du côté de la Cinémathèque algérienne, c'est le temps du souvenir et des ressassements de rancœur. Les projets de réhabilitation se comptent déjà par dizaines autour des salles de répertoire comme on les appelait naguère, mais la concrétisation du vœu ne semble pas inscrite pour bientôt. Les priorités ont changé. Les années 1990 sonnèrent le glas de cette prestigieuse institution subitement mise sous éteignoir. Son patrimoine filmique cumulé (10 000 longs métrages et 5 000 en version courte) n'était plus admis aux rencontres internationales. Ses responsables étaient devenus subitement indésirables lors des rencontres cinématographiques mondiales. Ses salles délaissées par les pouvoirs publics et les publics hier encore cinéphiles. un rêve Ouvert en grande pompe aux années fraîches de l'indépendance, le temple du cinéma n'est plus que l'ombre de lui-même aujourd'hui. Le dernier des Mohicans, Boudjemâa Karèche, son directeur, a été prié de faire valoir ses droits à la retraite pour que se referme définitivement un fantastique rêve. Un rêve réalisé en 1964 grâce à Henry Langlois, un ami français de l'Algérie fraternelle qui avait cru lui aussi en la pérennité de cette idylle. C'était le temps des révolutions et des décomptes de victoires sur les aliénations vraies ou supposées. Les auteurs et réalisateurs de l'image du monde entier se faisaient un honneur de rencontrer les spectateurs d'Alger, d'Oran, de Constantine, de Tizi Ouzou, de Annaba de Sidi Bel Abbès et de Béchar. Fortes de ses 15 antres du classique cinématographique, les salles du répertoire se devaient à leur tour de conforter leur statut de pôle culturel majeur à l'échelle d'une partie de l'humanité qu'on désignait sous l'intitulé de tiers-monde. Outre leur mission première de conserver et de diffuser l'œuvre cinématographique, elles étaient appelées aussi à former l'élite de l'image. Une élite qui écrira par la suite les plus belles lettres sur le registre du cinéma d'auteur notamment. La Cinémathèque algérienne était naturellement lieu de sauvegarde, de connaissance, de plaisir et d'émotions partagées. Les grandes manifestations qui lui étaient rattachées étaient aussi bien riches que variées. influx magique Salah Abou Seif, Jean-Luc Godart, Sembène Osmane, Jocelyne Saâb, Herzog, Santiago, Wenders, Mustapha Alassane, Alvarez, Helvio Soto, Rosi, Kontchalovski, Miguel Littin, Oumaro Ganda, Joseph Ki Zerbo, Med Hondo, Nacer Khemir, Youcef Chahine et beaucoup d'illustres créateurs de magie se sont relayés sous les écrans de ces sanctuaires de la culture de l'image pour dire leur sensibilité d'artiste et leur conviction de citoyen. Ils venaient d'Afrique, de Cuba, de Yougoslavie, d'Amérique latine, des deux Europe, du monde arabe (du temps où il était un peu plus soudé), du Vietnam sous les bombes américaines et du pays-continent : la Chine maoïste. Une multitude d'autres artistes visitera, dans les années fastes (les décennies 1960, 1970 et même 1980), ces lieux de mémoire et d'histoire pour perpétuer la déjà solide tradition de cette gardienne d'héritages culturels communs à l'humanité. A l'image des amoureux invétérés de la pellicule comme Ahmed Hocine (le premier responsable de la cinémathèque), Merzak Allouache, Bouamari, Beloufa Yazid Khodja, Abdelhakim Meziani, Abdou B., Ben Salah, Miliani El Hadj, Kali Mohamed, Farès, Aziz Degga, Omar Tayane, tous les mordus du 7e art étaient là pour donner et apprendre. Le Novelty à Alger était l'autre lieu mythique où se scellaient les passions de cet art par essence rassembleur. Himoud, ou plus exactement Momo Majnoun El Kasbah, les interpellait de sa faconde de goual inné. La cinémathèque, dans son esprit et ses lieux éclatés, était terre d'accueil des cinéphiles du monde entier. Elle était surtout perçue par les habitués comme espace privilégié aux grands débats qui agitaient la société. Malgré tous ces aléas, il faut vous dire que son fonds culturel (les bobines de films) reste l'un des plus précieux en Afrique et dans tout le bassin méditerranéen et arabe.