa demande le 3 juillet 2008, rejetant son pourvoi en cassation et renvoyant à nouveau l'affaire à la cour de Ghardaïa, laquelle a rendu hier en fin d'après-midi son verdict confirmatoire de la peine de six mois de prison ferme. Le condamné a été aussitôt écroué à la prison Châabet Ennichene, dans la ville de Ghardaïa. Nedjar Hadj Daoud subit depuis plusieurs années d'incessants harcèlements judiciaires et des dizaines de procès l'opposant à des responsables au niveau local, cela au point qu'en 2006, il a été poursuivi dans 25 affaires devant le tribunal de Ghardaïa, souvent pour avoir révélé des scandales de corruption et de trafic d'influence. Il avait dit à la fin de l'un de ses procès, en 2006, que tous ceux qui déposent plainte contre lui « le font surtout pour détourner l'attention des autorités compétentes sur les faits révélés par son journal ». Nedjar Hadj Daoud n'a jamais caché son amertume et sa déception sur ce qu'est devenu le journalisme en Algérie. Il a même publié en 2005 un livre intitulé Prison, meurtre… De la profession noble à l'extinction. Un ouvrage de deux tomes où il explique comment le journalisme est condamné à disparaître sous le poids des pressions et des menaces de tous genres qui pèsent lourdement sur la corporation. L'auteur, qui a eu à exercer entre 1979 et 1989 au sein du quotidien arabophone Echaâb et à la Radio nationale, a établi dans son livre un état des lieux sans complaisance sur l'expérience professionnelle de la presse algérienne depuis un quart de siècle : du parti unique jusqu'au pluralisme qu'il jugeait aussi « unique ». Avec sa plume acerbe et critique, il a tenu à dénoncer à plusieurs reprises « les exactions dont est victime la presse et émanant du fait du prince, de lobbies et de groupes de pression... » Après des années de lutte, son journal a cessé de paraître en décembre 2006. Mais depuis, contre vents et marées, il continue, seul, à entretenir et à alimenter de manière régulière l'édition électronique du journal, poursuivant comme d'habitude son travail d'investigation. Son emprisonnement remet, une nouvelle fois, sur le tapis la nécessité d'aller vers la dépénalisation du délit de presse en amendant le code pénal.