Rien ne va plus dans la demeure FLN à Skikda et tous les discours réconciliateurs entonnés çà et là donnent l'impression de s'essouffler au fur et à mesure que l'échéance cruciale du prochain congrès du parti approche. Hier, le siège de la mouhafadha du parti a servi de dévidoir à toutes les rancunes camouflées depuis la dernière élection. Toutes les bonnes intentions affichées depuis ont été mises à nu et la « guéguerre » que continuaient à se livrer les deux clans du parti a atteint son paroxysme. Et comme pour embraser davantage une atmosphère déjà assez « chaude », la venue du ministre de la Solidarité, M. Ould Abbès, achèvera ce qui subsistait. La veille, une assemblée avait été tenue en présence des deux parties pour désigner les 44 délégués de la wilaya devant prendre part aux travaux de préparation du 8e congrès. Une opération qui n'avait accordé, selon des informations recueillies sur place, que sept sièges au clan de redressement. D'après certains dirigeants du vieux parti, ce serait là l'unique motivation ayant conduit à la venue de M. Ould Abbès. « Il est venu pour chambouler les données, pourtant nous nous sommes limités à l'application et à la lettre des recommandations de M. Belkhadem et l'assemblée a été supervisée par deux émissaires de Belkhadem qui sont connus pour appartenir au clan de redressement. » Cette thèse sera démentie par le ministre lors de son intervention devant les deux clans : « Je suis ici pour des obligations purement partisanes. Je suis avec vous en tant que militant du parti. Je suis venu pour rassembler. » Cette atmosphère bon enfant ne durera pas longtemps, puisque quelques instants après, le ministre déclarera qu'il était « très déçu pour ce qui s'est passé à Skikda », en faisant allusion au mécontentement des redresseurs qui ont laissé comprendre que plusieurs dépassements auraient été enregistrés. Ils énumèrent des irrégularités enregistrées dans pas moins de 14 kasmas. Ce que réfute l'autre clan en affirmant que l'assemblée a été supervisée par deux responsables délégués par Belkhadem. Suite à quoi, le ministre, sur un ton assez coléreux, jettera un pavé dans la mare en déclarant : « S'il y a des recours, il faudrait me les présenter, car je suis le premier responsable délégué pour préparer les travaux du 8e congrès dans la wilaya de Skikda. Je n'ai pas pu assister à l'assemblée car j'étais en mission officielle à l'étranger et j'ai demandé à reporter l'assemblée pour que je puisse y assister. Ma décision est prise, on étudiera tous les recours et s'il y a lieu de refaire l'assemblée, on le fera. » Et c'est à ce moment que la rencontre prendra une autre tournure qui a failli totalement dégénérer. M. Mekhalif, député et ancien chef de file des parlementaires du FLN du temps de Benflis, entrecoupera l'intervention du ministre pour déclarer : « Pour nous, l'instruction de Belkhadem est la seule référence. Nous avons appliqué cette instruction et deux émissaires de Belkhadem ont assisté à l'opération de vote. D'ailleurs, je me demande quel est le but de la réunion d'aujourd'hui ? » L'énervement était généralisé et la scission du parti n'a jamais été aussi évidente, ce qui poussa le ministre à dire : « Je crois que les choses ont dépassé le seuil de l'entendement. C'est inacceptable que nous puissions encore vivre une telle situation après tout ce qu'on a vécu. » Mais dans la continuité du brouhaha, le ministre, de plus en plus clair et intransigeant, déclarera : « Je suis le responsable délégué pour cette wilaya et je ne reconnais pas l'assemblée d'hier. » Une phrase qui enflammera davantage la situation et les présents assisteront alors à un échange verbal frisant par moments la colère entre le ministre et M. Mekhalif au sujet de la validité de l'assemblée de Skikda. C'était là le sommet de la discorde qui sera suivi par la sortie bruyante du clan légaliste. Le ministre commentera cet incident en déclarant : « Ce qui vient de se passer est inacceptable », avant de clore la réunion en campant sur ses position : « Tous les recours seront étudiés et on décidera du sort de l'assemblée d'hier en fonction de cette étude. »