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Le chant de la mer
Des hommes et des mythes
Publié dans Le Temps d'Algérie le 22 - 03 - 2009

Déesse des flots, musique de migration aux ondes sous-marines, des chants de bouche à oreille, de contrée en contrée, mélange de rythmes pour enfanter des mélodies fantastiques. Folklores, musique andalouse, tango, métissage aux pulsations africaines, le chant des esclaves, la mer, la musique.
Le Brésil, le café, le boom du caoutchouc et la ruée vers l'or. Les navigateurs portugais, l'esclavagisme et le chant des marins portugais, mais à Bahia, le murmure des vagues se transforme en musique.«Matelots, ce sont les poissons de la mer qui m'ont appris à nager, qui m'ont appris à nager.»
Chanson marine. Doublement noire. Le jeune Dorival Caymmi, en 1938, quittait Bahia pour Rio de Janeiro en quête de succès. Voix grave qui accompagne sa grande guitare où il chante les poissons, les pêcheurs et la mer de Bahia. «Le radeau est parti avec Chico, Ferreira et Bento, le radeau est revenu tout seul.»Femmes de pêcheurs, venues, fiancées, éplorées attendant le retour de leur homme, alors offrandes pour Yemanja, déesse de la haute mer, pour qu'elle apporte du poisson au nord.
La pêche est depuis toujours une activité vivrière au Brésil
La sardine est abondante et la pêche se pratique à grande échelle, avec des bateaux modernes. Aventures solitaires : Le vieil homme et la mer d'Hemingway.Dans les eaux chaudes de Bahia ou d'ailleurs, de nombreux poètes s'en sont inspirés tels que Caymmi et son ami l'écrivain Jorge Amado.
«Il est doux de mourir en mer, dans les ondes vertes de la mer... Le beau matelot, la sirène verte l'a emporté.»
Mer, symbole où se partagent rêve et poésie, beauté et passion et des différents succès qu'avaient remporté Tom Jobin et Vinicius de Moraes. «La fille d'Impanema, son doux déhanchement sur le chemin de la mer.»
Les belles filles de Rio, la bière glacée, mais aussi le sida. Les vagues déferlantes, le vent, la solitude aux rythmes de la nature. L'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, dans son récit Le Naufrage, disait : «Au début, j'avais trois heures en mer, mais à cinq heures – cinq heures après mon naufrage – il me parut normal d'attendre encore.» Urashima Taro est un personnage mythique chez les Japonais.
Dans le monde peuplé d'êtres mystérieux, de poissons multicolores, de daurades et de coquillages. Danses fantastiques.
Aux sons de musiques exquises, plusieurs poèmes et contes populaires de cette littérature content les exploits de ce pêcheur.
Depuis l'âge de la pierre, la pêche a été l'un des piliers des économies côtières
Les hommes ont toujours considéré la mer comme la source de toute création. Dans la plupart des mythologies, l'eau est l'élément primordial qui précède tous les autres. Le mythe universel du déluge évoque l'extermination par les eaux d'une humanité pervertie, coupable d'avoir offensé la nature, enfreint ses lois. La civilisation occidentale doit beaucoup à la mer. Depuis l'âge de la pierre, la pêche a été l'un des piliers des économies côtières.
Ce qui les a poussées à construire des bateaux et donner ensuite un nouvel essor à la science, à la technique, aux découvertes et à la prospérité du commerce.«Homme libre, toujours tu chériras la mer», disait Charles Baudelaire dans l'un de ces poèmes. Le commandant Cousteau, dans l'Odyssée sous-marine, les longueurs de la Calypso ou les voyages imaginés de Jules Verne dénotent l'intérêt dans le temps de l'humanité à la mer.
Psalmodie des pêcheurs, voix grave aux rythmes des vagues.
Evoquant la mer, l'écrivain allemand Thomas Mann disait : «La mer, infini l'amour que je porte à la mer dont j'ai toujours préféré la prodigieuse simplicité à la diversité prétentieuse des montagnes, et je suis pleinement conscient que ces deux attirances ont une racine commune.»
Et encore, quelque part, on entend une voix insolite qui interrompt le silence. Psalmodie des pêcheurs, voix grave aux rythmes des vagues. Un vieux, le regard écorché par le spectacle, écoute la mer. Elle est aussi la force et la puissance. Le poète arabe Malek Ibn Nurveyra décrit la charge de la tribu contre un campement ennemi : «Ils nous virent arriver avec l'aube / Plus destructeurs que la mer écumante.» Et Antar Ibn Shaddad, évoquant une bataille : «Interroge-les sur ma vaillance /lorsque se déchaînent comme des vagues /les tribus de Kalb, de Ghany et d'Amir.»
