L'activité n'est plus l'apanage des jeunes et moins jeunes chômeurs, puisque l'on retrouvera même des scolarisés intéressés par le gain que procure l'extraction. Ces derniers vont jusqu'à sécher leurs cours pour aller dans l'oued. Munis de pelles, ils s'y rendent pour se procurer de l'argent de poche et parfois même un pactole qui n'a rien à envier à celui du salarié. A l'image de Lahcène et Zahir, deux adolescents. Le premier affirme, tout en donnant des coups de pelle dans le sable, qu'il a pu réunir 20 000 DA en moins d'un mois. Les deux amis travaillent ensemble. Ils chargent à 1000 DA la remorque de tracteur. Ils font jusqu'à 4 ou 5 «voyages» dans la journée. Ils préparent d'abord des monticules de sable, puis contactent leurs «clients» par le moyen de téléphones portables, puis ces derniers arrivent et chargent. Les pères de famille ne sont pas en reste. Il en existe qui font du pillage leur métier et leur gagne-pain. Mouloud, 16 ans, parle d'aînés qui extraient le sable chaque jour en période de décrue de l'oued. Ils facturent à 1400 DA la charge. En fin connaisseur, il explique que le sable a deux couches. La première, d'une épaisseur de 50 cm est pleine de cailloux, elle est de ce fait tamisée. La seconde couche qui va jusqu'à 1 mètre, est chargée directement puisqu'elle est fine. L'activité atteint son pic durant l'été où les pilleurs se délimitent les surfaces et les aires à exploiter. Souvent, des bagarres éclatent entre eux pour des histoires de territoire. L'on nous montre les endroits surexploités où il ne subsiste qu'une couche infime de sable. «Il ne reste presque rien à extraire, il n'y a plus que la pierraille. Nous sommes obligés d'aller chercher ailleurs», lance-t-on, dépité. A partir d'un pont, la vue renseigne sur l'étendue des dégâts. Des tranchées sinueuses sont creusées au milieu du cours d'eau. Des excavations et des tanières, des eaux glauques et polluées… Toute cette défiguration fait que l'eau ne suive pas son cours ordinaire. A des dizaines de mètres en aval, une pelleteuse remplit les bennes de camions, qui font des va-et-vient à longueur de journée. Là encore, ce sont des ravinements qu'ils occasionnent au lit de l'oued. Que restera- t-il de ce dernier ? «Ma yebka fi el oued ghir hdjaro». Cet adage populaire prend ici tout son sens. Les villages limitrophes puisent leur eau par le forage des profondeurs du lit de l'oued. Le risque de la contamination de cette denrée va en se multipliant, sachant que la nappe phréatique est à seulement 20 m de profondeur, préviennent les hydrauliciens. Au niveau du service d'hygiène de l'APC de Tazmalt, on nous affirme que le pillage du sable, qui agit comme un filtre naturel contre les déchets toxiques et les impuretés, est dangereux. L'on attire également l'attention de l'élargissement abusif du lit de l'oued par le fait de l'extraction anarchique qui provoque des inondations dans les oliveraies et les vergers attenants. Il arrive ainsi que des pans de terres agricoles soient engloutis par les eaux en furie. Même si l'oued Sahel se renouvelle grâce aux crues, le dessablement à outrance, conjugué aux déversement des eaux usées et au dépôt des déchets de tous genres, risque de porter un coup fatal à la nappe phréatique.