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Les communistes (français et algériens) et les massacres du Constantinois, mai-juin 1945 (1re partie)
Publié dans El Watan le 01 - 09 - 2005

Les communistes ont-ils bien saisi la nature de ce drame, l'ont-ils analysé pour ce qu'il était un crime colonial ? On sait bien que non. Une étude de la presse communiste, dont celle, jour par jour, de l'Humanité entre mai et décembre 1945, permettra de rappeler les étapes de ces prises de position.
Ont-ils sciemment participé, voire ordonné, les bombardements, comme l'affirment certains avec insistance depuis 60 ans ? Grâce à l'accès, aujourd'hui facile, aux archives du PCF, l'auteur apportera quelques éléments d'information nouveaux. La langue française, lorsqu'elle est mise au service du révisionnisme historique, a de redoutables ressources. Ainsi, longtemps, le massacre du 8 Mai 1945 et les semaines qui ont suivi ont-ils été qualifiés d'«événements du Constantinois».
Evénements ?
Que le jour même où l'Europe entière fêtait la victoire dans une guerre menée au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, des Français – militaires, policiers et civils transformés en miliciens – aient tiré sur des Algériens, en aient massacré des dizaines de milliers, reste et restera une tache indélébile sur l'histoire de notre pays. Une simple question à ce propos. Supposons que la loi du 23 février 2005 soit réellement appliquée : que devront dire les enseignants français à ce propos à leurs élèves ? Seront-ils dans l'obligation d'évoquer pour mMai 1945 «le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord» (article 4). Si oui, quelles seront les réactions de certains de leurs élèves, des petits Français qui s'appellent Mohamed ? La vérité est que, cédant à la pression d'un clan «nostalg(ér)ique», les autorités françaises ont pris le risque, une fois de plus, de laisser béantes les plaies héritées des temps coloniaux.
«Evénements» peut-être pour certains Français. Mais, pour toute la société algérienne, véritable «traumatisme», selon l'expression utilisée par la meilleure historienne française de cette tragédie, Annie Rey-Goldzeiguer (1).
Comment les communistes – français et algériens (2)- ont-ils analysé et vécu ce traumatisme ?
Dans la longue série des luttes communistes contre le colonialisme français, il est des moments forts, inscrits désormais dans l'histoire du pays, de la guerre du Rif à l'encadrement des premiers mouvements d'immigrés, en passant par les guerres de la décolonisation… Longtemps, l'historiographie «officielle» du PCF a voulu ne retenir que ces pages glorieuses, justifiant (ou pis, faisant silence sur) les moments d'hésitation, d'insuffisante mobilisation ou encore les erreurs et les compromis, même passagers (3).
Au rang des grands points d'interrogation, précisément ce Mai 1945 en Algérie.
On distinguera soigneusement ici deux interrogations, certes liées entre elles, mais qu'il vaut mieux distinguer, par honnêteté et par souci de clarification.
– 1. Les communistes français et algériens, en cet épisode, ont-ils bien saisi la nature de ce drame, l'ont-ils analysé pour ce qu'il était, un crime colonial, ont-ils été fidèles au texte fondateur, la huitième condition d'adhésion à l'internationale («appuyer non seulement par des paroles, mais par des faits, les mouvements libérateurs des colonies») ? On sait bien que non.
– 2. Ont-ils pour autant l'ampleur de cette répression sur la conscience ? Ont-ils sciemment participé, voire ordonné, les bombardements, comme l'affirment certains avec insistance depuis 60 ans (on sait que le nom de Charles Tillon, alors ministre de l'Air, a été à maintes reprises prononcé) ? La réponse proposée, s'appuyant sur les éléments nouveaux, diffère sensiblement de la vulgate historique.
L'analyse communiste de la question coloniale
Lorsque s'achève la guerre mondiale, le PCF adopte une stratégie d'union nationale, mais affirme clairement sa volonté de conquérir un rôle hégémonique au sein de la «France nouvelle». Son poids politique, son prestige sont sans commune mesure avec l'avant-guerre. Il est en passe de devenir «le premier parti de France». Le drame du 8 Mai 1945 en Algérie se situe exactement entre les deux tours des premières élections depuis la libération, les municipales (9 avril et 13 mai). Elles sont nettement marquées à gauche. Le PCF arrive en tête dans 1462 villes (soit 1100 de plus qu'avant-guerre). Sa force militante est considérable, plusieurs centaines de milliers d'adhérents (4). La perspective, un temps esquissé, d'unir PC et PS en un seul parti ouvrier, l'effacement (apparent) de la réaction lui permettent d'envisager une évolution de la France dans le sens qu'il souhaite : un élargissement de la démocratie, voire un cheminement pacifique vers le socialisme. C'est à ce moment que se met en place un système de pensée qui aboutira un an plus tard à la célèbre interview de Maurice Thorez au Times. Pour beaucoup de militants (de dirigeants ?) de l'époque, cette perspective paraît alors plus que vraisemblable : probable.
