l'ONT a participé à des salons de tourisme à l'étranger sans aucune étude de marché au préalable, il s'agit du Caire, de Moscou et de Varsovie. Nous citerons seulement ces trois. Pour le Caire, depuis 1985, ce sont plutôt les touristes algériens qui partent vers l'Egypte des pharaons. Aucun groupe d'Egyptiens n'est venu et ne viendra, car notre produit touristique dans son ensemble ne lui convient pas, ainsi que pour tous les pays arabes, d'ailleurs à l'exception de certains enturbannés des pays du Golf qui viennent chasser et massacrer nos espèces protégées (dont l'outarde) dans le Sud. Pour Moscou et Varsovie, le mimétisme de l'ONT Algérie sur l'ONT Tunisie l'a incité à participer à ces deux salons. Seulement, les Tunisiens, qui ont même ouvert des bureaux de représentation dans ces deux villes, avaient un produit balnéaire attractif soutenu par un rapport qualité/prix indéniable. C'est ainsi que des chaînes de charters sont programmées, transportant la classe moyenne de ces deux pays de l'Est, car les nouveaux millionnaires et milliardaires russes et polonais préfèrent la Côte d'Azur, la Costa Brava, Ibiza (Espagne) et Rimini (Italie). La situation actuelle de l'ONT est à l'image de l'immeuble vétuste qui abrite des bureaux et c'est une honte d'y recevoir des responsables en tourisme étrangers et cela dure depuis 1990. La précarité de la bâtisse est celle du tourisme algérien ! Par ailleurs, le secteur touristique sans un office du tourisme fort, reposant sur un budget conséquent et sur des personnes ressources compétentes et motivées, est voué à l'échec (et c'est le cas) sur le plan promotion de la destination Algérie. En outre, le ministère du Tourisme n'a pas su renouveler son encadrement compétent parti à la retraite ou vacant à ses occupations ailleurs par un plan de carrière de ses propres ressources humaines et bien suivi. L'apport d'un encadrement externe au secteur n'a fait que l'affaiblir dans le cadre de l'ingénierie touristique. Quant aux services extérieurs du ministère du Tourisme créés en 1996 avec beaucoup d'ingéniosité, il s'agit des directeurs de tourisme de wilaya, ils n'ont guère joué le rôle qui leur était dévolu, faute de moyens et de compétences, car sur les 48 directions de tourisme, 10% environ sont des diplômés de l'Ecole supérieure de l'hôtellerie et du tourisme, le reste, 90% émanent d'autres secteurs, tandis que des diplômés expérimentés en tourisme végètent dans des bureaux humides au bout de couloirs mal éclairés. Un ancien ministre du Tourisme, urologue de formation, transfuge du PRA au RND, avait annoncé avec beaucoup d'enthousiasme en 2000 le lancement des chantiers d'un plan prometteur décennal 2000/2010, un autre qui lui succéda a évoqué quant à lui un plan 2003/2013, probablement bientôt on aura un autre 2005/2015… Le ministre sortant en 2005, FLN redresseur, déclarait que «1 200 000 touristes ont visité l'Algérie en 2004, mieux que l'année de l'embellie 1989 !» Pour les nationaux, 131 millions de visites sur les plages pendant la saison estivale 2004 ! Tout est faux et impensable, ce n'est que de l'arithmétique déguisée qui arrivait sur le bureau du ministre. Pour les étrangers, selon les normes arrêtées par l'Organisation mondiale du tourisme (ONT), dont le siège se trouve à Madrid, ne doivent pas être incluses : les travailleurs frontaliers, les immigrants temporaires, les immigrants permanents, les nomades, les passagers en transit, les réfugiés, les membres des forces armées (casques bleus…), les représentants consulaires et les diplomates. Triste réalité Ces 1 200 000 touristes étrangers où sont-ils passés ? Dans quelles villes ont-ils séjourné ? Dans quels hôtels et complexes touristiques sont-ils descendus ? Cela nous rappelle l'histoire de l'Arlésienne, tout le monde en parle, mais personne ne l'a rencontrée ! Quand on trace des plans décennaux, il faudrait en amont maîtriser les statistiques, leurs sources, les moyens mis en place pour les réunir… Il faudrait que l'on sache que depuis 1963, l'Algérie n'a pas encore reçu plus d'un million de touristes, soit 42 années, dans le cadre du tour operating, c'est-à-dire en voyages organisés par le biais des agences européennes. Moins d'un million, c'est la triste réalité. Les années 1960, avec 6000 lits maximum hérités de la France coloniale et au sortir d'une guerre, les touristes étaient rares. En 1975, la grande Altour réalisait 56 000 touristes étrangers, essentiellement en bord de mer. De 1976 à 1986, une moyenne de 5000 touristes étaient reçus par Altour, ensuite par l'ONAT, à partir de 1983, (5200 clients), 1986 (11 797 clients), 1989 (23 950 Donc il y a eu seulement deux «pics», celui de 1975 (56 000 clients) et celui de 1989 (23 950 clients), il faut souligner que durant toute cette période (1986-1990) quelques agences privées de l'extrême Sud à Tam et Djanet, dirigées par des professionnels