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Coleridge-Paul Valéry, l'appel du large
Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2005

Les terres du Levant se trouvaient ailleurs, à des milliers de kilomètres de son lieu de débarquement. Apparemment, les calculs de l'astronome et du géographe Alfraganus, dont il est question au début de ses mémoires, ne lui ont pas été d'un grand secours, pourtant, il avait, en sa compagnie, un certain nombre de grands navigateurs de la défunte civilisation andalouse. L'entreprise du navigateur génois, soutient-on encore, avait un but politique précis : tenter de retrouver la trace des douze tribus d'Israël disparues dans les brumes de l'histoire depuis les temps babyloniens. L'Occident, en tant qu'entité géographique, ensuite, en tant que civilisation, venait donc de naître. Une naissance sans forceps, cependant accidentelle. Le besoin de voyager toujours plus loin, de découvrir de nouveaux espaces, ne s'est pas estompé avec la découverte du Nouveau Monde. Déjà, au temps des Grecs, on voulait atteindre la terre de Simérie, située, selon Homère, quelque part en Occident. La tentation d'aller en direction de l'Ouest ne cessa d'enflammer les esprits de pas mal d'aventuriers. On le voit dans Le voyage de «Jason», héros du voyage mythique de «l'Argo», dans Les dialogues de Platon, dans L'Enéide de Virgile, etc. Toutefois, la terre se rétrécissant, on a voulu, dès la fin du XVIIIe siècle, pallier par l'imagination l'absence de nouvelles étendues géographiques. Quatre grands poètes illustrent bien cette tendance.
Coleridge, (1772-1834) le premier d'entre eux, le prouve dans son poème inclassable, The rime of the ancient mariner. Pour avoir abattu un albatros, son marin, à l'expression égarée et farouche, est condamné à déambuler dans les mers du Sud. Il se cherche dans la vastitude océanique, mais ne se retrouve pas. En fait, le voyage de celui-ci se fait dans le microcosme, dans son instance psychique.
C'est une aventure, quelque peu bizarre, venue relayer celles entreprises par les navigateurs, les géographes, les fondateurs d'empires, depuis la fin du quinzième siècle. Elle est d'ordre psychique, et comme pour assurer un certain équilibre entre l'homme et le monde au sein duquel il se meut.
Si la tentation est grande, parmi les hommes de lettres, de faire parler, de différentes manières, les signes de ce fameux poème, Coleridge demeure, cependant, le poète visionnaire qui a permis à la notion d'Occident, celle qui fut le résultat d'une erreur de navigation, de continuer d'exister, de se renouveler dans les esprits.
Bourlinguer!
Pas plus loin de lui, il y eut Edgar Alan Poe, (1809-1849), ce grand fantaisiste qui lui avait emboîté le pas dans son poème prodigieux, Le corbeau. Une certaine herméneutique voudrait y voir les élucubrations d'un esprit ravagé par la drogue et l'alcool, oubliant en cela que toutes les grandes œuvres littéraires et artistiques disent à peu près la même chose : il y a quelque chose de pourri dans la vie ici-bas, il faut donc tenter de rectifier le tir de celle-ci par l'acte créateur.
Poe a fait usage de tous les excitants, il en est mort d'ailleurs, il reste que son dialogue avec son corbeau purement imaginaire, voire hallucinatoire, constitue un voyage interne, dans son moi, dépassant en profondeur celui accompli à travers les mers du Sud dans son non moins fameux récit, Les Aventures de Gordon Pym. Depuis, les aventures poétiques dans ce sens n'ont pas réussi à l'égaler, même avec les randonnées psychiques et symbolistes d'un Stéphane Mallarmé.
Dans le Vieux Continent européen, Paul Valéry, (1871-1945), s'interroge, à bon escient, dans Le Cimetière marin : et quelle paix semble se concevoir ? Son itinéraire n'est pas géographique, encore moins psychique, et il ne ressemble en rien à celui de Coleridge. On peut même dire qu'il est conçu comme une remontée aux sources grecques. C'est un voyage qui s'effectue dans le temps à une période où la représentation du monde avait radicalement changé. Valéry repousse, philosophiquement, les frontières d'un Occident en quête de tout ce qui est nouveau.
En somme, c'est un penseur pour qui, la mobilité de l'esprit, cette «mer toujours recommencée», est une condition sine qua non pour que l'Occident continue son chemin. Pour lui, formé à l'esprit géométrique avant tout, il faut savoir voyager et dans toutes les directions, sans quoi la civilisation finirait par être mortelle pour de vrai comme il l'avait prédit, déjà, dans la première moitié du siècle précédent.
Donc, pas de relâche dans sa quête frénétique, même s'il donne, parfois, l'impression de cheminer dans des sentiers difficiles à emprunter par les autres hommes. Le voyageur de l'esprit qu'il fut, voulait, à tout prix, s'assurer qu'il était dans la bonne voie, d'où son regard scrutateur en direction des origines gréco-latines, et d'où son adhésion à l'Occident, en tant que civilisation prenant appui sur les acquis de l'esprit, et non comme une erreur de navigation d'un marin du quinzième siècle.
Blaise Cendrars, (1887-1961), qui n'avait pas la profondeur philosophique d'un Valéry, aimait, à son tour, bourlinguer, mais à une petite distance de la côte. Il ne laissait jamais son soleil disparaître au-dessous de la ligne d'horizon. En bref, c'est un voyage horizontal qu'il entreprenait dans l'espoir de faire repousser les frontières du Grand Occident, ne quittant Montmartre avec sa «Jéhanne de France» que pour aller vers l'Oural sur son Transsibérien, fictif ou réel en ce début du vingtième siècle. Son cœur battait toujours pour l'occident alors qu'il était à Moscou ou à Samarkand.
Lui, aussi, évitait de faire une erreur de navigation, et lorsqu'il arrivait à bon port, il ne faisait que défendre son propre territoire occidental, mais en usant d'une stratégie classique, celle qui consiste à se mettre toujours sur ses gardes. Cendrars n'a cessé de repousser les frontières de l'Occident toute sa vie durant, et parfois même en recourant à une espèce de mensonge qui lui était propre.
L'Occident, erreur de navigation, ou voyage dans le voyage, donnera sûrement naissance à une nouvelle forme de rêver. Ses espaces se rétrécissent, de jour en jour, et l'homme, en sa qualité de pièce maîtresse dans ce grand puzzle, éprouvera toujours le besoin d'enjamber l'horizon, d'aller regarder dans le microcosme comme dans le macrocosme. «Car, comme le dit Paul Valéry avec sagacité, ce qui a été cru par tous, et toujours, et partout, a toutes les chances d'être faux.»


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