Tout ce qui peut nuire à cette politique est assimilé à une aide consciente ou «objective» (cet adjectif si présent dans le discours communiste depuis des décennies) au fascisme.
Raisonnement qui a des prolongements dans la politique concernant l'outre-mer. Farouchement anticolonialiste dans ses premières années d'existence, le PCF a amorcé une nette évolution lors de l'expérience du Front populaire. L'exigence de la séparation d'avec la métropole cède alors la place au mot d'ordre d'union avec le peuple de France. L'exaltation de l'indépendance immédiate et sans condition est remplacée par une formule trouvée dans Léline : «Le droit au divorce n'implique pas l'obligation de divorcer.» (5)
Pour le PCF, c'est désormais le danger de récupération des colonies françaises par le fascisme, sous l'une ou l'autre de ses formes, qui est mis presque exclusivement en avant. L'impression qui prévaut à la lecture du discours communiste est que les puissances totalitaires sont partout à l'affût.
Dès lors, l'indépendance des colonies, en tout cas dans un délai prévisible, n'est plus qu'une affirmation théorique. De fait, le PCF demande aux colonisés de faire confiance à la démocratie française et de patienter. Le peuple de France, dont la maturité politique et un garant, saura trouver le chemin de la libération de ces peuples – ou, au moins, de les guider sur ce chemin. L'esprit Front populaire apparaît ainsi comme une manifestation éclatante de ce qu'Aimé Césaire appellera amèrement, plus tard, dans une célèbre lettre à Maurice Thorez, le «fraternalisme» de ses (ex) camarades métropolitains (6).
En 1945, les communistes estiment que la situation leur offre toutes les raisons de reproduire ce schéma. Henri Lozeray, un vétéran de la section coloniale, livre aux militants ses réflexions dans un article au titre significatif : «La lutte du peuple français pour la démocratie et l'émancipation des peuples coloniaux». Il y développe la thèse centrale suivante : «Dans la mesure où le peuple français développe la démocratie dans la métropole en l'élargissant aux territoires d'outre-mer, il crée les conditions plus grandes pour une solution satisfaisante de la question coloniale.» Chaque mot est pesé. Si «le peuple français» est capable de «développe(r) la démocratie» chez lui, il «l'élargi(ra)» quasi automatiquement à l'Empire. On retrouve la thématique, héritage tout à la fois des lumières françaises et du communisme kominternien (et le PCF se veut ouvertement l'héritier des deux), du «centre» (la métropole) et de la «périphérie» (les pays colonisés). Si le rapport des forces en métropole est si bénéfique, pourquoi les peuples d'outre-mer n'en profiteraient-ils pas ? Pourquoi choisiraient-ils la séparation au moment même où les communistes paraissent en mesure de faire basculer la France ? Au nom de l'unité de la «plus grande France», l'aspiration des peuples colonisés à la libération nationale immédiate, naguère exaltée, disparaît. Seule subsiste l'exigence de conquête de droits sociaux et de libertés démocratiques.
L'analyse spécifique de la situation algérienne, dans les mois qui précèdent Mai 1945, obéit à la même logique. La «nation algérienne en formation» (Maurice Thorez, février 1939) a son sort lié à la démocratie française. Qui, alors, pour les communistes, menace cette communauté de destins ? Les «cent seigneurs» de la population européenne et les administrateurs coloniaux, qui ont tous été vichystes. Pour les communistes français alors, ces réactionnaires, effrayés devant l'évolution métropolitaine, sont des séparatistes en puissance, ou même en action. Le fascisme, vaincu en Europe, ne risque-t-il pas de retrouver son souffle en Afrique du Nord ? Le 18 mai, lors d'une session du Comité central, dont on reparlera, il est significatif que l'un des griefs principaux faits par André Marty au gouvernement général est l'interdiction de la republication d'une brochure de l'époque du Front populaire, Ombre du fascisme sur l'Afrique du Nord, de Gabriel Peri(8). L'Algérie va-t-elle devenir la «Vendée de la France nouvelle ?», s'interroge alors avec angoisse L'Humanité(9). Le parallèle avec la République, naguère menacée par les royalistes, avec l'aide de l'étranger, est édifiant. Là où le raisonnement dérape, c'est lorsque les communistes assimilent le combat des nationalistes des colonies à cette résistance réactionnaire et vichyste. Certes, s'il faut avoir en tête que la seule proclamation d'indépendance d'une colonie, alors, est l'Indochine, mais c'est un Bao Dai manipulé par le Japon qui en est l'auteur (10) (l'action du Viet Minh et de son chef, Ho Chim Minh, est alors clandestine et totalement inconnue en France ; cette ignorance durera jusqu'au milieu de l'été 1945) (11). De là à voir des «agents doriotistes du PPF» (12) partout, il y a cependant un pas.
Pas franchi par les communistes français et algériens lorsqu'éclate le drame du 8 Mai 1945.
Quelques précisions techniques qui peuvent avoir leur importance
Pour bien analyser leurs réactions, il faut essayer de se replacer dans les conditions de l'époque.
