Les services de sécurité ont intercepté 8 tonnes pour le seul 1er semestre 2005. 6 000 affaires de trafic de stupéfiants ont été jugées en 2003. L'augmentation des saisies de cannabis inspire un sentiment mitigé chez les différents intervenants investis dans la lutte contre le trafic de stupéfiants. Car si cette tendance à la hausse prouve l'implication soutenue des services de sécurité, elle reflète à travers les grosses quantités saisies un marché en pleine expansion. En témoignent les chiffres présentés hier à la presse par Salah Abdenouri, directeur général adjoint à l'Office national de lutte contre le trafic et la consommation des stupéfiants (ONLS). Du 1er janvier au 30 juillet de cette année, 8 tonnes de résine de cannabis ont été interceptées par les services de police, de gendarmerie et des douanes. Selon les pronostics de l'office, il est prévu la saisie d'une quantité identique durant le second semestre. Ce qui portera l'ensemble des consignations à 16 tonnes, soit 4 tonnes de plus qu'en 2004. “Entre 2001 et 2004, les quantités saisies ont augmenté de 100%”, révèle M. Abdenouri. Durant l'année 2003, quelque 6 000 affaires de drogue ont été jugées par les tribunaux. Auparavant, les forces de répression étant engagées sur le front de la lutte contre le terrorisme, elles ont fait montre de négligence dans le démantèlement des filières de trafic de drogue. C'est en tout cas l'explication du responsable de l'ONLS. Leur retour à leurs missions originelles ne les dispense pas pour autant des difficultés. Au niveau interne, la paupérisation de la société attire dans le giron des gros barons des recrues de plus en plus jeunes. “85% des interpellés ont moins de 35 ans”, assure M. Abdenouri. Sur le plan externe, la perméabilité des frontières a fait de l'Algérie une zone de transit parcourue par des commis d'un genre particulier, comptant parmi les immigrés clandestins d'Afrique noire qui, souvent, monnayent leur passage vers l'Europe par le transport de capsules de cocaïne. Par ailleurs, notre pays jouxte une zone de production très prospère qu'est le Maroc. Bernard Leroy, conseiller interrégional au service d'assistance juridique de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), évoque un énième circuit implanté dans la zone maritime de la Mauritanie où des bateaux de pêche sont utilisés pour expédier la drogue vers l'Europe. Il cite aussi le cas de marins galiciens qui prennent part au commerce et des trafiquants qui utilisent des navires de plaisance battant pavillon grec et qui se procurent la marchandise en Libye. En somme, la Méditerranée est devenue une véritable mine d'où s'approvisionnent les trafiquants qui alimente l'Europe. Des trafiquants de tout acabit s'y bousculent suite à la saturation du marché américain. Bernard Leroy le certifie avec conviction. Ce qui doit encourager, d'après lui, la coopération entre les polices et les justices des Etats du pourtour méditerranéen afin de dissuader les réseaux de s'y implanter. Dans cet objectif, il est venu prêcher la bonne parole à Alger, en compagnie d'autres experts de l'institution onusienne, de l'Office international de contrôle des stupéfiants et d'Interpol. Les prédications de ces spécialistes éminents s'adressent à une trentaine de magistrats, dont des procureurs généraux, des juges des mineurs et des présidents de sections judiciaires qui ont été réunis en séminaire de formation de trois jours, depuis hier à la résidence des magistrats à Ben Aknoun. Dans son allocution introductive, M. Leroy a insisté sur l'impérativité d'une prise de conscience collective. “Le pouvoir acquis par le crime organisé ne cesse de croître dans nombre de régions de la planète, et de plus en plus fréquemment des liens très inquiétants s'établissent entre drogue et terrorisme. Nous sommes donc en présence à la fois d'une menace contre la démocratie, la famille, la jeunesse et notre civilisation”, a-t-il indiqué. Le rapport de l'ONUDC est symptomatique. Le nombre total de consommateurs de stupéfiants s'élève à 200 millions à travers le monde, soit 5% de la population de la planète, parmi les 15-65 ans. 160 millions sont usagers de cannabis, 26 millions d'amphétamines, 13 millions de cocaïne, 10 millions d'héroïne et 7 millions d'ecstasy. Ces statistiques terrifiantes exigent la mobilisation de tous, surtout des professionnels. D'où la nécessité de sensibiliser les juges et d'améliorer leurs aptitudes. “Les magistrats par les décisions qu'ils sont appelés à prendre sont un maillon décisif dans la lutte contre la drogue. Ce sont eux qui concluent le processus de poursuite. Il est important que cette conclusion soit efficace”. Leur mission implique aussi une coopération avec leurs homologues des autres pays. Qualifiant le trafic de stupéfiants de problème international, la convention de 1988, à laquelle l'Algérie a souscrit, préconise cette solidarité. Or, selon le représentant de l'ONUDC, force est de reconnaître que le corps judiciaire reste encore en retrait. Les juges algériens ne sont pas en reste. Au cours du séminaire, les débats seront animés autour de trois points. Le premier volet traitera de l'évolution du marché de la drogue (production, commercialisation et consommation) et de ses connexions, dont le blanchiment d'argent, le crime organisé et le terrorisme au niveau mondial, régional et national. En second lieu, les magistrats seront familiarisés avec les nouveaux instruments judiciaires et les pratiques permettant de consolider la coopération internationale, comme la livraison contrôlée. Enfin, les juges auront à faire connaître les difficultés rencontrées sur le terrain. En guise de premier pas, qualifié de très positif par l'ONUDC, les autorités algériennes ont adopté récemment une loi consolidant les mécanismes de lutte contre le trafic de stupéfiants et le blanchiment d'argent. SAMIA LOKMANE