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Le fait terroriste à Skikda à l'ombre de la réconciliation
Publié dans El Watan le 23 - 01 - 2006

Tel est, sommairement, le bilan sécuritaire de l'année 2005 à Skikda. Comparativement à plusieurs wilayas du pays, cet énoncé laisse supposer, dans l'actuelle conjoncture, que Skikda demeure encore un haut lieu du terrorisme, ce qui est juste en somme, mais en partie seulement. Car il y a moins de quatre années, Skikda comptait parmi les wilayas les plus infestées et les plus meurtries. Une simple virée aux hameaux de Bissi, Boulballout ou Guerbès suffit pour témoigner de l'horreur. Des populations entières déplacées, des terres abandonnées, des écoles fermées. Le nombre de victimes enregistrées durant la décennie noire dans la wilaya de Skikda dépasse, selon l'organisation des victimes du terrorisme, les 1500 dont 900 tuées. On y dénombre également plus de 300 orphelins et autant de veuves. La plaie est béante. La fait terroriste dans la wilaya de Skikda, et contrairement à ce qui se dit, ne s'est pas limité au simple massif de Collo. Il s'étendait jusqu'à Es Sebt, Leghdir, Fil Fila et Ben Azzouz. La seule différence qui existait ne concernait en fait que la mouvance qui y activait, car les massacres étaient les mêmes.
Les spécificités de la wilaya de Skikda
En apparence, la persistance du terrorisme dans la wilaya de Skikda peut aisément s'expliquer par une prédisposition géographique. On trouve aussi bien à l'Est qu'à l'Ouest deux massifs, le premier à Fil Fila et le second à Collo. Les forêts et les maquis représentent tout de même près de 55% de la superficie totale de Skikda. Ils se concentrent principalement dans les régions concernées par le terrorisme. On relève à ce sujet que les régions qui viennent en aval ou en amont des monts du Ghoufi à Collo, Sidi Dris à Oum Toub ou El Alia à Fil Fila ont été les plus touchées par la présence de groupuscules terroristes. L'autre fait marquant dans la composante des groupuscules terroristes activant encore le long de la bande ouest et sud-ouest de la wilaya de Skikda, c'est l'émergence d'une nouvelle organisation terroriste, le Groupe salafiste libre (GSL). Cette organisation est née à Skikda, il y à plus de trois années déjà et s'est développée en puisant dans la composante irréductible du GSPC. Le GSL, il est vrai, ne dispose pas des mêmes moyens matériels et humains – une trentaine d'éléments -, mais il a à son actif plusieurs attentats.
Plus radical et plus sanguinaire, le GSL avait même menacé, il y à deux années, tous ceux qui exprimeraient l'envie de se rendre aux autorités. Dirigé par Abou Omeir El Wahrani (Youcef El Houari), le GSL se cantonne beaucoup plus dans les monts de Boulballout et Bouras, une zone frontalière entre les wilayas de Jijel et Skikda. Une grande rivalité oppose, à nos jours, les chefs locaux du GSPC à l'émir du GSL. Cette rivalité, qu'on peut imputer aux divergences de méthodologie, n'est, cependant, pas la seule à miner les groupuscules terroristes de la région. Le GSPC lui-même fait face, depuis plus de deux années, à de fortes dissensions. Les échos qui parviennent de temps à autres des zones encore infestées et les déclarations de repentis laissent supposer que la guerre interne est bel et bien présente. Une guerre multiple même puisque, en plus des désaccords déclarés à l'émir national du GSPC, il existe aussi une guerre des chefs, des clans et des régions. L'été dernier, un grand accrochage a eu lieu entre deux groupes du GSPC, l'un de Jijel et l'autre de Skikda. Il s'est soldé par la mort de deux terroristes originaires de Skikda. Cet acte, fortement commenté par les populations, avait, à l'époque, mis à nu la dissension dans les maquis. Par ailleurs, les groupuscules encore en activité donnent l'impression d'agir beaucoup plus en fonction de l'espace que de l'organigramme propre au GSPC. Le partage presque volontaire de la bande Ouest obéit surtout aux considérations de archs et de familles.