autochtones, réalisaient quelques dizaines de clients. Leur meilleure performance remonte à 1989, année de référence avec celle de 1975, où chacune a traité près de 1000 touristes. Ces chiffres, nous les avons manipulés de 1975 à 1996. Des statistiques mentionnées sur la revue de l'ONT, Algérie tourisme (1994), indiquaient en termes des arrivées aux frontières (terminologie appropriée). En 1988, 446 906 entrées, dont 140 000 étrangers, le reste, des Maghrébins, 306 906. En 1989, 661 079 entrées, dont 156 110 étrangers et 504 969 Maghrébins. En 1990, 700 321 entrées, en 1991, 772 682 entrées, en 1992, 616 152 entrées et en 1993, 571 999 entrées, (à chaque fois la grande majorité était maghrébine). En résumé, de 1963 à 1969 (7 années), de 1976 à 1986 (10 années), de 1991 à 2005 (15 années), soit 32 années de «sécheresse» et de «disette» pour le tourisme algérien. L'Algérie terre des contrastes, le slogan des années 1970 a peu reçu de touristes et demeure peu connue à l'étranger. Rien n'a été fait, il reste tout à faire. Et si on pense que cela a été fait, il faudrait tout refaire. Quant aux 131 millions de visites sur les plages par les estivants, l'été 2004, le chiffre surdimensionné inclut probablement les criquets pèlerins ! Aucune direction de tourisme de wilaya n'est outillée et ne possède l'expérience pour pouvoir maîtriser les statistiques. Ni aucune autre institution. Maintenant, si on calcule d'une manière «pifométrique» et bâclée, c'est possible. On prend une plage, sa largeur x, sa longueur et au m2, on peut estimer que deux personnes peuvent s'y lézarder… Dans la réalité, si 3 millions d'Algériens arriveraient à passer des vacances en bord de mer, la politique des loisirs et du tourisme aurait réussi. Pour le moment, la Tunisie s'y substitue en partie ! Ce ministre, qui vient d'être nommé ambassadeur en Libye, a eu quand même le mérite de dresser sommairement sans complaisance un état des lieux (14). Ses affirmations brutales, incongrues sont hélas vraies. Il disait que «les visites effectuées sur le terrain lui ont permis de constater parmi les problèmes les plus récurrents, il y avait les multiples agressions que subissaient les zones d'expansion touristique dues essentiellement à la politique du silence des anciens responsables qui sont directement ou indirectement complices de ces dépassements. Que de pseudo-investisseurs ont bénéficié de parcelles de terrain dans le cadre de l'investissement touristique et qu'après cinq ou six années rien n'a été fait, alors que le cahier des charges est explicite. D'autres les ont carrément détournées de leur vocation et ont construit des habitations qui servent à tout, sauf à faire du tourisme… » En 2003, un des prédécesseurs avait dénoncé avec fougue les méfaits d'un pseudo-investisseur sur la côte ouest d'Alger, mais en indiquant «avoir saisi que de droit en haut lieu, car c'est un problème qui nous dépasse !» Il faut savoir que les 1200 km de côte que l'on ressasse à chaque fois ne sont pas énormes, la Tunisie en possède 1400 km, le Maroc 1800, la France et l'Italie plus de 5000. Donc, c'est une portion septentrionale tout juste suffisante pour espérer en tirer un réel profit touristique, mais si près de la moitié des zones d'expansion est détournée, saccagée, grignotée, détériorée par des ragondins (15), il n'y a pas lieu de lancer des plans décennaux (2003-2013). Les destinations se construisent autour d'un tourisme balnéaire de qualité, ensuite l'arrière-pays et le tourisme culturel suivent. Le tourisme d'affaires réalise des rentrées en devises en amont et qui ressortent en aval lors des paiements des contrats, lettres de crédit, crédits documentaires… Les frais des multiples visites des hommes d'affaires étrangers chez nous sont calculés et prévus dans les montants à payer par les entreprises algériennes importatrices en général. A cette litanie désespérante, il y a en plus le pillage du sable des plages qui dure depuis près de 20 ans. Cela bouleverse l'écosytème et fait disparaître à la longue des plages entières et les atrophie en partie. Le laxisme de l'Etat est criard à ce sujet, et son silence est assourdissant pour ne pas évoquer sa cécité complice ! Tout simplement c'est criminel pour notre pays et pour les générations futures qui seront obligées de faire bronzette sur des galets si le massacre continue. En attendant, les pouvoirs publics continuent à nous conter fleurette, le vaisseau du tourisme algérien est amarré au quai de l'oubli depuis belle lurette… Quant aux opérateurs du tourisme, ils peuvent toujours continuer à jouer du galoubet «en attendant Godot» ! La prolifération des agences de voyages privées De 1963 à 1985, il existait seulement une demi-douzaine d'agences de voyages essentiellement situées au Sud. En 1964, deux agences ont été nationalisées puis fermées sous l'ère benbelliste. Aujourd'hui, 20 ans après 1985, on recense 680 qui