Les dirigeants du G20 se sont retrouvés, hier à Buenos Aires, pour un sommet de deux jours. Un sommet marqué par des tensions commerciales et géopolitiques entre ces différentes puissances qui pèsent 85% du PIB de la planète. La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, la présence du prince héritier saoudien Mohammed Ben Salmane dont l'image est écornée par l'assassinat, le 2 octobre, du journaliste Jamal Khashoggi, l'arraisonnement par la Marine russe dimanche dernier de trois navires de guerre ukrainiens dans le détroit de Kertch à la mer d'Azov constituent, entre autres, des convulsions qui vont encore attirer l'attention des dirigeants du G20. Jeudi, le président américain Donald Trump a annulé, via Twitter, une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine, une heure après avoir confirmé qu'elle aurait lieu. Il a justifié sa décision par le fait que la Russie n'a toujours pas restitué à l'Ukraine les navires et les marins capturés le 25 novembre au large de la Crimée. Dans la nuit de jeudi à vendredi le Kremlin a déclaré«regretter»l'annulation de la rencontre en question.«Nous regrettons la décision de l'administration américaine d'annuler la rencontre prévue des deux présidents à Buenos Aires», a-t-il déclaré, cité par l'agence de presse officielle russe TASS. Outre le conflit entre Moscou et Kiev, d'autres questions imposent la coopération entre les deux présidents. Ainsi, à propos de la Syrie, ils s'étaient engagés en novembre 2017, lors d'une brève entrevue au Vietnam, où ils ont signé un communiqué commun pour défendre une «solution politique» au conflit syrien. Mais Donald Trump a ordonné, en avril suivant, des frappes contre le régime de Damas accusé d'avoir utilisé des armes chimiques avec le consentement de Moscou. Le recours à un agent chimique contre un ex-agent double russe en Angleterre, imputé par les Occidentaux aux autorités russes, a aussi contribué à empoisonner le réchauffement voulu par les deux dirigeants. Washington a expulsé en réponse 60 «espions» russes et s'apprête à imposer des sanctions économiques «très sévères». Entre-temps, les adversaires du président Trump ne lâchent pas l'affaire de l'ingérence russe dans l'élection qui l'a conduit au pouvoir, objet d'une enquête confiée au procureur spécial Robert Mueller. Ce dernier s'intéresse aussi aux soupçons de collusion entre le Kremlin et l'équipe de campagne du républicain. Plaidoirie pour le prince Concernant les relations entre Washington et Riyad et l'assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo a indiqué, mercredi, que réduire l'ampleur des relations avec l'Arabie Saoudite serait une erreur pour la sécurité des Etats-Unis. «Le meurtre du ressortissant saoudien Jamal Khashoggi en Turquie a relancé les critiques au Congrès et dans les médias, mais une révision à la baisse des relations américano-saoudiennes serait une grave erreur pour la sécurité nationale des Etats-Unis et de leurs alliés», a écrit le chef de la diplomatie américaine dans une lettre publiée sur le site internet du département d'Etat, avant son audition devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères. Selon les conclusions de la CIA, rapportées par le Washington Post et Reuters, le prince héritier Mohamed Ben Salmane a lui-même ordonné l'assassinat du journaliste et opposant. «Le royaume est un puissant pôle de stabilité au Moyen-Orient. L'Arabie Saoudite s'emploie à protéger la fragile démocratie irakienne et à faire en sorte que Baghdad reste fidèle aux intérêts de l'Occident et non à ceux de Téhéran», a soutenu Mike Pompeo dans cette note publiée avant une audition à huis clos au Sénat consacrée au dossier Khashoggi, à l'Arabie Saoudite et au Yémen. «Est-ce une coïncidence si ceux qui exploitent le meurtre de Khashoggi pour condamner la politique du président Trump à l'égard de l'Arabie Saoudite sont les mêmes qui ont soutenu le rapprochement de Barack Obama avec l'Iran, un régime qui a tué des milliers de personnes dans le monde, dont des centaines d'Américains, et malmène son propre peuple ?» s'est-il demandé. Riyad «aide à gérer le flot de réfugiés fuyant la guerre civile syrienne en collaborant avec les pays d'accueil, en coopérant étroitement avec l'Egypte et en renforçant les liens avec Israël». «L'Arabie Saoudite a également alloué des millions de dollars à la lutte que les Etats-Unis mènent contre l'Etat islamique et d'autres organisations terroristes», a rappelé le secrétaire d'Etat, selon lequel «la production pétrolière saoudienne et la stabilité économique sont des éléments-clés de la prospérité régionale et de la sécurité énergétique mondiale». Le même jour, une porte-parole du département d'Etat a annoncé que les Etats-Unis ont scellé un contrat de 15 milliards de dollars avec l'Arabie Saoudite