Trois figures locales, Touikar, Broche et Lakrat, n'ont cessé de faire leur loi et défier, en quelque sorte, toutes les tentatives de rassemblement initiées par l'émir national du GSPC, Abou Mossaab Abdelouadoud. Ce dernier, à en croire certaines sources, se serait même déplacé au courant du mois de septembre 2004 au maquis de Collo pour tenter de rallier les fractions et ramener le calme au sein des troupes. Les trois hommes se partageaient une grande partie de la zone Ouest. Touikar à Zitouna, près de Collo, Broche à Ouled Attia, et Lekrat à Kerkera. A eux trois, ils représentent respectivement trois tribus, les Béni Ishak du Goufi, les Ouled Attia et les Béni Mhenna.
Vacance de la zone VII
Les données sociologiques relatives aux attaches tribales sont encore très présentes dans les mœurs et donnent l'impression de peser lourdement dans la composition, l'action et la coalition des groupuscules terroristes. A titre d'exemple, la majorité du groupe de Lekrat est composée d'éléments natifs de Kerkera. Onze, plus précisément. On y relève aussi une nette entente entre les groupuscules terroristes de la même région et qui ne ratent pas une occasion pour signifier bruyamment leur refus à tout «parachutage» de chef en dehors du sérail local. Les exemples à ce sujet sont multiples.
Ils ont existé dans le passé et continuent encore de semer la zizanie. Lors de la venue de Mossaab Abdelouadoud à la tête du GSPC, les groupes les plus organisés de la région de Skikda, qui fait partie de la zone VII, dans l'organisation ont manifesté leur refus de toute allégeance au nouvel émir national. Les plus virulents étaient Broche à Skikda et un certain El Gaâ Gaâ à Jijel. Aussitôt, l'émir national décida de destituer Broche de son rang d'émir de katibat Echouhada pour le remplacer par un certain Abou Moukatel de Mila et rebaptiser la katibat en Er Râab (l'horreur). A partir de cet instant, les maquis de Skikda allaient entrer en hibernation suivie de plusieurs redditions. Au mois de juin 2005, R. M., alias Abou El Hamam, un ancien du GIA, égorge un de ses compères avant de se rendre aux services de sécurité. Le 13 mai, un autre terroriste, A. A., alias Abu Jarir, émir de seriat Ettakwa, est donné par ses compères et tombe entre les mains des services en plein centre-ville de Skikda. Le coup d'éclat a été donné dernièrement suite à la liquidation de l'émir Mezhoud, alias Abou Mouaad, dans des conditions qui démontrent clairement qu'il a été lui aussi donné par ses compères. Mezhoud était l'un des hommes de main de l'émir national. Il était le chef de la zone VII qui englobe deux phalanges : Er Raâb à Skikda et El Istikama (la droiture) à Annaba. Certains accusent un certain B. F., alias Khaled, originaire de Mila, de l'avoir donné pour prendre sa relève, d'autres pensent plutôt aux terroristes locaux qui voyaient d'un mauvais œil ses dernières actions terroristes dans la région. En effet, Mezhoud, un ancien sanguinaire du GIA, qui dirigeait à l'époque le groupe El Ghaliboune, totalise à lui seul plusieurs crimes commis à Fil Fila et Bissi. Il était un adepte de la recrudescence des actes terroristes et refusait toute reddition. Sa mort a de nouveau relancé la course au leadership et plongé la zone VII dans une grande vacance. Aujourd'hui, certaines sources vont jusqu'à confirmer que c'est Khaled qui préside provisoirement cette zone sans l'aval de l'émir national.
Ce dernier aurait proposé un autre émir natif de la région de l'Oranie. Cette thèse reste difficile à confirmer devant le mutisme compréhensible des services de sécurité qui refusent généralement tout commentaire concernant la chose sécuritaire. Cependant, plusieurs sources locales attestent que, se sachant indésirable par l'émir national, Khaled aurait même entamé des contacts secrets avec les services de sécurité de Jijel par le biais de certains proches.
On laisse même comprendre que ces contacts devraient a priori aboutir à une reddition.
Dans cette atmosphère, ponctuée de zizanie et de rumeurs aussi, il demeure une autre vérité avancée par les habitants des régions enclavées du massif de Collo. Ils attestent que l'ensemble des actes terroristes commis ces derniers temps dans la région auraient été commis par des groupuscules venus des maquis de Jijel afin de forcer la main aux groupes locaux et les dissuader de toute tentative de reddition. Des personnalités locales originaires de cette région vont jusqu'à confirmer la permanence des contacts avec ces terroristes. Elles avancent que la reddition est pour bientôt, en faisant référence à la promulgation des textes de mise en œuvre de l'application de la réconciliation nationale.


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