Les Mille et une Nuits, dont les spécialistes font remonter les premières compilations au IXe siècle, comportent de nombreux contes d'inspiration maritime : «Aventure de Sindbad le marin». Ibn Djoubir El Andaloussi, avec son œuvre Errihla (le voyage), ou des écrivains contemporains comme Nadjib Mahfoud dans Miramar ou Hanna Mina dans Des villes en sel. La mer, ses merveilles, ses vents terribles, ses flots, ses trous et ses tornades qui emportent les bateaux vers les gouffres.
La Chine avait longtemps tourné le dos à la mer. Renfermée sur elle-même, c'est vers le VIe siècle, sous la dynastie des Tang, que la Chine s'ouvre à la mer. L'expansion maritime se poursuit alors sous les Song. Ceux-ci furent malmenés par les Mongols qui finirent par fonder leur propre dynastie. La Chine connaîtra plus tard, sous les premiers empereurs, un nouveau tournant dans le commerce par voie maritime.
Certains spécialistes estiment que les Chinois ont un tempérament d'indifférence à la mer. Comme le note le professeur W.E. Cheong, «le commerce ne fut jamais considéré comme un auxiliaire du pouvoir dans un empire où les marchands n'étaient pas jugés dignes d'occuper de hautes charges dans l'Etat».
La Grèce est l'un des pays qui ont bénéficié le plus de l'essor touristique
Les Grecs ! De hardis navigateurs. Leur civilisation s'est répandue à travers de nombreuses îles dans le monde. Ils entretiennent des liens privilégiés avec la mer depuis la nuit des temps où s'est épanouie leur civilisation. Tout comme les errances d'Ulysse, est mythique l'expédition des Argonautes. Homère parlait déjà des exploits de Jason et de ses compagnons lancés à la conquête de la Toison d'or, de la magicienne Circé en son île d'Aen.
Les Grecs savaient tout des vents dominants et de la direction des courants. La pêche à l'éponge s'est pratiquée en Grèce à plus grande échelle. Les soldats s'en servaient pour boire lorsqu'ils n'avaient pas de gobelets et en faisant des coussinets pour se protéger sous l'armure. Actuellement, note l'écrivain grec André Kédos, «les éponges synthétiques font une concurrence déloyale aux éponges d'origine animale. Néanmoins, les belles dames raffinées préfèrent toujours l'éponge véritable, ainsi que les peintres et les artistes d'une manière générale». Enfants du soleil et de la Méditerranée, armateurs, marins et pêcheurs grecs tirent leur substance de la mer.
Aussi, la Grèce est l'un des pays qui ont bénéficié le plus de l'essor touristique. Ici, les îles archéologiques n'ont pas perdu de leur attrait. Delphes, Mycènes, Délos et les beaux marbres des temples, des théâtres antiques et des statues multipliées reflètent le culte de la beauté, du passé et de la douce lumière du présent. C'est pour cela que des touristes par millions y viennent chaque année.
El Badji, un passionné de la mer
La mer fut aussi une source d'inspiration pour beaucoup de poètes et de musique. Souffle aux accents de poème - symphonie. La mer pleine de sons et de rythmes. Guitare résonant à la mesure du vent, luths tamtams vibrants, cadence de va-et-vient des vagues. George Moustaki est fils d'Alexandrie ou sa vocation de musicien avait grandi dans une ville port, une cité plage. Errance, vagabondages mêlés à l'odeur des algues, ruissellement des embruns, fracas de larmes contre les pierres.
Psalmodie de pêcheurs rentrant leurs filets, dédiant une sérénade aux baigneuses. «Lorsque je composai pour Edith Piaf la musique de Milord, disait Moustaki, j'essayais de retrouver l'ambiance sonore des bouges du quartier, des marins que je fréquentais dans mon adolescence.» On raconte l'odyssée quotidienne des pêcheurs, amants de l'océan, victimes de sa furie, le chant de la mer.
El-Badji, passionné de la mer, passait la plupart de son temps dans une sorte de grotte appelée Ravin de la mort, située à Bouharoun, où il se confiait aux vagues de la mer, et la mer prenait soin de lui. Les yeux brisés par le soleil, le cœur tendre et avec la générosité d'un enfant, il scrutait l'espace et cueillait des cris de mouettes, des murmures de la mer pour en faire des qacidate.
Et puis est venue la chanson Ya bahr ettoufane, qu'il avait écrite sur son ami qui a fait naufrage avec sa petite barque et que Boudjemâa El Ankis avait interprétée : «O mer des ténèbres / Combien as-tu pris/ d'hommes et de femmes /De garçons et de filles / Il est parti dans sa barque/ Depuis le petit matin / Il n'est plus revenu / (…) Chaque vendredi je vais aux vagues / Déposer quelques roses.»


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