Donald Trump a jugé crédibles les explications de l'Arabie saoudite, qui a reconnu la mort du journaliste disparu Jamal Khashoggi dans son consulat à Istanbul, tout en évitant de parler pour l'instant d'éventuelles sanctions contre Riyad. Alors que Riyad a admis que Jamal Khashoggi avait été tué dans son consulat d'Istanbul, le Président américain a dit en marge d'un déplacement dans l'Arizona qu'il considérait les explications saoudiennes sur la mort du journaliste comme "crédibles". "Encore une fois, il est trop tôt, nous n'avons pas fini notre évaluation ou notre enquête mais je pense qu'il s'agit d'un pas très important", a-t-il développé. Quant à d'éventuelles sanctions contre Riyad, le locataire de la Maison-Blanche a affirmé qu'il était "trop tôt pour en parler". Évoquant les contrats militaires passés avec l'Arabie saoudite, Donald Trump a dit préférer "que nous n'utilisions pas, comme représailles, l'annulation de l'équivalent de 110 milliards de dollars de travail, ce qui veut dire 600 000 emplois". M. Trump a rappelé que l'Arabie saoudite était un "grand allié" de Washington et un "investisseur formidable" aux États-Unis. Le procureur général Sheikh Saud al-Mujib a annoncé samedi que le journaliste Jamal Khashoggi était mort en raison d'une rixe dans le consulat saoudien à Istanbul. 18 Saoudiens ont été arrêtés dans le cadre de l'affaire sur la disparition du journaliste. Riyad a également annoncé la destitution d'un haut responsable du renseignement saoudien, Ahmad al-Assiri, et d'un important conseiller à la cour royale, Saoud al-Qahtani, deux proches collaborateurs du prince héritier Mohammed ben Salmane. Virulent critique du pouvoir saoudien, Jamal Khashoggi n'avait plus donné signe de vie depuis son entrée le 2 octobre dans le bâtiment du consulat saoudien à Istanbul. Des responsables turcs avaient affirmé qu'il y avait été assassiné et démembré. Le Président turc Recep Tayyip Erdogan avait déclaré que l'Arabie saoudite devrait prouver sa non-implication dans cette disparition et que ses explications étaient jusque-là peu convaincantes. L'affaire perturbera-t-elle les contrats militaires des USA? Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, qui s'est rendu en Turquie, a exprimé durant son entretien avec le président turc Recep Tayyip Erdogan sa préoccupation vis-à-vis de la disparition du journaliste du Washington Post Jamal Khashoggi, et proposé que les USA contribuent à l'enquête. Ankara est à la recherche de preuves de l'assassinat du journaliste au consulat général de l'Arabie saoudite, Riyad nie en bloc, et Washington reste prudent. Donald Trump a appelé à ne pas tirer de conclusions trop hâtives dans l'affaire de la disparition de Jamal Khashoggi. Selon les experts, Washington n'a pas l'intention de perdre ses contrats militaires de plusieurs milliards de dollars avec Riyad, écrit jeudi le quotidien Nezavissimaïa gazeta. Elena Souponina, conseillère du directeur de l'Institut russe d'études stratégiques, pense que Trump bluffe quand il dit que Riyad pourrait éventuellement acheter des armes à la Russie ou à la Chine. "L'Arabie saoudite ne peut pas se réorienter d'un coup sur un autre pays en matière d'achat d'armements. Historiquement, Riyad est significativement lié aux Américains. En revanche, les USA s'efforcent d'empêcher les intentions de l'Arabie saoudite de diversifier ses fournisseurs dans le domaine militaro-technique", explique-t-elle. L'experte rappelle que durant la première visite de Vladimir Poutine en Arabie saoudite en 2007, un important achat d'armes à la Russie avait été évoqué. Les Américains avaient perçu ces négociations comme une atteinte à leurs intérêts. Même s'il s'agissait d'une goutte dans l'océan par rapport aux contrats de plusieurs milliards conclus entre l'Arabie saoudite et les USA. "En évoquant des contrats pour 110 milliards de dollars, Trump ruse à nouveau car une partie a en fait été préparée à l'époque de Barack Obama - qu'il déteste tant. En tant qu'individu représentant les intérêts des grandes entreprises, le locataire de la Maison-Blanche n'est pas prêt à perdre cette part du gâteau à cause des problèmes de liberté et des droits de l'homme", souligne Elena Souponina. D'après l'experte, les contacts se poursuivent entre la Russie et l'Arabie saoudite en matière de coopération militaro-technique, mais ils ne sont pas aussi fructueux que le promettait Riyad. "Moscou souhaite intensifier la coopération en la matière, mais Washington s'y oppose. Les Saoudiens ont témoigné de l'intérêt pour la DCA russe, dont la grande qualité est reconnue dans le monde entier. Cependant, cette opportunité ne s'est pas concrétisée", précise Elena Souponina. A la question de savoir si la délégation russe du ministère des Affaires étrangères et de la Défense qui s'est rendue à Riyad en début de semaine avait pu évoquer avec le prince héritier et ministre des Affaires étrangères Adel al-Joubeir les perspectives de la coopération militaro-technique, Elena Souponina a répondu: "La visite de la délégation russe était liée avant tout aux problèmes avec la Syrie, car l'Arabie saoudite exerce une grande influence sur l'opposition syrienne et, si elle le voulait bien, pourrait investir dans le rétablissement de l'économie de ce pays." Dans une interview accordée à AP, Trump a comparé le scandale autour du journaliste disparu aux accusations de harcèlement sexuel visant le juge de la Cour suprême des USA Brett Kavanaugh, avancées lors des audiences au Sénat sur sa nomination. "Je pense que nous devons d'abord découvrir ce qui s'est réellement passé. Nous sommes de nouveau confrontés à une situation du type "vous êtes coupables tant que vous n'avez pas prouvé votre innocence". Cela ne me plaît pas. Nous venons de traverser cela avec la nomination du juge Kavanaugh et, à ce que je sache, il est innocent", a déclaré le locataire de la Maison blanche. Donald Trump a rappelé que Riyad avait commandé des missiles, des navires et d'autres équipements militaires aux USA pour 110 milliards de dollars. "C'est 500 000 emplois américains, tout cela est produit ici", a-t-il ajouté.