L'heure de vérité est proche pour le chanteur de raï, cheb Mami. Poursuivi pour une affaire d'avortement illégal contre une de ses anciennes maîtresses, Mami sera jugé à partir du 2 juillet 2009 au tribunal correctionnel de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Trois complices, dont son ancien manager, Michel Lévy (Michel Le Corre), sont également impliqués dans ce dossier. Complicité d'enlèvement, séquestration, violences, administration de substances nuisibles, menaces et intimidation sur la victime dans le but de l'empêcher de porter plainte, c'est un chapelet de charges que la justice française retient aujourd'hui contre cheb Mami, 42 ans, de son vrai nom Mohamed Khelifati. Interpellé à l'aéroport de Paris en octobre 2006, mis en examen et détenu dans le quartier VIP de la prison de la Santé, le chanteur a purgé quatre mois avant d'être libéré après le versement d'une caution de 200 000 euros. Celle-ci servira, en partie, à payer des dommages et intérêts. Placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français, la vedette du raï s'est fait la belle en mai 2007 avec de faux papiers avant de regagner l'Algérie via l'Espagne. Objet d'un mandat d'arrêt international, l'homme vit aujourd'hui dans son pays où il mène un business florissant dans l'agroalimentaire et l'immobilier. Carrière brisée, image salie, avenir compromis, cheb Mami a cramé son parcours au cours de l'été 2005. Les faits, sordides et scabreux, n'ont rien à envier à un roman de gare. Juillet 2005 donc. Isabelle, photographe de presse avec laquelle Mami entretenait une liaison depuis décembre 2003, découvre qu'elle est enceinte du chanteur. Déjà maman, la jeune femme souhaite garder le bébé. Averti de cette grossesse, le géniteur refuse d'endosser la paternité. « Je lui avais demandé d'avorter et elle a refusé, affirme-t-il dans un entretien accordé le 29 juin 2007 au quotidien Libération. Ce n'était pas une liaison sérieuse et je ne voulais pas d'un enfant illégitime. » Un mois plus tard, Isabelle est invitée par Michel Lévy à se rendre en Algérie pour y réaliser un reportage photos. Cela tombe bien, Mami y donne un concert. La femme ne sent pas le piège. A l'aéroport, elle est accueillie par un Hicham Lazaar, proche de Lévy et de Mami. Hichem lui sert un jus d'orange, Isabelle se sent engourdie. Elle veut prendre un taxi pour se rendre chez une amie, mais un certain Kader, autre homme de main de Mami, la prend en charge pour l'emmener dans une villa algéroise de l'artiste, située non loin de l'ambassade du Pakistan. La suite relève de la barbarie. « Tu as commis une faute », lui dit Kader d'emblée. Allongée sur un matelas, abrutie par des piqûres, la malheureuse sera prise en charge par deux femmes d'une quarantaine d'années. La première est assise sur son ventre, la seconde s'attelle à faire sortir le fœtus avec la main. Il y a du sang par terre, sur le matelas, partout. L'opération terminée, Isabelle quitte la maison. « Si tu parles, on s'en prendra à ta fille… », lance Kader menaçant. Il s'agissait, évidemment, de la fille aînée de la photographe. Celle-ci est de retour à Paris quelques jours plus tard. Convaincue d'avoir perdu son bébé lors du curetage subi à Alger, elle renonce à engager des poursuites judiciaires. Tout de même, elle consulte son gynécologue. Miracle, ce dernier lui apprendra qu'elle est toujours enceinte. Soucieuse de ne pas envenimer davantage la situation, elle tente de négocier avec l'agent du chanteur. 30 000 euros contre l'abandon d'une plainte contre Mami et ses complices. Maurice Lévy lui remet donc 5000 euros en attendant le reste. Mais voilà, fou furieux, Mami ne veut pas de l'enfant et lui demande d'aller se faire avorter en Grande-Bretagne. Kader la harcèle de coups de fils de plus en plus menaçants. Craignant pour sa sécurité, la jeune femme décide de s'en remettre à la justice. Commissariat de police à Seine Saint-Denise, 28 novembre 2005. Isabelle raconte son calvaire aux policiers quand son téléphone sonne à 14h55. Au bout du fil, son amant. On met le haut-parleur, les policiers prennent note. Mami parle, hurle : « Le sang, je l'ai vu, moi. Elles t'ont grattée avec les doigts. J'ai vu les contractions, j'étais là. Ils m'ont amené un truc qui ressemble à du foie. (...) T'as plus de bébé, tu vas nous faire une Marie. » La conversation dure 11 minutes et figure dans le dossier d'instruction. Près d'une année après, le prince du raï débarque à Paris pour la promotion de son album Layali. Arrêté, incarcéré, il s'enfuit en Algérie d'où il continue de clamer son innocence. Sera-t-il présent au tribunal le 2 juillet 2009 ? « Je serai en France pour mon procès », a-t-il déclaré deux ou trois fois à la presse française et algérienne. Présent ou absent, il encourt quand même 10 ans de prison.