En premier lieu, il faut souligner que, pour ceux qui ne bénéficiaient pas des moyens de l'appareil d'Etat, les communications étaient extrêmement difficiles. Il a fallu des jours et des jours pour qu'une information minimale circule de Sétif à Alger. Henri Alleg se souvient que lorsque la direction d'Alger Républicain a été en possession de premières – mais vagues – informations, elle a décidé, plusieurs jours après, d'envoyer en urgence sur place son rédacteur en chef, Michel Rouzé, et Jean Amrouche. Bien qu'habitués à la répression coloniale «classique», ceux-ci sont revenus effarés (13).
Entre Alger, où habitaient et travaillaient les dirigeants du PCA et la délégation du PCF(14), et les dirigeants communistes français, à Paris, il y avait une nouvelle barrière. Quelles voies empruntaient les rapports secrets rédigés ? Quel temps mettaient-ils à parvenir entre les mains de leurs destinataires ? Les archives, en ce domaine, ne nous sont d'aucun secours. Et la plupart des témoins sont décédés…
Il faut, pour en finir avec ces données techniques, se souvenir que les informations portées à la connaissance du public étaient maigres. Le lecteur du début du XXIe siècle doit oublier les moyens modernes, complets et rapides d'information dont il dispose. En 1945, seule la presse écrite pouvait informer le public. Or, pénurie de papier oblige, les journaux ne paraissaient que sur une feuille. En métropole, les nouvelles d'Algérie étaient une information parmi mille autres : l'éradication des derniers vestiges du nazisme, la mise en place des nouvelles institutions, la poursuite de la guerre en Extrême-Orient, etc.
Ajoutons à cela que la censure veillait. Chaque journal «hébergeait» un fonctionnaire qui était spécialement chargé de lire tous les articles et de donner son accord. La lecture des articles que L'Humanité, par exemple, consacra en cette période à l'Algérie montre des coupures partout : une, deux, dix lignes censurées.
Deux articles l'ont même été intégralement, les 18 (165 lignes) et 26 mai (180 lignes). Il serait du plus haut intérêt historique d'avoir accès aux paragraphes censurés (15).(A suivre)
Notes
– 1- Aux origines de la guerre d'Algérie, 1940-1945. De Mers El Kébir aux massacres du nord-Canstantinois, Paris, Ed. La Découverte. Coll. Textes à l'appui, 2002.
– 2- Le PC algérien était indépendant depuis 1936. Mais, évidemment, les liens avec le PC français étaient multiples et publics. On en trouve des traces en permanence. Cependant, communauté d'idéologie et de stratégie ne signifie pas fusion. Il faudrait affiner considérablement l'analyse, en particulier en ne négligeant pas les différences entre PC français et PC algérien, ce que les dimensions d'un article ne permettent guère de faire.
– 3- Méthode qui n'était pas seulement historiquement erronée, mais qui, à l'expérience, s'est révélée politiquement contre-productive : elle ne pouvait que convaincre les convaincus, offrir les armes aux adversaires et irriter les gens sincères.
– 4- Au Xe Congrès du PCF, le secrétaire à l'organisation, Léon Mauvais, affirme que plus de 900 000 cartes ont été remises aux fédérations (L'Humanité, 30 juin 1945). Les études historiques retiennent un chiffre plus modeste (entre 500 et 600 000 adhérents).
– 5- Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, 1916 ; in œuvres, Moscou-Paris, ed. du Progrès, vol. XXII.
– 6- Lettre à Maurice Thorez, Paris, Ed. Présence africaine, 1956.
– 7- Cahiers du communisme, avril 1946.
– 8- Intervention d'André Marty ; comité central du PCF, Paris, 120 rue La Fayette, 18 mai 1945 ; Archives du PCF, Archives départementales de la Seine St Denis, Bobigny (en cours de classement).
– 9- 25 février 1945
– 10- Le 9 mars 1945, Tokyo a pris l'initiative de décapiter l'administration française ; 48 heures plus tard, Bao Dai a proclamé une «indépendance» qui masque mal un protectorat nippon. L'Humanité du 13 mars 1945, qui annonce cette nouvelle, n'est évidemment pas tendre avec le docile Bao Dai, naguère homme de paille du colonialisme français, devenu agent des Japonais.
– 11- Voir ma thèse, Les communistes français et L'Indochine, 1945-1954, Université Paris I, Panthéon-Sorbonne, 1984 ; publiée chez L'Harmattan en 1985.
– 12- L'Humanité, 30 mai 1945 (à propos de la Syrie)
– 13- Entretien, Paris, 2 mai 2004.
– 14- Cette délégation, mise en place lors de la Seconde Guerre mondiale, avait longtemps été dirigée par Léon Feix. Au printemps 1945, Victor Joannès et Joanny Berlioz la dirigeaient.
– 15- Nous citons ici l'exemple assez édifiant de L'Humanité du 19 mai, dont un tract du PCF nous permet de connaître le texte exact.


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