Les travaux de ce séminaire ont été malheureusement interdits à la presse, qui s'est contentée des déclarations de certains experts onusiens, d'Interpol, d'Europe et d'Asie. Intervenant en ouverture du séminaire, Bernard Leroy, représentant de l'ONUDC, a mis l'accent sur l'importance d'une telle conférence tout en exprimant son souhait que celle-ci soit «un exemple de la coopération possible entre les Etats et l'Organisation des Nations unies en matière de lutte contre la drogue, le blanchiment d'argent sale et le crime organisé international». M. Leroy a noté qu'aujourd'hui la drogue «n'épargne plus aucun pays, et chaque Etat a le devoir impérieux d'empêcher que les ravages de la drogue ne viennent s'ajouter à ceux de l'alcool, et pour y parvenir, il doit se doter d'une législation appropriée et de l'appliquer efficacement». Pour illustrer l'ampleur de ce phénomène, il a cité des statistiques du dernier rapport de l'ONUDC sur la situation mondiale paru en juin dernier et qui font état de 200 millions de consommateurs de produits stupéfiants dans le monde, soit 5% de la population de la planète, âgés entre 15 et 64 ans. Parmi eux, 160 millions de consommateurs de cannabis, 26 millions d'usagers de d'amphétamines, 13 millions d'usagers de cocaïne, 10 millions de consommateurs d'héroïne et 7 millions d'usagers d'ecstasy. Ce trafic génère, selon lui, un bénéfice annuel de 320 milliards de dollars, ce qui représente le deuxième chiffre d'affaires mondial après celui du commerce des armes. «Le pouvoir acquis ainsi par les trafiquants et le crime organisé ne cesse de croître dans de nombreuses régions de la planète, et des liens très inquiétants s'établissent entre drogue et terrorisme. Nous sommes donc en présence d'une menace contre la démocratie, une menace contre la jeunesse et la famille, une menace contre la société et une menace contre notre civilisation…» Abordant le volet coopération, M. Leroy a indiqué que l'ONUDC et l'Algérie ont initié, il y a 3 ans, un processus de coopération dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, la corruption, le crime organisé transnational, le blanchiment d'argent et la drogue. «A travers ce séminaire, a-t-il expliqué, nous allons essayer d'avoir la photographie de la situation mondiale, régionale et nationale, concernant l'évolution de la production, du trafic et de l'usage de drogues illicites, ainsi que dans les domaines connexes, du blanchiment, du crime organisé et des liens avec le terrorisme. Il est question aussi de mieux connaître les nouveaux instruments juridiques et les pratiques qui permettront aux juges et aux procureurs d'apporter une vraie réponse judiciaire internationale et nationale, permettant de maximiser les effets de l'entraide mutuelle internationale judiciaire. De même que les efforts seront consentis pour comprendre les difficultés rencontrées par les juges et les procureurs algériens dans leur combat quotidien contre la drogue et d'identifier ce qui peut être fait pour faciliter leur tâche…» M. Leroy a développé les mêmes idées lors d'un point de presse très court, animé conjointement avec son adjoint, l'Egyptien Ahmed Nada, tout en insistant sur l'importance de l'entraide judiciaire, notamment entre les pays méditerranéens. Un moyen de financement Il a relevé que les réseaux contrôlés, ou livraisons contrôlées, une technique de lutte permise récemment par les lois algériennes, est un excellent procédé qui donne des résultats assez intéressants. Interrogé sur les réticences de certains pays en matière de coopération, M. Leroy a répondu : «Ce sont des processus qui mettent beaucoup de temps pour se concrétiser. Vous savez que les magistrats traitent des problèmes nationaux et leur souveraineté s'arrête aux frontières de leurs pays. Pour contourner cette situation, les initiatives de jumelage des cours algériennes des juridictions européennes, les séminaires comme ceux d'aujourd'hui et les conventions bilatérales d'entraide en sont les meilleurs instruments…» Le conférencier a estimé que le trafic de drogue évolue d'une manière rapide. Selon lui, l'Algérie qui ne connaissait pas les drogues dures comme la cocaïne et l'héroïne, mais se trouve aujourd'hui confrontée à ce fléau, du fait de sa position géographique de zone de transit pour les immigrants africains. Ces derniers utilisent les drogues dures comme moyen de financement de leur traversée vers l'Europe. «Le cannabis et les psychotropes sont déjà une préoccupation pour les autorités, auxquels s'ajoutent les drogues dures, même si elles représentent une quantité infime…» M. Amara, directeur général des affaires judiciaires et juridiques au ministère de la Justice, a, pour sa part, affirmé que «la mondialisation nous impose une grande ouverture sur le monde et l'adaptation de la formation aux mutations et développements en cours dans le monde, d'où l'impératif d'une coopération judiciaire internationale pour faire face au fléau de la criminalité et du crime organisé transnational. Cette rencontre vise également à faire une autopsie de la situation, aux niveaux national et international, du trafic de drogue et de sa consommation, à même de garantir une ouverture sur les pays développés en matière de prévention et de lutte antidrogue aux plans législatif et judiciaire». Salah Abdennouri, directeur général de l'Office national de lutte contre les toxicomanies, a indiqué que les quantités de drogues saisies ne cessent d'augmenter. Elles sont passées de 6 t en 2002 à 10 t en 2004, et durant le premier semestre 2005 cette quantité a atteint 8 tonnes. Le responsable a tenu à rappeler les chiffres de la direction des affaires pénales au ministère de la Justice, selon lesquels 85% des affaires traitées par la justice sont liés au trafic de drogue. Ce qui démontre, selon lui, une situation alarmante qui nécessite une politique nationale de prévention et de lutte contre ce fléau. Dans sens, a-t-il relevé, un plan directeur national de prévention et de lutte contre la drogue a été adopté en juin 2003 pour une durée de 5 ans (jusqu'à 2008) et pour lequel une enveloppe de 65 milliards de dinars a été réservée. Ce plan, a-t-il expliqué, définit les grands axes de la lutte en matière de répression et de traitement des toxicomanes, mais également en matière de prévention. Interrogé sur la situation du trafic de drogue en Algérie, le responsable a estimé «la saturation du marché sud-américain et la difficulté de faire passer la drogue via l'Europe ont fait de l'Algérie le meilleur transit vers différentes destinations allant jusqu'à l'Asie». Il a affirmé qu'un «lien fort existe entre les différentes formes du crime et que les gains du commerce des stupéfiants sont utilisés pour financer le terrorisme…».