Il a commencé à publier ses poèmes dans la presse à la fin des années 1960. Comme tous les poètes algériens de cette période, il a écrit, au début, des poèmes qui sont des hymnes de dévotion à l'Algérie et qui retentissent de cris de révolte contre les souffrances passées et présentes endurées par le peuple algérien. Le texte, ici, fait écran. A mesure qu'il se démasque, il masque son auteur. Cependant, la réalité ne perd pas ses droits, mais elle est vécue de l'intérieur. C'est ainsi que jaillit la poésie intimiste, quelque peu fantasmatique chez Djamel Kharchi. Sans céder à l'historicisme, on peut dire que celle-ci marque une rupture significative avec la «mission prophétique» qui était assignée aux poètes des années 1950 et 1960. En effet, notre poète se démarque de ces derniers et essaie, à partir du milieu des années 1970, de traduire en paroles de feu et de foudre le mal-vivre, le désenchantement, les désastres de toutes sortes. Il dessine et désigne un creuset où quelque chose devrait se produire. Il s'agit en fait moins d'une ouverture vers le monde que de l'intrusion de ce dernier dans l'univers «domestique» du poète. Dans ce contexte, Djamel Kharchi est le moins saisissable de sa génération. On peut lire sa poésie de plusieurs manières et de mille façons. Mais rien ne trouble notre poète, non plus les fables que les affabulations, non plus les commentaires que les insolences. Il continue de produire une poésie qui suggère une nouvelle phase : la rencontre – souvent destructrice – de l'homme et du monde. C'est une poésie de la vitalité, qui associe la virilité de Abdelhamid Laghouati et la réserve de Lazhari Labter. En plus dynamique, elle rappelle celle de Djamel Amrani. C'est une poésie-odyssée d'où l'on ne revient qu'après de périlleuses aventures. Un nouveau code de l'écrit prend en charge cette «corruption de notre mode d'être» et la transforme en «infection sémantique» (Octavio Paz) : complexification du discours, torrent verbal, surcharge de l'écriture. Djamel Kharchi, en Orphée moderne, fait renaître les mythes et les passions qui transposent les rêves et les réalités nouvelles et traduisent les rapports nouveaux que les hommes entretiennent entre eux et le monde. L'intérêt de ses poèmes est moins dans la participation de l'homme que dans la reconnaissance du monde extérieur. Dans le rapport entre le poète et son public, la création devient une rupture (surtout dans les années 1980). Il suffit d'examiner l'époque d'un peu près… Enfin, à travers ses formes «bousculées», la poésie de Djamel Kharchi est fondamentalement un chant du possible. (1) Poète d'expression française