pour la vente du système de défense antimissile Thaad. Les documents de vente de 44 systèmes Thaad ont été signés lundi, a annoncé le département d'Etat. Ce contrat permet de renforcer «sur le long terme la sécurité de l'Arabie Saoudite et de la région du Golfe face à la menace balistique croissante du régime iranien et des groupes extrémistes soutenus par l'Iran», a déclaré la porte-parole du département d'Etat. Pour le président américain, l'Arabie Saoudite reste «un partenaire fiable» dont il a souligné le rôle sur le marché du pétrole et pour protéger les intérêts américains au Proche-Orient. «Je n'aime pas l'idée qu'on mette fin à un investissement de 110 milliards de dollars aux Etats-Unis», a déclaré Donald Trump en octobre, en évoquant les énormes contrats de vente d'armes au royaume saoudien. De son côté, le président français Emmanuel Macron a eu une discussion, jeudi, avec le prince héritier saoudien pour lui exprimer le souhait des Européens «d'associer des experts internationaux à l'enquête» sur l'assassinat de Jamal Khashoggi et sur «la nécessité d'une solution politique au Yémen», selon la présidence française. Face à l'Empire du Milieu Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique ont signé, hier, le nouveau traité de libre-échange nord-américain lors d'une cérémonie officielle en marge du G20. «C'est un modèle d'accord de libre-échange qui va changer le paysage commercial pour toujours», a déclaré le président Trump. Le nouvel Accord entre les Etats-Unis, le Mexique et le Canada (AEUMC), conclu le 30 septembre, remplace le traité de libre-échange nord-américain (Alena). La veille, le président américain avait une nouvelle fois estimé qu'un accord commercial était envisageable avec la Chine, tout en louant les mesures protectionnistes mises en œuvre contre le géant asiatique. «Je pense que nous sommes très près de faire quelque chose avec la Chine», a-t-il affirmé. Le président américain a régulièrement dénoncé les pratiques commerciales de Pékin qu'il juge déloyales, déplorant des droits de douane élevés, le transfert forcé de technologies américaines et le vol de la propriété intellectuelle. Pour protéger certaines industries américaines, il a imposé des taxes douanières de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium chinois. Il a aussi décrété des taxes sur 250 milliards de dollars des produits chinois. Les discussions en vue d'un accord pour réduire le déficit commercial américain sont à la peine depuis le printemps. «Mais je ne sais pas si je veux un accord parce que ce que nous avons désormais, ce sont des milliards de dollars qui affluent aux Etats-Unis sous la forme de ces taxes, donc je ne sais vraiment pas», a poursuivi Donald Trump. «Je pense que la Chine souhaite un accord. Je suis ouvert à conclure un accord, mais franchement, j'aime l'accord que nous avons pour le moment», a-t-il dit. Outre la guerre commerciale, les deux pays sont en conflit sur la mer de Chine méridionale. Pékin a fustigé hier Washington pour avoir fait croiser un navire de guerre en mer de Chine méridionale, à proximité d'îles contrôlées par Pékin mais revendiquées par le Vietnam. La Marine américaine conduit régulièrement des opérations baptisées «liberté de navigation » en mer de Chine méridionale, où Pékin a construit des installations militaires sur des îlots afin de renforcer ses revendications territoriales. Le destroyer USS Chancellorsville est entré lundi dans les eaux de l'archipel des Paracels, connu sous le nom de Xisha en mandarin, a indiqué dans un communiqué le porte-parole de la zone d'opération sud de l'armée chinoise Li Huamin. La Chine a déployé des avions et des navires, qui ont intimé l'ordre au bateau américain de quitter la zone. «Nous exhortons les Etats-Unis à renforcer le contrôle de l'activité de leurs navires et avions qui traversent le territoire chinois, afin d'éviter la survenue d'incidents», a-t-il observé. Pékin a protesté officiellement auprès de la diplomatie américaine, a précisé lors d'un point presse le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Geng Shuang. Il a appelé les Etats-Unis à «stopper immédiatement ces actes provocateurs qui violent la souveraineté de la Chine». La Chine, dispute à plusieurs nations riveraines (Vietnam, Philippines, Malaisie, Bruneï) des îles et îlots de la zone, chaque nation en contrôlant plusieurs. Il s'agit de la deuxième opération navale américaine à provoquer l'ire de la Chine cette semaine. Des navires de l'US Navy sont passés mercredi, pour la troisième fois cette année, par le détroit de Taïwan qui sépare la Chine continentale de l'île. Les autorités chinoises ont exprimé leur «préoccupation». Pékin considère que Taïwan fait partie intégrante du territoire chinois, même si l'île est dirigée par un régime rival.