De son vivant, Djamel Amrani considérait qu'un poète, quel qu'il soit, doit établir, sous une forme ou une autre, un rapport vital avec la vérité ; il doit s'engager dans une quête de vérité. Cette vérité recherchée est humble, élémentaire et fondamentale. Et Djamel Amrani l'a chantée de livre en livre jusqu'à sa mort. Durant sa carrière commencée dans les années 1950, Djamel Amrani cristallise, parfois même devance, l'évolution de la poésie algérienne de langue française. Il a été l'un des poètes les plus représentatifs de l'Algérie pendant plus de quarante ans. Les thèmes chers au poète ont été surtout : la difficulté d'aimer, de pénétrer dans l'univers d'un autre, de s'adapter dans une société coincée entre l'ignorance et la pauvreté ou encore la recherche du contact de la chaleur familiale ou amicale. Djamel Amrani se montrait parfois si passionné que le ton de ses poèmes rappelait celui des réquisitoires. En fait, il savait que l'écriture représente un risque, mais ce risque implique autant que soi les autres. Durant toute sa vie, il a produit des poèmes où sont valorisées l'attention aux êtres et aux choses (indépendamment de leur valeur marchande), la concentration qui ne doit pas être confondue avec la passivité. Ce qui exclut toute forme de superficialité et limite l'arbitraire. Djamel Amrani s'efforçait de cerner les mots et les images dans leur spécificité et leur enchaînement. Il cherchait à briser les chaînes verbales toutes faites que l'on finit par trouver « universelles ». La ferveur dont a fait preuve ce poète pour expliquer dans des poèmes étincelants la condition de ses concitoyens n'est que le prolongement naturel - ou plutôt la concrétisation des intentions de ses aînés : Kateb Yacine, Mohammed Dib, Malek Haddad, etc. Et pourtant, il était un poète exigeant. Il est essentiel de lire ses poèmes avec toute l'exigence voulue. Pour lui, la parole est tout ensemble glorieuse et périssable. Il fut un grand dévorateur du verbe. Il a montré que tout était possible et comme tous les poètes contemporains, il avait cette volonté d'utiliser des procédés extensionnels, tels que les indices , chiffres, dates et guillemets pour transformer en noms propres des termes génériques. Il détruisait ce langage dont il était le maître et le fustigeait. Avec lui, le discours s'est ouvert sur les contradictions de la société algérienne. Il n' y a qu'à le prendre sur le fait et se souvenir de ce que cet homme-là a fait dire aux mots. Il fut l'aîné et le grand révélateur pour la génération des poètes. Abdelhamid Laghouati, Djamel Kharchi, Tahar Djaout, Hamid Tibouchi, Youcef Sebti, etc. Djamel Amrani souhaitait couvrir dans sa poésie l'homme entier : jours et nuits, rêves et obligations, cauchemars et assurances, sexe et âme, le tout emporté dans un tourbillon considérable. En conclusion, l'œuvre de Djamel Amrani est le point d'aboutissement logique d'une poésie consciente de l'immersion dans la réalité, hostile à tout retrait, jalouse de l'intégrité de son contenu, avide de contacts humains et décidée malgré tout à explorer le monde.