Les agriculteurs pointent du doigt les conserveurs réunis au sein de l'Association des conserveurs de tomate (Actom), eux-mêmes confrontés à des difficultés dont celles liées à la relation avec les banques. Sans même se concerter, les conserveurs tentent de réagir à la concurrence qu'ils estiment déloyale induite par l'importation du triple concentré (TCT)de tomates de Chine. Dans la wilaya d'El Tarf, des Turcs se sont installés. Ils ont procédé à l'importation de 830 t de TCT. Cette quantité serait celle-là même refoulée il y a quelques mois par les services portuaires de Annaba, parce que non conforme. C'est plus que trop pour la vingtaine de conserveurs de l'est du pays. Ils ont décidé de baisser à 5 DA leur prix d'achat au kg de la tomate fraîche. Anciennement, il était à 7 DA. Sourde d'abord, la colère des agriculteurs producteurs de tomate fraîche a littéralement explosé. Outre les oukases des conserveurs de tomate, ils accusent la Chambre d'agriculture, le ministère de l'Agriculture et les banques. Leur colère a envahi les terres agricoles de l'est du pays, notamment les wilayas de Annaba, Guelma, Skikda et El Tarf. Les agriculteurs seraient sur le point de déclencher un mouvement d'opposition de grande envergure. «Nous avons assez d'être traités comme des esclaves. Que chacun assume ses responsabilités», tonnent plusieurs d'entre eux venus à la rédaction. Première institution ciblée, la Chambre d'agriculture. Le ministre de l'Agriculture, notamment les «scientifiques» qui l'entourent, n'a pas été épargné par les critiques. Le mouvement pourrait prendre une dimension nationale. Parmi les agriculteurs, chacun vilipende tel ou tel autre responsable d'institution pour ne pas avoir tenté d'harmoniser les exigences contradictoires des conserveurs et des agriculteurs. Comme ils l'avaient fait lors de la campagne 2004, des agriculteurs vont condamner à la jachère des milliers d'hectares traditionnellement destinés à la culture de la tomate fraîche. «Ce ne sont pas 5 DA au kg que nous leur proposerons à l'avenir, mais beaucoup moins. Alors qu'ils ont à leur disposition des moyens techniques pour améliorer leur rendement, ils persistent dans l'archaïsme. Nous allons importer du triple concentré de tomates. Cela nous coûtera moins cher. Pour la défense de la production nationale, il y a l'Etat et les responsables. Si eux n'y pensent pas, ce n'est pas à nous de le faire même si nous savons que notre nouvelle démarche signifie la perte de plus de 100 000 postes de travail», a indiqué un des conserveurs, membre de l'Association des conserveurs de tomate. Pour justifier leur décision de faire appel à l'importation du TCT et éviter la tomate fraîche algérienne coûteuse, les conserveurs avancent la mévente chronique du concentré de tomates des précédentes campagnes, le harcèlement dont ils se disent victimes des banques pour le paiement des créances, le prix de revient du concentré de tomates à base de matière première importée et surtout de l'absence de toute subvention étatique comme cela se fait en Chine, en Tunisie et dans certains pays européens. La fermeture de la majorité des unités de transformation pour cause de faillite est évoquée. «On n'aurait jamais dû écouter les scientifiques. Ils sont à l'origine de cette politique d'importation incohérente qui perturbe le marché national du concentré de tomates. Nous risquons de tout perdre», estime un agriculteur de la wilaya d'El Tarf qui, à elle seule, couvrait 50% des besoins nationaux en tomate fraîche.