deviendront bientôt 700. En somme, il s'agit là d'une prolifération acridienne d'agences d'où un trop-plein, car c'est excessif pour 10 000 touristiques étrangers par an reçus en voyages organisés et pour 60 000 lits d'hôtels, dont 10% (6000) peuvent être proposés au marché international du tourisme. La Tunisie possède 360 agences pour 5 millions de touristes reçus par an en voyages organisés, et pour 220 000 lits d'hôtels tous aux normes internationales. Cette nuée d'agences a vu le jour à cause d'un article qui régit les activités des agences de voyages (cahier des charges) et qui stipule «que toute agence en voie de création doit impérativement recruter un directeur technique diplômée de l'Ecole supérieure de tourisme ou ayant été un cadre supérieur dans le secteur touristique pendant 5 années au minimum, sans aucune précision, cadre où ? Dans quel domaine ? Ce qui a incité beaucoup de gérants à recruter d'anciens cadres financiers en ressources humaines, logistiques, hygiène et sécurité… De sacrés profanes dans les activités purement touristiques (conception, promotion et commercialisation)». Certains investisseurs, riches mains incultes, louaient carrément les certificats de travail de ces cadres sans les recruter. Des profanes qui recrutent d'autres profanes, cela n'a fait qu'appauvrir davantage la profession d'une destination très mal en point. Pour illustrer le tout, une anecdote vécue récemment en 2005 au niveau des frontières algéro-tunisiennes dans le cadre d'un éductour sur la ville de Tabarka en Tunisie, organisé par l'Office du tourisme tunisien en Algérie qui avait invité quelques agences de l'Est à visiter et connaître la ville de Tabarka. Lors des formalités d'usage, la PAF a interpellé le gérant d'une agence de voyages pour une discordance de la fonction portée sur le passeport (chauffeur) et celle sur la carte de la police (directeur général agence). Certes la loi de l'offre et de la demande, la concurrence, le marché feront la décantation dans le temps. Beaucoup fermeront, mais après beaucoup de dégâts par manque de professionnalisme. Etre agent de voyages c'est un métier qui s'apprend à l'école et sur le terrain. En Tunisie, il est exigé pour le poste de gouvernante, le brevet de technicien supérieur en hôtellerie ! En Algérie, 10% au maximum, soit 70 sur les 700 agences agréées peuvent être considérées comme de véritables professionnels. Un article mal cerné et obsolète permet, de nos jours, au maréchal ferrant et au puisatier de s'ériger en agent de voyages et ouvrir une agence ! Les trophées de l'arnaque et de la médiocrité Certains hôtels durant ces 20 dernières années se sont fait grugés sciemment ou inconsciemment par des sociétés espagnole et anglaise spécialisées dans l'arnaque qui décernent, sur la base d'une liste d'hôtels qu'elles n'ont pas visités, ni connus, le trophée international de l'étoile d'or de la qualité (1er prix Award). Certains responsables hôteliers algériens sous couvert de leur direction générale, les deux atteints par une cécité ou par une méconnaissance de l'hôtellerie internationale, ont cru, la prétention aidant, que leur hôtel avait été choisi et retenu pour mériter le premier prix, alors que leur établissement à l'échelle maghrébine seulement en catégorie 3 étoiles pour les uns et en 4 étoiles pour les autres, serait réellement classé en compétition plus bas que la 50e place. Et à l'échelle méditerranéenne (Espagne, Italie, France, Croatie, Turquie, Malte, Grèce…), plus bas que la 500e place ! Alors comment se fait-il que nos «prestigieux hôtels» ont été choisis ? Tout simplement les frais d'organisation à Madrid ou à Londres dans un palace avec dîner-gala et deux nuits d'hôtel en 4 ou 5 étoiles pour la remise des trophées, sont facturés pratiquement du simple au double. Les frais d'hôtel de restauration plus un montant qui est dissolu dans la facture globale et qui représente le gain commercial visé par les arnaqueurs. La preuve, l'hôtel Les Sables d'or à Zéralda, dans un état de vétusté avancé en 1987, allait être fermé pour rénovation quand il a été retenu pour recevoir le trophée à Madrid. La direction incrédule était très étonnée et se demandait si ce n'était pas une blague. Elle avait alors classé le courrier lui indiquant sa désignation. Idem pour l'hôtel Gouraya à Timimoun (3 étoiles) en 1983 qui a reçu le même courrier. Son établissement était dans un état précaire. La direction ne donna pas suite. D'autres hôtels ont mordu à l'hameçon. Il est souligné que ces fameux trophées de l'arnaque et de la médiocrité, n'ont jamais touché les hôtels en Tunisie ou au Maroc. En Europe n'en parlons pas. Le meilleur de nos hôtels, toutes catégories confondues, serait classé plus bas que la 500e place à l'échelle internationale. En 1994, un quotidien indépendant avait dénoncé ces trophées de la honte dans un article édifiant (El Watan de février 1994).