Durant les années 1990, la wilaya de Skikda était carrément infestée de groupes terroristes. Que ce soit à l'est (Fil Fila, Azzaba, Guerbès, Bissi…) ou à l'ouest (Tamalous, Zitouna, Collo…), la peur régnait. Ils étaient plus de 400 activistes à infester ces périmètres. Aujourd'hui, toute la zone a été nettoyée. Il demeure cependant quelques poches encore actives sur l'imposant massif de Collo. Selon des sources sécuritairaires, il ne persisterait à Skikda qu'une trentaine d'éléments plus ou moins actifs. Lors de la promulgation de la loi sur la réconciliation nationale, les services de sécurité avaient enregistré sur une période allant du 1er mars au 31 août 2006 une reddition de 17 terroristes, dont six femmes, sans parler de l'accueil de pas moins de 15 enfants. Le terrorisme aura été durant une décennie une dure réalité dans une wilaya immense. Le nombre de victimes enregistrées dépasse, selon l'organisation des victimes du terrorisme, 1500, dont 900 tués. A ce bilan macabre s'ajoutent plus de 300 orphelins et autant de veuves. Les plaies sont encore ouvertes et une simple virée dans quelques hameaux incrustés dans le massif de Collo suffit pour témoigner de l'ampleur du désastre. Mais évoquer la chose terroriste à Skikda pour tenter d'expliquer sa persistance nécessite obligatoirement de revenir sur ses fondements locaux et sur les facteurs qui le morfondent. Aujourd'hui c'est vrai, l'insécurité qui régnait il y a quelques années seulement n'est plus d'actualité. Il est vrai aussi que, même sporadiquement, des actes d'incursions et d'attentats sont signalés. Pourquoi le terrorisme, même amoindri, demeure encore actif à Skikda. Pour plusieurs raisons, comme l'expliquent plusieurs personnes. D'abord il y a le fait géographique. On trouve aussi bien à l'est qu'à l'ouest de la wilaya deux imposants massifs, le premier à Fil Fila et le second à Collo. Les forêts et les maquis représentent près de 55% de la superficie totale de Skikda et se concentrent principalement dans les régions concernées par le terrorisme. Cette « niche » naturelle a d'ailleurs été utilisée par les anciens du GIA à Fil Fila et par le GSL et le GSPC à Boulballout et à Zitouna. L'autre fait marquant dans la composante des groupuscules, c'est l'émergence d'une nouvelle organisation terroriste, le Groupe salafiste libre (GSL). Cette organisation est née à Skikda, il y a plus de quatre années déjà et s'est développée en puisant dans la composante irréductible du GSPC et du GIA. Une grande rivalité opposait les deux groupes avant qu'un accord ne vienne sceller, à la veille de l'allégeance du GSPC à Ben Laden, les deux formations. Actuellement, elles activent sous la bannière du GSPC tout en préservant leur terrain d'action. Le troisième fait qui caractérise le terrorisme à Skikda c'est le tribalisme qui n'est pas le propre de la chose politique, mais du terrorisme aussi. On relève que les groupuscules encore en activité donnent l'impression d'agir beaucoup plus en fonction de l'espace que de l'organigramme propre au GSPC. Ainsi, on assiste à une véritable configuration tribale du fait que la plupart des terroristes sont natifs de la région. Le partage presque volontaire de la bande ouest obéit surtout aux considérations des archs et des familles. Les données sociologiques relatives aux attaches tribales sont encore très présentes dans les mœurs et donnent l'impression de peser lourdement dans la composition, l'action et la coalition des groupuscules terroristes. On y relève aussi une nette entente entre les groupuscules terroristes de la même région qui ne ratent pas une occasion pour signifier bruyamment leur refus à tout « parachutage » de chef en dehors du sérail local. Ce qui fait qu'à ce jour, la zone VII qui inclut Skikda, Guelma et Annaba demeure encore dirigée par un émir intérimaire. Aujourd'hui, les efforts des services de sécurité sont essentiellement concentrés au niveau d'un large périmètre inclus dans la zone ouest (massif de Collo). Certaines sources avancent qu'ils seraient plus de 8000 militaires appuyés par les forces spéciales de la Gendarmerie nationale, de la police judiciaire et des paras de Biskra et de Tébessa. Ces forces très présentes sur un large périmètre qui longe les frontières des wilayas de Skikda, de Jijel et de Mila semblent représenter un paravent devant appuyer le forcing militaire opéré dans les autres maquis de Jijel et de Béjaïa.