Le Forum algérien de lutte contre la corruption a rendu publics hier les résultats d'un sondage effectué sur le phénomène de la corruption en Algérie, des résultats révélateurs de la situation qui prévaut dans le pays. Ainsi, selon l'ONG, une majorité d'Algériens s'attend à une hausse importante de la corruption dans les années à venir, non seulement dans le secteur public mais également privé. Le sondage a montré que 70% des personnes interrogées affirment que la corruption gangrène les institutions de l'Etat et 30% des leaders d'opinion confirment la hausse de la corruption durant les cinq dernières années. En outre, 35% de ces leaders expliquent ce phénomène par la faiblesse des magistrats. En outre, les trois quarts des personnes interrogées affirment ne pas être au courant des affaires traitées par la justice et n'être pas convaincues de l'efficacité des efforts du gouvernement en matière de lutte contre la corruption. La même proportion accuse les hauts fonctionnaires et les politiciens de ce fléau dont les causes les plus citées sont, selon l'enquête, les pratiques des hauts responsables, la faiblesse des magistrats et la non-application des décisions de justice, notamment dans le secteur public, les passe-droits et le clientélisme, l'abus de confiance, la dilapidation de deniers publics et le faux. Interrogés sur les capacités de lutte contre la corruption, les leaders d'opinion citent d'abord le rôle plus ou moins efficace des institutions de lutte puis les médias, suivis de l'Inspection générale des finances (IGF), la Cour des comptes et le mouvement associatif. Profitant de l'occasion de ce sondage, le Forum n'a pas manqué de répondre au ministre des Affaires religieuses à la suite de ses propos tenus le 5 mars selon lesquels « le boycott de l'élection présidentielle est considérée comme un grand crime, au même titre ou beaucoup plus que la corruption administrative, économique, culturelle, sociale, politique et morale ». Dans une déclaration rendue publique hier, le forum estime que « les propos du ministre des Affaires religieuses nuisent plus au candidat-président qu'ils ne le confortent du fait de son besoin de cadres intègres qui luttent contre la vraie corruption au lieu de faire du commerce avec la religion ». Il a noté que « le fait de voter ou non, du point de vue religieux, aurait pu être tranché par un conseil religieux élargi présidé par un exégète algérien neutre et non pas par un ministre chargé d'une mission par un gouvernement censé être astreint à la lutte contre la corruption qui touche tous les secteurs ». Il accuse le ministère des Affaires religieuses d'être le département le plus touché par la corruption en se référant aux rapports de l'IGF, aux différents articles publiés par la presse nationale et aux communiqués du conseil interministériel qui, selon lui, appellent à la nécessité de transparence. Le forum a précisé que sa mise au point ne veut pas dire un appel au boycott de l'élection présidentielle. « Nous voulons juste rappeler au ministre qu'il y a une différence entre le devoir religieux de lutter contre la corruption et le devoir d'institutionnaliser la politique de la corruption », a noté le forum, rappelant le constat catastrophique du département des affaires religieuses établi par l'IGF : dépense de 9,38 millions de dinars lors du pèlerinage, versés sous forme de commissions (en rials saoudiens) aux invités du ministre ; dépassement du budget prévu pour l'hébergement qui a atteint 84,6 millions de dinars ; perte financière occasionnée par la commission du pèlerinage d'un montant de 148,9 millions de dinars dans les opérations d'hébergement à La Mecque et à Médine ; trou dans le budget consacré au transport des hadjis de l'ordre de 11,8 millions de dinars ; préjudice de plus de 1,67 milliard de dinars ; transfert de 400 millions de dinars pour l'achat de terrains à Médine sans qu'aucune réalisation n'ait été engagée ; perte de 90 millions de rials due à une mauvaise gestion de l'immeuble situé à Médine ; dépense de 38 millions de dinars relative au transport aérien sans que les bénéficiaires ne soient identifiés... Ce sont quelques graves défaillances que le forum a citées dans son communiqué et qui ont fait, selon lui, l'objet d'un dossier transmis aux autorités.