Il est le doyen de la chanson populaire. Sans lui, il n'y aurait pas de chaâbi. Pour nous, il n'est pas mort, car son œuvre est toujours vivante. Avant de nous apprendre la musique, il nous faisait des cours de morale. C'était un homme affable, affectueux et qui prodiguait beaucoup de conseils.» Abderrahmane Koubi est présent. Il ne pouvait pas rater ce rendez-vous mélomane. Il laisse parler son cœur : «C'était un père pour nous. Il a jeté les bases du chaâbi et nous essayons de suivre son chemin». Cette déclaration a des allures de promesse. Le chaâbi doit continuer à rayonner. Pour les membres de l'association El Ankaouia, c'est plutôt «un repère, un artiste complet qui nous a laissé un vide quelque part». El Anka est irremplaçable. Questionné un jour sur la relève, le maître aurait dit : «Personne ne sera comme moi. Il y aura quelqu'un de mieux que moi ou qui aura moins de capacités.» Ils ont retrouvé tous, lors de cet hommage, l'ambiance qui a bercé leur jeunesse et son romantisme. 27 ans après sa mort, l'aura d'El Hadj M'hamed El Anka est demeurée intacte jusqu'à nos jours. L'écouter chanter, c'est faire un voyage dans le temps où le chaâbi rythmait la vie. La qacida est un moment de plaisir. Elle a cette magie de restituer les atmosphères de fêtes familiales. Son monde du chant s'ouvre sur le merveilleux et laisse voguer l'imagination tout au long du récital. L'artiste, qui voulait rester populaire, a fait entrer le chaâbi dans la légende. Son fils a affirmé hier : «C'est de la responsabilité de chaque Algérien de sauvegarder ce patrimoine.» Charcham a chanté le premier Djeraât el merar kisane ( j'ai bu des verres d'amertume), suivi de Kamel Bourdib qui a interprété un madih dini (chant religieux) avant d'enchaîner avec El hmam li oualeftou. Le moment le plus émouvant est lorsque El Hadi El Anka a chanté Ya dif Allah. Une voix porteuse de poésie. Nadia Benyoucef, élégante, a apporté une petite touche féminine. Sa voix complète celles de Meriem Fekaï et Fadéla Djziria. Avec une voix de velours au timbre chaud et fin, elle subjugue la salle avec des chansons d'amour telles que Ya khatem et un hymne à Bahdja ya Djazaïr. Elle nous emmène dans un monde où l'amour est si fragile et peut s'éteindre au moindre coup de vent. Abderrahmane El Koubi a terminé la soirée en apothéose. El Anka a été honoré par ceux qui ont décidé de garder la flamme du chaâbi allumée. Même si El hmam est triste de ne plus voir le maître, il continue à voler jusqu'au firmament et faire chavirer les cœurs…