C'est en ces termes que Najib si Hocine, médecin algérien exerçant en France, qualifie le combat qui l'oppose, lui et ses 7000 autres collègues étrangers, au ministère français de la Santé publique. Barbichette noire, des lunettes qui lui donnent un «look» d'intello, ce médecin de 36 ans souligne les incohérences du système de santé français et ses effets négatifs et «discriminatoires» sur la carrière des praticiens étrangers qui, «pourtant font le même travail que leurs collègues français». Si l'effondrement de la démographie médicale et le départ chaque année en retraite de près de 20 000 médecins français ont créé un espace de travail pour les professionnels de santé étrangers, explique-t-il, en revanche, «force est de constater que notre statut professionnel et administratif n'a pas évolué d'un iota, puisque nous n'avons toujours pas le droit d'exercer notre métier ou de nous inscrire à l'Ordre des médecins. Pourtant, nous travaillons depuis de nombreuses années dans des hôpitaux. Et souvent dans des spécialités difficiles». Afin de mettre un terme à cette injustice criarde, «seule la mobilisation de tous les praticiens étrangers était donc nécessaire pour faire entendre haut et fort nos revendications», assure-t-il. Ainsi, conférences de presse, rencontres avec des députés de toutes les tendances politiques, des organisations de la société civile, des élus et des médias, en plus des actions de protestation presque quotidiennes sont inscrits au quotidien de Najib, qui se retrouve projeté, sans vraiment le vouloir, à la tête du syndicat des Médecins Plus et au-devant de la scène médiatique. Avec deux autres syndicats Association des médecins français à diplôme extracommunautaire (AMFDEC) et le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNPADHUE), créés pour la même cause, ils entendent mener le combat jusqu'au bout : «Nous avons écrit à tout le monde. Du président de la République au ministre pour l'Egalité des chances, en passant par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations qui devrait rendre son avis en début février prochain. On a réussi à leur faire reconnaître le caractère injuste et discriminatoire de notre statut.» «être un bon ambassadeur de mon pays» Pour dénouer la crise, Najib et ses collègues ont pris rendez-vous pour fin janvier avec le ministre français de la Santé «qui a pris le soin de suivre personnellement notre dossier. Mais, en cas d'échec, assure-t-il, nous continuerons notre combat car nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout.» Arrivé en France en 1997, Najib Si Hocine a d'abord obtenu une équivalence avant de se lancer ensuite dans des formations diplômantes en médecine d'urgence et gériatrique. En 1999, il intègre l'hôpital Raymond Point Carré à Garges Les Gonesses, dans la banlieue parisienne, en tant que médecin attaché, puis l'hôpital St Cloud où il a exercé cinq ans comme médecin assistant avant de rejoindre un autre CHU dans le Val-de-Marne. Malgré ses horaires contraignants et ses gardes de nuit exténuantes, Najib trouve toujours le temps pour encadrer des étudiants et internes français et participer à des petits travaux d'intérêt général, en tant qu'expert médical. «Je voudrais être un bon ambassadeur de mon pays, donner une autre image, outre que celle des tueries et du chaos et faire bénéficier mes pairs et les étudiants de médecine algériens des connaissances et de l'expérience que nous avons acquise en France en instituant un système d'échange et de coopération.» Mais en attendant, Najib concentre «son combat contre cette France qui n'a jamais été confrontée à une immigration de cerveaux, mais plutôt à l'arrivée massive d'ouvriers non instruits et sans diplômes». Et de se demander : «Comment une France qui peine déjà à intégrer les élites issues de l'immigration pourra-t-elle intégrer les gens des banlieues?»