La Mauritanie est devenue, depuis peu, leur point de départ favori vers les pays de l'Europe de l'Ouest, où ils espèrent trouver un travail. Jusqu'à un passé récent, les immigrants clandestins ralliaient le vieux continent à partir du territoire marocain. Le choix de la Mauritanie par les immigrants subsahariens s'explique par le fait que ce pays manque cruellement de moyens pour assurer un contrôle efficace de ses frontières. C'est ainsi que chaque jour, des centaines de personnes originaires des pays du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest s'entassent dans des bateaux de pêche et des embarcations de fortune loués ou achetés au port de Nouadhibou, situé au nord de la Mauritanie, pour prendre la destination des îles Canaries, endroit à partir duquel ils tentent, par la suite, d'entrer illégalement en Europe. La zone de Nouadhibou est en effet devenue depuis trois mois le lieu où se retrouvent tous les clandestins africains qui souhaitent aller en Europe. Une enquête confidentielle des services de renseignements espagnols publiée récemment par le quotidien espagnol El Pais, reprise la semaine dernière par le journal français Le Monde, évalue «entre 10 000 et 15 000 le nombre de Subsahariens éparpillés (…) dans le nord de la Mauritanie en attente d'un départ par bateau». Ce rapport fouillé des services espagnols révèle également que les réseaux clandestins activant en Mauritanie (une cinquantaine) «sont toujours contrôlés par des Marocains». Les mêmes sources précisent en outre que chaque clandestin doit payer l'équivalent de 1000 euros pour décrocher son ticket pour les îles Canaries, un voyage, long de près de 700 km, qui dure quatre à cinq jours. Pour éviter de devoir payer une telle somme, certains candidats à l'immigration clandestine préfèrent toutefois se débrouiller, eux- même, pour rallier le territoire espagnol. La solution ? L'achat d'une pirogue, dont le prix n'excède généralement pas les 600 dollars. Mais l'arrivée aux îles Canaries n'est pas garantie, surtout à bord d'embarcations aussi précaires et surtout peu adaptées à la navigation en haute mer. Une mort à 600 dollars D'ailleurs, tous les jours des Africains meurent avant d'avoir eu la possibilité de réaliser leur rêve : fouler le sol européen. Quand ils échappent à la mort, des centaines d'entre eux tombent, au bout de leur chemin de croix, dans les mailles des filets des garde-côtes mauritaniens ou espagnols. Ce qui était d'ailleurs le cas vendredi dernier. Les autorités mauritaniennes ont arrêté aux larges de Nouakchott, 24 immigrants clandestins de diverses nationalités africaines (14 Maliens, 6 Mauritaniens, 3 Sénégalais et 1 Gambien) à bord d'une pirogue en plastique qui se dirigeait vers les îles Canaries. Les clandestins ont été retrouvés à 110 milles nautiques (environ 200 km) à l'ouest de la côte atlantique de Nouakchott dans un état de déshydratation avancée. Avant cela, vingt-quatre corps d'émigrants africains, noyés en tentant la périlleuse traversée, ont été retrouvés mercredi dernier dans l'Atlantique par un navire-hôpital espagnol, à 70 milles (130 km) à l'ouest de Ras Nouadhibou. Le nombre d'émigrants clandestins interceptés par les forces de sécurité canariennes a triplé entre janvier et mars par rapport à la même période de l'année 2005 pour atteindre 3 031 personnes. Plus de 100 émigrés clandestins ont, par contre, trouvé la mort au large des côtes mauritaniennes au cours des 15 derniers jours. Devant la difficulté éprouvée pour faire face à la vague massive de clandestins candidats à l'émigration vers les îles Canaries transitant par son territoire, Nouakchott a demandé la semaine dernière l'aide de la Communauté internationale. Cet appel a été entendu, puisque le secrétaire d'Etat espagnol aux Affaires étrangères, Bernardino Leon Gross, a annoncé jeudi que la Mauritanie, l'Espagne et l'Union européenne allaient engager une action commune de lutte contre l'immigration clandestine pour éliminer les réseaux de passeurs opérant à partir du territoire mauritanien.