Chaque année, tous ses monuments prestigieux s'enfoncent de trente centimètres. Et chaque année les habitants de la ville les remettent à leur hauteur normale. Travail de Sisyphe terrifiant et émouvant, à la fois. Emouvant aussi ce manuscrit d'Avicennes daté de l'an 1000 ! ecrit en vers et traitant de pharmacopée ; exposé au centre Ahmed Baba comme un joyau et comme un bijou qui n'a pas de prix, tant il est ancien, rare et précieux. Tombouctou fondée au XIe siècle et qui a été et reste à ce jour le point de départ des caravanes allant chercher le sel de Taoudenni, seule richesse matérielle de la région. Ville donc fondée au XIe siècle par les caravaniers touareg. Ville mythique. Ville de commerce importante entre l'Afrique noire et l'Afrique blanche. A ce jour et depuis toujours ! Ville à la croisée du désert le plus aride et des régions tropicales traversées par l'immense fleuve Niger qui passe à 17 km de là ! Et qui va jusqu'à Niamey, capitale du Niger et jusqu'à Lagos, capitale du Nigeria et jusqu'à Konakry ! capitale de la Guinée. Tombouctou : Ibn Battouta y séjourna longtemps de 1353 à 1360. Le sultan marocain Ahmed El Mansour l'occupa longuement au XVIe siècle (Il y a toujours le quartier des Marocains en plein centre de la ville ). L'armée française s'y installa en 1893 et y resta jusqu'en 1970 ! Fleuve Niger, donc, long de 4200 km, traversant allégrement 4 pays et donc 4 frontières, mais absolument invisibles. Ainsi le Niger, 3e fleuve d'Afrique, mélange les hommes, les langues, les genres, les paysages, les marchés, les pirogues coloriées, les petits ports fluviaux, et unit en quelque sorte une bonne partie de l'Afrique sur presque 5 000 000 km2 avec un bassin de plus de 2 000 000 km2. Parti de Tombouctou, le fleuve Niger forme après Segou un large delta intérieur aussi grand que le delta du Nil ! Delta jalonné des sites d'anciens royaumes, dont ne restent aujourd'hui que des langues et des ethnies : Bandiagara, Banbara, Songaï, Gasien, Malinké, Dioula, Dogon… Plus d'une centaine de langues pour les quatre pays ; sans oublier l'arabe et le berbère. Rives du Niger peuplées, populeuses, souvent grouillantes de foules bigarrées, hautes en couleur, souvent chamarrées comme pour la plus grande fête païenne du monde où la bière de palme (notre lagmi) coule autant que le débit du fleuve. Rives flanquées de villes qui furent prestigieuses et gardent encore des trésors architecturaux (La mosquée de Djenné, le village dogon d'Ireli, le caravansérail de Gao, les traces d'empire de Mopti…). Villes rebelles, Segou, en particulier, restée païenne à ce jour, malgré une histoire mouvementée et plusieurs invasions des Peuls, des Maures et des Touareg musulmans qui voulurent islamiser par la force cet ancien royaume Bambara (cf. : le roman de Yambo Ouologuem cité longuement dans la première partie de cet article : Le Devoir de Violence qui crie cette vérité que nous ne voulons pas entendre) qui constitua vers le milieu du XVIIIe siècle, les royaumes de Ségou et de Kaarta, au détriment du royaume du Mali. Le royaume de Segou, en particulier s'étendit peu à peu jusqu'à Macéna et Tombouctou ! Puis, il conquit le Sénégal en partie. Les Bambaras restés païens vont se heurter aux Peuls musulmans, féodaux puissants et esclavagistes, dirigés par le chef Toucouleur (Maure, c'est-à-dire métissé blanc et noir) El Hadj Omar Tall qui leur déclara la guerre sainte et occupa Ségou en 1861, après une guerre sanglante et impitoyable. Le royaume conquis va être systématiquement détruit et sa population génocidée. Mais les Bambaras résistèrent faisant une guérilla ininterrompue à l'occupant musulman dirigée par le chef Bambara Archimard qui va reconquérir son royaume vers 1873. Mais très vite la colonisation française vint occuper toute l'Afrique de l'Ouest à partir de 1893… Le Royaume de Segou reconquis n'aura été libre qu'une vingtaine d'années. Villes incroyables, telle Ileri en pays Dogon construite à même la roche, rappelant les maisons troglodites du balcon du Roufi dans l'Est algérien. Les maisons accrochées à la rocaille ont cette particularité, unique au monde, d'être cylindriques. Elles s'entassent les unes au-dessus des autres jusqu'à couvrir, entièrement, le massif du Bandiagara. Ce sont ces Dogons qui vivent aussi dans les arbres dans les régions fluviales et dans les méandres, les estuaires et les lagunes du fleuve Niger. Ce sont eux qui possèdent cet art fabuleux de la sculpture qui a fasciné Picasso. Puis le retour par Bamako, ville de 600 000 habitants criarde et bruyante, pauvre, bon enfant et joyeuse où la musique est un grabuge permanent. Agglutinée au fleuve, elle s'oppose à l'austérité et à l'aridité de Tombouctou. Mais Tombouctou ? Un mythe… délabré ! Quand même…